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Un faux jeu télévisé de torture suscite un malaise en France

Un faux jeu télévisé tourné par un documentariste français, qui sera diffusé mercredi soir sur France 2, montre que plus de 80% des joueurs sont prêts à torturer électriquement leurs partenaires et a relancé le débat concernant la télé-réalité. /Photo d'a

Un faux jeu télévisé tourné par un documentariste français, qui sera diffusé mercredi soir sur France 2, montre que plus de 80% des joueurs sont prêts à torturer électriquement leurs partenaires et a relancé le débat concernant la télé-réalité. /Photo d'a - -

PARIS - Un faux jeu télévisé tourné par un documentariste français, qui sera diffusé mercredi soir sur France 2, montre que plus de 80% des joueurs...

PARIS (Reuters) - Un faux jeu télévisé tourné par un documentariste français, qui sera diffusé mercredi soir sur France 2, montre que plus de 80% des joueurs sont prêts à torturer électriquement leurs partenaires.

Les joueurs croyant participer à l'émission imaginaire "La Zone Xtrême" sont invités par l'animatrice à envoyer des décharges électriques de puissance croissante aux personnes attachées sur un siège devant eux et qui donnent de mauvaises réponses. La plupart s'exécutent.

L'auteur du documentaire "Jusqu'où va la télé?", Christophe Nick, s'est inspiré d'une expérience conduite par le chercheur Stanley Milgram à l'université américaine de Yale dans les années 1960.

Elle était destinée à mesurer, une quinzaine d'années après la défaite du nazisme, la capacité de soumission à l'autorité de l'être humain et l'ouverture à la violence.

Dans le contexte du développement de la "télé-réalité", Christophe Nick entendait démontrer par son faux jeu le pouvoir à ses yeux nuisible de la télévision.

"Chez Milgram, 62% des gens obéissent aux ordres abjects. dans le cadre de la télévision, c'est 81%", a-t-il dit dans un entretien avec Reuters télévision.

"Donc, il faut se poser une question qui est au-dessus de la soumission à une autorité et qui est celle de l'emprise d'un système, la télévision, un système global", a-t-il ajouté.

Il pense que quelqu'un qui est placé sur un plateau est pris par plusieurs éléments - la personnalité de l'animateur, le poids des caméras, le poids du public, le fait de participer à un jeu qui relativise les attitudes et estompe la frontière entre le réel et l'irréel.

"Même si votre partenaire hurle en vous suppliant d'arrêter, vous êtes encore dans le cadre d'un jeu", dit Christophe Nick.

TÉLÉ-RÉALITÉ

L'annonce de la diffusion de ce documentaire a suscité un vif débat, dans un pays venu assez tard aux émissions de télé-réalité.

La première, "Loft story" en 2001 sur M6, avait lancé la vogue de ces programmes qui sont désormais omniprésents en France et mettent en scène des compétitions avec des épreuves physiques et châtiments variés, souvent la sortie du jeu avec un vote des concurrents, mais aussi le fait de manger des insectes.

"Le problème est celui qui détient le pouvoir et décide à un moment d'abuser de son pouvoir. On voit bien dans les programmes de télévision, surtout de la télé-réalité, ces nouvelles normes qui s'imposent, de spectacle de cruauté, d'humiliation, de souffrance", dit Christophe Nick.

Les diffuseurs et les producteurs sont en cause, selon lui, puisqu'ils ont conscience que le ressort de leur spectacle est de pousser les protagonistes des jeux à des comportements déviants.

Christophe Nick pense donc que son travail ne met pas en cause la nature humaine. "Quand on est seul face à un pouvoir qui abuse de son autorité, on est l'être le plus manipulable", estime le documentariste.

Les protagonistes de la télé-réalité et le monde de la télévision ont contesté ce raisonnement, en estimant que l'expérience n'avait pas de valeur probante sur l'univers télévisuel, mais seulement une portée philosophique.

Pascale Breugnot, productrice d'émissions de télé-réalité, a ainsi déclaré au Journal du dimanche que les acteurs de "La Zone Xtrême" auraient agi de même à ses yeux sous les ordres d'un faux policier.

"Le principal intérêt est de rappeler que l'individu a peu de résistance face à l'autorité", a-t-elle dit.

Des sociologues interrogés par des magazines spécialisés ont critiqué les conditions de l'expérience, à leur yeux biaisées. Ils estiment qu'on a cherché à démontrer un postulat.

Thierry Chiarello et Thierry Lévêque, édité par Sophie Louet