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5G: les enchères lancées mardi, l'Etat espère plusieurs milliards d'euros

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Image d'illustration - Lionel BONAVENTURE / AFP

Ces enchères doivent permettre à Orange, SFR, Bouygues Telecom, et Free d'acquérir 11 blocs de fréquences aujourd'hui inutilisés, et ouvrir la voie aux premières commercialisations de services 5G dans certaines villes à la fin de l'année.

Malgré le climat de défiance, le coup d'envoi des enchères 5G va enfin avoir lieu: la France, "en retard" dans le déploiement du futur réseau mobile au grand dam du gouvernement, lance mardi l'attribution des premières fréquences, qui devrait rapporter plusieurs milliards d'euros à l'Etat.

Initialement prévues en avril mais repoussées en raison de l'épidémie, ces enchères doivent permettre aux opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free) d'acquérir 11 "blocs" de fréquences aujourd'hui inutilisés, et ouvrir la voie aux premières commercialisations de services 5G dans certaines villes à la fin de l'année.

La 5G sera lancée en France en utilisant d'abord la bande allant de 3,4 à 3,8 gigahertz (GHz) sur le spectre électromagnétique, qui classe les différentes bandes de fréquences.

Les quatre opérateurs ont déjà obtenu chacun un bloc de 50 mégahertz (MHz) dans cette bande, au prix fixe de 350 millions d'euros. Avec les 110 MHz supplémentaires mis en jeu, l'Etat espère encaisser 2,17 milliards d'euros au minimum.

L'Arcep, régulateur français des télécoms qui encadre les enchères, a fixé un prix de réserve de 70 millions d'euros par "bloc". Un opérateur ne pourra pas acquérir plus de 100 MHz "pour donner ses chances à chacun", explique son président, Sébastien Soriano.

L'enchère principale, qui devrait durer une dizaine de jours, sera suivie d'une "enchère de positionnement" permettant aux opérateurs de choisir s'ils préfèrent se situer au centre de la bande ou à ses extrémités, plus susceptibles aux interférences avec d'autres services.

Débat politique

Elle ne concerne pas la bande dite des 26 GHz, celle qui doit apporter avec ses fréquences dites "millimétriques" une réelle révolution avec des débits de données inégalés et une latence minimale. Cette bande ne fait pour l'instant l'objet que d'expérimentations car ses effets potentiels sur la santé restent peu connus.

Pourtant, les premiers déploiements à venir de la 5G suscitent l'hostilité d'une partie de l'opinion et de plusieurs responsables politiques locaux ou d'ONG, qui remettent en question l'intérêt pour la société de cette nouvelle technologie, en invoquant des risques pour la santé et l'environnement.

Près de 70 élus de gauche et écologistes, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou la maire de Marseille Michèle Rubirola, ont demandé mi-septembre dans une tribune un moratoire sur l'attribution des fréquences.

Mais le gouvernement a souhaité maintenir son calendrier sans attendre le prochain rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) prévu en mars 2021, mettant en avant notamment le fait que la plupart des pays avancés ont déjà attribué ces fréquences.

Ce débat politique enflammé, marqué par la menace de plusieurs collectivités locales d'entraver le futur déploiement de la 5G, peut-il avoir un impact sur le comportement des opérateurs lors des enchères?

"Cela va changer un peu le rapport de force", estime auprès de l'AFP Guillaume Vaquero, expert télécoms pour le cabinet Wavestone.

"Garanties"

"On était dans un schéma où l'Arcep exigeait des opérateurs des engagements dans la couverture. Là, les opérateurs peuvent dire: +On est prêt à déployer mais quelles sont les garanties que vous nous donnez pour qu'on puisse le faire dans de bonnes conditions?+ Car derrière, ce sont des investissements colossaux", ajoute-t-il.

Autre élément à prendre en compte pour les opérateurs, les fortes restrictions sur le géant chinois Huawei, qui vont notamment obliger SFR et Bouygues Telecom à changer d'équipementier (Ericsson, Nokia) pour une grande partie de leur futur réseau.

Notifié début juillet, le "timing" de la décision des autorités françaises pose question, selon Guillaume Vaquero. "C'est sûr que cela a mis les opérateurs dans une position très délicate car ils ont du revoir leurs plans d'investissement qui sont à l'échelle d'une décennie", explique-t-il.

A terme, la 5G doit tout accélérer, démultiplier la vidéo, désengorger les réseaux mobiles dans certaines zones, et connecter tout ce qui ne l'est actuellement pas (usines, transports...).

Fréquences: mode d'emploi

La "bande-coeur" pour le déploiement de la 5G, sur le point d'être attribuée aux opérateurs, est improprement appelée bande 3,5 GHz (en réalité comprise entre 3,4 GHz et 3,8 GHz).

Pourquoi d'abord la bande 3,5 GHz et non les autres déjà utilisées ou en passe de l'être? Selon leur position sur le spectre électromagnétique, les bandes n'ont pas les mêmes qualités physiques.

Plus elles sont basses, plus elles permettent d'avoir une portée importante avec une meilleure pénétration dans les bâtiments. C'est la raison pour laquelle la bande 700 MHz, la plus basse utilisée pour la téléphonie mobile, est surnommée la "fréquence d'or".

Mais ces bandes plus basses, utilisées par les opérateurs télécoms pour les réseaux 2G, 3G et 4G, sont également les plus chargées.

"Une antenne en bande 700 MHz va avoir une zone de couverture de plusieurs kilomètres. Son avantage, par rapport à d'autres, c'est qu'elle peut très rapidement procurer une couverture importante si demain elle passe en 5G", explique à l'AFP Gilles Brégant, directeur général de l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

"En revanche sur le long terme, comme elle n'a pas une capacité qui est très grande par rapport à la bande 3,5 GHz, elle aura forcément des limites si le nombre d'usagers croît très vite", ajoute-t-il.

Or la 3G et plus encore la 4G ont fait décoller l'usage de l'internet mobile et augmenter le trafic de données avec un risque de saturation. La 5G devant accélérer encore ce mouvement, il était nécessaire de trouver des bandes plus larges et disponibles comme la 3,5 GHz.

"On peut avoir avec cette bande entre 50 et 100 MHz, ce qui est sensiblement plus que ce que les opérateurs ont dans les autres bandes qui ont été ouvertes pour la 2G, 3G, 4G. C'est une bande qui va leur permettre de tenir le très haut débit dans le trafic qui va se créer quand il y aura beaucoup de téléphones 5G en circulation", souligne Gilles Brégant.

A terme, les autres bandes actuellement employées par les opérateurs basculeront aussi en 5G.

Les bandes plus basses (700-800-900 MHz) serviront à faire la couverture, les bandes moyennes (1,8 GHz, 2,4 GHz, 3,5 GHz) pour la renforcer dans les zones les plus denses, absorber le trafic et accélérer la vitesse de connexion, les bandes hautes (26 GHz) pour proposer un très haut débit avec peu de latence.

Les enchères ne concernent pas la bande des 26 GHz, qui ne fait pour l'instant l'objet que d'expérimentations car ses effets potentiels sur la santé sont moins bien connus.

"Normalement, les licences ne devraient être accordées par le régulateur qu'à partir de 2022-2023", précise l'ANFR.

Ce sont pourtant ces fréquences dites "millimétriques" qui doivent apporter une réelle révolution avec des débits de données inégalés.

OC avec AFP