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Culture

Spoliations nazies: l'Assemblée vote à l'unanimité la restitution d'œuvres d'art aux ayants droit

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot lors d'une session à l'Assemblée nationale le 25 janvier 2022

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot lors d'une session à l'Assemblée nationale le 25 janvier 2022 - Thomas COEX / AFP

Les députés ont voté à l'unanimité un projet de loi pour restituer 15 œuvres d'art aux ayants droit de familles juives spoliées par les nazis.

Entre émotion et gravité, l'Assemblée nationale unanime a voté mardi un projet de loi en vue de la restitution de 15 oeuvres d'art, dont un tableau de Gustav Klimt et un autre de Marc Chagall, aux ayants droit de familles juives spoliées par les nazis.

Face à ces ayants droit, présents en tribune, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a salué un texte "historique", validé sous les applaudissements par 97 voix. Il doit être adopté définitivement par le Sénat le 15 février.

La spoliation était "la négation de l'humanité (de ces familles juives), de leur mémoire, de leurs souvenirs", a souligné la ministre, à l'unisson des orateurs de tous les groupes politiques.

Klimt, Chagall ou Utrillo

Parmi les 15 oeuvres se trouve "Rosiers sous les arbres" de Gustav Klimt, conservé au musée d'Orsay, et seule oeuvre du peintre autrichien appartenant aux collections nationales françaises. Il a été acquis en 1980 par l'État chez un marchand. Des recherches approfondies ont permis d'établir qu'il appartenait à l'Autrichienne Éléonore Stiasny qui l'a cédé lors d'une vente forcée à Vienne en 1938, lors de l'Anschluss, avant d'être déportée et assassinée.

Onze dessins et une cire conservés au Musée du Louvre, au Musée d'Orsay et au Musée du Château de Compiègne ainsi qu'un tableau d'Utrillo conservé au Musée Utrillo-Valadon ("Carrefour à Sannois") font également partie des restitutions prévues. Un tableau de Chagall, intitulé "Le Père", conservé au Centre Pompidou et entré dans les collections nationales en 1988, a été ajouté. Il a été reconnu propriété de David Cender, musicien et luthier polonais juif, immigré en France en 1958.

"Regarder notre histoire en face"

Pour 13 des 15 oeuvres, les ayants droit ont été identifiés par la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), créée en 1999. Roselyne Bachelot a évoqué un projet de loi "historique": "c'est la première fois depuis l'après-guerre que le gouvernement engage un texte permettant la restitution d'oeuvres des collections publiques" qui ont été "spoliées pendant la Seconde guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l'Occupation en raison des persécutions antisémites".

Quelque 100.000 oeuvres d'art auraient été saisies en France durant la guerre de 1939-1945, selon le ministère de la Culture. 60.000 biens ont été retrouvés en Allemagne à la Libération et renvoyés en France. Parmi eux, 45.000 ont été restitués à leurs propriétaires entre 1945 et 1950.

Environ 2200 ont été sélectionnés et confiés à la garde des musées nationaux (oeuvres "MNR" pouvant être restituées par simple décision administrative) et le reste (environ 13.000 objets) a été vendu par l'administration des Domaines au début des années 1950. De nombreuses oeuvres spoliées sont ainsi retournées sur le marché de l'art.

De gauche à droite, les parlementaires se sont félicités d'une "action juste" avec ces restitutions, qu'il faudrait "accélérer". La ministre s'est dite favorable à une prochaine "loi cadre" pour le permettre, tout en pointant "la complexité des dossiers". La communiste Elsa Faucillon a insisté sur l'importance de "regarder notre histoire en face": il s'agit de "redire le passé, à l'heure où certains le révisent et tentent de réhabiliter Vichy", a-t-elle déclaré en référence au candidat d'extrême droite à la présidentielle Éric Zemmour.

A.A. avec AFP