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Culture

Une compagnie d'opéra britannique se sépare de 14 musiciens blancs pour "accroître la diversité"

Deux artistes du English Touring Opera

Deux artistes du English Touring Opera - Capture d'écran YouTube - English Touring Opera

Cette compagnie itinérante a annoncé à 14 musiciens qu'elle ne renouvellera pas leur contrat, invoquant une démarche de priorisation de la diversité. L'initiative secoue le monde de la musique classique.

Une compagnie d'opéra itinérante britannique, le English Touring Opera, fait les gros titres outre-Manche pour avoir décidé de se séparer de 14 des musiciens de son orchestre. Dans une lettre adressée à ces derniers, tous blancs, le directeur de la compagnie explique que cette mesure a été prise pour "accroître toutes les formes de diversité".

L'affaire a été révélée par le Sunday Times avant d'être relayée par le Daily Mail. Le tabloïd britannique dévoile la lettre adressée aux musiciens remerciés par James Conway, le directeur du English Touring Opera:

"Le English Touring Opera va connaître des changements importants pour les saisons prochaines", leur annonce-t-il. "Il semble probable que le ETO ne soit pas en mesure de vous offrir une place de travailleur indépendant pour la saison du printemps 2022 (...) Le English Touring Opera est engagé à accroître toutes les formes de diversité dans son équipe, et bien que des avancées constantes et appréciables ont eu lieu sur scène dans ce domaine, nous priorisons un accroissement de la diversité dans l'orchestre."

La lettre évoque l'arrivée récente d'une nouveau directeur musical, Gerry Cornelius, "chargé de donner forme à l'orchestre moderne". James Conway y déclare également que ces nouvelles mesures sont prises "selon les directives fermes du Arts Council", l'un des principaux soutiens financiers du English Touring Opera.

Renvoi de balle

Le Arts Council, rattaché au ministère de la Culture au Royaume-Uni, se défend d'avoir demandé au English Touring Opera d'envoyer cette lettre, et assure "avoir engagé les conversations avec l'ETO afin de nous assurer qu'aucun critère ne lui permettant d'avoir accès à notre soutien financier n'a été brisé", rapporte le Daily Mail.

Le syndicat des musiciens s'est également élevé pour condamner cette mesure: "Nombre des membres qui ont été informés qu'ils ne seront pas de retour pour la saison du printemps 2022 travaillent avec l'ETO depuis 20 ans, voire plus". Les musiciens concernés ont entre 44 et 60 ans.

L'ETO fait valoir ses contrats saisonniers

Face à la polémique, le English Touring Opera a publié un communiqué sur son site officiel pour défendre sa décision. L'organisme y argue notamment que les musiciens signent des contrats saisonniers, et que rien n'oblige l'ETO à les renouveler:

"L'English Touring Opera embauche des musiciens d'orchestre indépendants pour un travail saisonnier, sur la base de l'excellence (...) Lorsqu'ils sont embauchés pour une saison, ils sont prévenus qu'une embauche saisonnière n'engage ni le musicien ni la compagnie pour les saisons futures."

L'ETO poursuit en assurant que les nouveaux musiciens, recrutés cet été au cours d'auditions "organisées pour continuer à entendre les meilleurs artistes du pays", ont été embauchés "sur la base de leurs aptitudes". Et de conclure: "Nous continuerons à étudier toutes les opportunités de travailler avec des équipes et des artistes venus d'horizons toujours plus divers."

Scandale en coulisses

Dans le milieu de la musique classique, la controverse pourrait ne faire que commencer. Des voix s'élèvent, comme celle de la violoniste de l'Orchestre philharmonqiue de Monte-Carlo Zhan Zhan, pour faire part de leur inquiétude:

"Aucune discrimination n'est positive", expose-t-elle dans les colonnes du Figaro. "Cette décision n'a rien à voir avec la musique, elle est purement idéologique. C'est d'autant plus choquant et cruel que le monde des arts du spectacle ne fait que revenir à la vie après un an d'arrêt dû à la pandémie mondiale. Cela signifie aussi que des carrières vont être fragilisées, et des familles probablement poussées vers la précarité. Où peut-on voir de la justice et du progrès dans tout cela?"

Elle y voit une évaluation des artistes selon "leur origine ethnique", et demande: "N'est-ce pas ce qu'on appelle le racisme?".

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV