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Culture

"Une fierté": le Bénin expose pour la première fois les trésors restitués par la France

Deux statues, figurant le roi Glèlè (à gauche) et le roi Behanzin (à droite) parmi les œuvres restituées par la France au Bénin.

Deux statues, figurant le roi Glèlè (à gauche) et le roi Behanzin (à droite) parmi les œuvres restituées par la France au Bénin. - Pius utomi Ekpei / AFP

Autrefois exposés au musée du Quai Branly, ces trésors royaux ont trouvé leur place à Cotonou, la capitale béninoise.

Un "tabou" a été brisé. Patrice Talon, le président du Bénin, présentait ce week-end avec "fierté" une exposition historique et hautement symbolique à Cotonou, où les 26 trésors royaux restitués en novembre par la France seront présentés dimanche pour la première fois au peuple béninois, 129 ans après leur vol.

Ces trésors avaient été pillés en 1892 par les troupes coloniales françaises dans le palais d'Abomey, capitale du Royaume du Dahomey, au centre-sud du Bénin actuel, composé alors de plusieurs royaumes.

Cette exposition est "une fierté et une foi en ce que nous fûmes, en ce que nous sommes, et en ce que nous serons", a déclaré Patrice Talon. "Voilà, le Bénin révélé".

Le président a précisé que le pays allait demander à la France d'autres oeuvres toujours détenues par l'ancienne puissance coloniale. Les 26 éléments rendus par l'Elysée, après plus de deux ans de négociations entre Paris et Cotonou, sont la première importante restitution d'objets de collections publiques à un pays africain.

En déplacement à Cotonou, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a pu se rendre dans l'espace de 2000 m2 dédié à l'exposition "Art du Bénin d'hier et d'aujourd'hui, de la restitution à la révélation", qui ouvre ce dimanche au public, jusqu'au 22 mai.

"C'est une exposition absolument magnifique et elle rend encore peut-être mieux la majesté, la créativité, l'incroyable patrimoine historique, politique et esthétique que représentent ces 26 oeuvres", a déclaré la ministre française après sa visite.

Consensus politique

L'exposition a également un fort écho politique, avec la présence au vernissage de l'ancien Premier ministre Lionel Zinsou, qui n'était pas revenu au Bénin depuis sa condamnation par la justice à une peine d'inéligibilité. "Quand il y a un événement qui vous dépasse, comme celui-ci, c'est au dessus de toute controverse politique. L'amour de l'art de la patrie, c'est au-dessus de toutes les querelles", a déclaré l'ancien premier ministre.

Ce consensus est volontairement recherché par le gouvernement, qui y voit une manière de s'amender:

Ces œuvres "ont quitté un royaume, mais elles reviennent dans une république, et nous voulons que ce soit le ferment de l'unité nationale", avait déclaré la veille le ministre béninois de la Culture, Jean-Michel Abimbola.

Depuis son élection en 2016, le président Talon a engagé le pays dans la voie du développement au détriment, selon ses détracteurs, de la démocratie. Dans cet ancien modèle de démocratie en Afrique, la plupart des figures de l'opposition sont soient en exil, soient condamnées par la justice.

Artistes contemporains

De la statue mi-homme mi-lion du roi Glèlè à celle mi-homme mi-oiseau du roi Ghézo, en passant par les portes du palais royal, les invités, très émus, se pressaient pour admirer les trésors.

"C'est très émouvant de me retrouver face au trône du roi Ghézo, je ne l'avais pas imaginé aussi grand, aussi puissant", confie Laeila Adjovi, artiste franco-béninoise dont plusieurs oeuvres sont aussi présentées lors de cette exposition.

Car à côté des trésors, 34 artistes béninois contemporains ont été sélectionnés pour y présenter plus d'une centaine d'oeuvres. Une volonté du gouvernement de lier "l'histoire au présent", et montrer que le "génie artistique béninois a perduré", malgré la dépossession d'une partie de son patrimoine.

La France, mais aussi d'autres pays européens, possèdent toujours un nombre important d'oeuvres pillées durant la colonisation en Afrique. Le "travail de restitution continue", a assuré Mme Bachelot. "Nous sommes en train de travailler sur une loi cadre pour faciliter ces restitutions", a-t-elle ajouté, précisant que le travail législatif pourrait prendre au moins deux ans.

VG avec AFP