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"Soumission": quand Houellebecq porte au pouvoir un parti musulman dans la France de 2022

L'écrivain Michel Houellebecq, en novembre 2014.

L'écrivain Michel Houellebecq, en novembre 2014. - Miguel Medina - AFP

Le nouveau roman de Michel Houellebecq n'est pas encore en librairies. Mais la polémique est déjà là. Soumission dresse le portrait d'une France dirigée par un parti musulman, en 2022.

Son nouveau roman n'est pas encore sorti qu'il suscite déjà la polémique: Michel Houellebecq, l'éternel provocateur de la littérature française et l'un de ses écrivains les plus lus à l'étranger, récidive avec Soumission, portrait d'une France dirigée par un parti musulman en 2022. Publié le 7 janvier prochain chez Flammarion, Soumission est le 6e roman de l'auteur de La carte et le territoire, prix Goncourt 2010. Son titre se réfère à la traduction du mot "Islam" qui signifie allégeance (à Dieu).

Le FN aux portes du pouvoir

L'histoire débute à la fin du second mandat de François Hollande, en 2022, dans une France fracturée où le Front national est aux portes du pouvoir, la rue en ébullition. La Fraternité musulmane (parti inventé de toutes pièces par l'auteur) bat Marine le Pen et le Front national au second tour de la présidentielle grâce à une alliance avec le PS, l'UMP et l'UDI. Le nouveau chef de l'Etat, Mohammed Ben Abbes, nomme... François Bayrou Premier ministre. Le pays s'en trouve bouleversé, tout comme le narrateur, le nihiliste François, professeur d'université, à la vie sexuelle débridée mais sans joie véritable.

François apprécie particulièrement de se balader dans le Chinatown parisien du 13e (où Houellebecq habite): "Rien, pas même un régime musulman, ne semblait pouvoir freiner leur activité incessante", dit-il, en regardant les Chinois pousser leurs diables.

François hésite à se convertir à l'Islam pour pouvoir conserver son poste à Paris III, rebaptisée "Université islamique de Paris-Sorbonne", où les secrétaires sont désormais voilées. Mais, contrairement à certains de ses collègues, il renonce et quitte la fac.

"Francitude moisie"

Volontiers polémiste, le romancier semble limiter l'alternative politique future au FN ou à un pouvoir religieux dans cette politique-fiction de 300 pages. En 2001, Houellebecq avait déjà déclenché un tollé en lançant: "la religion la plus con, c'est quand même l'Islam", dans une interview, tronquée selon lui. Scandale, procès, relaxe.

Tiré à 150.000 exemplaires, ce nouveau roman décapant provoque déjà moult commentaires sur la toile, avant même sa sortie: "Je trouve que Houellebecq incarne assez bien la francitude moisie...", écrit ainsi un twitto. "Un peu peur que Michel Houellebecq sombre dans le réac/beauf dans son prochain livre", s'inquiète un autre.

"Houellebecq a toujours été un provocateur"

"L'avenir de la France que décrit Michel Houellebecq est un cauchemar fait d'intégrisme, de fanatisme et d'intolérance", commente aussi la RAI, la télévision publique italienne, sur son site, tandis que le Guardian britannique titre: "Michel Houellebecq provoque la France avec une histoire de président musulman". "C'est au lecteur de se faire son opinion, de comprendre ou de ne pas comprendre l'objet et pourquoi l'auteur s'est penché sur tel ou tel sujet, s'il l'a fait avec ironie, avec distance s'il l'a fait en prenant partie", assure un libraire, interrogé par BFMTV.

"C'est un auteur malicieux, compliqué et qui utilise souvent l'ironie, pointe également Bruno Viard, spécialiste de Houellebecq au micro de BFMTV. Là, il s'en prend au sujet politique. La montée des extrêmes est, à mon avis, quelque chose qui tombe sous le coup de sa critique".

"Hystérie verbale"

Quant à la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, elle attend de lire le roman pour se faire une idée: "Houellebecq a toujours été un provocateur (...) Gardons à l'esprit qu'il y a aussi du second degré" chez lui, a-t-elle expliqué sur Radio Classique Certains de ses détracteurs reprochent aussi à Houellebecq de ne pas avoir de style dans ses romans. Mais "il y a une confusion entre style et hystérie verbale", assène l'écrivain, né Michel Thomas le 26 février 1958 sur l'île française de La Réunion, selon sa biographie officielle. A 6 ans, il est confié à sa grand-mère, dont il a adopté le nom, et entretient la fable de la mort de sa mère. En 2008, celle-ci règle ses comptes dans un livre: "Mon fils, qu'il aille se faire foutre par qui il veut, avec qui il veut, je n'en ai rien à cirer." En 1980, il est ingénieur agronome et se marie. Etienne naît en 1981.

Divorce, dépression. En 1985, il publie des poèmes, puis une biographie de Lovecraft. Sa nouvelle vie d'écrivain commence vraiment en 1994, avec son premier roman Extension du domaine de la lutte, qui en fait très vite un romancier culte pour certains. Suivent Les Particules élémentaires (1998), Plateforme (2001) sur le tourisme sexuel, La Possibilité d'une île (Interallié 2005), autour du mouvement raélien. Enfin, en 2010, il décroche le Goncourt, qu'il espérait depuis dix ans. Depuis, ce héraut de la désespérance aux allures de Droopy fatigué, n'a pas chômé, enchaînant recueil de poésie, premiers rôles au cinéma et expo photos.

M. R. avec AFP / Johanne Portal et Régis Desconclois