Saisie d'un Picasso: qu'est-ce qu'un trésor national?

Les douanes corses ont procédé à une saisie hors du commun la semaine dernière: un tableau de Picasso estimé à 25 millions d'euros. Son propriétaire tente en vain de l'exporter depuis plusieurs années. L'Espagne s'y oppose, arguant qu'il s'agit là d'un trésor national.

Un tableau du peintre espagnol Pablo Picasso d'une valeur estimée à plus de 25 millions d'euros, a été saisi vendredi sur un bateau en Corse.

Le propriétaire de l'œuvre, le banquier espagnol Jaime Botin, tentait en vain d'obtenir l'autorisation d'exporter ce tableau Head of a young woman (Tête de jeune fille) depuis 2012. Le ministère de la Culture avait rejeté la demande, déclarant ce tableau inexportable car il "n'existe pas sur le territoire espagnol d'œuvre similaire" de cette période de la vie du peintre.

Il se trouvait à bord d’un voilier depuis plusieurs années. Et c’est une demande d’exportation déposée en Corse qui a attiré l’attention des douanes françaises.

"Les biens cultuels obéissent à un régime différent"

"Il est intéressant de comprendre qu'à l'heure où les bien s'échangent librement en Europe, les biens culturels obéissent à un régime différent", commente sur BFMTV Jean-Jacques Neuer l'avocat de la succession Picasso. Ce spécialiste du marché de l'art explique que l'œuvre était classée "trésor national, soit la plus importante qualification qu'on puisse imaginer". L'Espagne peut ainsi empêcher sa sortie du territoire.

Le tableau "risque d’être confisqué par le gouvernement espagnol", juge d'ailleurs Jean-Jacques Neuer. Pour l'instant, les autorités françaises attendent d’éventuelles demandes de Madrid pour récupérer l’œuvre.

Un intérêt majeur pour le patrimoine

"Les trésors nationaux sont des biens culturels qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie", indique le ministère français de la Culture.

Depuis sa création en 1993, il revient à la Commission consultative des trésors nationaux d'examiner les propositions de refus du certificat d'exportation. Puis de rendre un avis motivé au ministre de la Culture et de la Communication sur l’opportunité de s’opposer à la sortie définitive du territoire d’œuvres majeures pour le patrimoine national.

Mobilisation pour sauver un Poussin en 2006

En 2008, La Fuite en Egypte de Poussin avait ainsi failli quitter le territoire français. Il était finalement entré dans les collections du musée des Beaux-Arts de Lyon grâce à la mobilisation d’institutions publiques et d’entreprises privées. L'Etat français avait eu 30 mois pour faire une offre au propriétaire et le racheter afin de le conserver dans l'Hexagone.

En revanche, depuis le Traité de Rome, en Europe "chaque pays membre est libre de mettre ce qu’il veut derrière le terme", expliquait connaissancedesarts.com en 2006.

Les pays du sud de l'Europe sont eux plus stricts. Ils fixent très précisément ce qui ne doit pas sortir du territoire en établissant des listes immuables. Et le tableau Tête de jeune fille y figure.

K. L.