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Rencontre dessinée avec Tsuyoshi Takaki, l’auteur de Black Torch: "Alien et Predator ont la classe!"

Black Torch

Black Torch - Ki-oon

Le mangaka, auteur de Black Torch, a réalisé le second meilleur démarrage pour un nouveau manga en 2018 en France. Il raconte son parcours en dessinant.

"Quand on me laisse un moment de tranquillité, je commence à dessiner des personnages masculins un peu âgés. Si on me laissait faire ce que je voulais, je ne dessinerai que ce genre de personnages." Ainsi parle Tsuyoshi Takaki, auteur de la série Black Torch (Ki-oon), second meilleur démarrage pour un nouveau manga en 2018 en France.

Dans cette histoire en cinq volumes, l’auteur raconte les aventures d’un ninja, Jiro, capable de communiquer avec les animaux. Lorsqu’il sauve la vie d’un mystérieux chat noir, sa vie bascule: pour affronter un puissant démon, le félin, en réalité un esprit du nom de Rago, se retrouve contraint à prendre possession de Jiro… 

Tsuyoshi Takaki a depuis débuté une nouvelle série, Heart Gear. Consacrée cette fois à des robots, elle débarque cet automne en France. L’intrigue se déroule après une guerre mondiale responsable de l’extinction de la race humaine. Parmi les rares survivants, Roue doit sa survie à Zett, un robot pacifique qui devient pour elle un père de substitution. Leur quotidien bascule lorsqu’un nouveau robot, Chrome, arrive…

Rencontré à l’occasion de sa venue à la Japan Expo, Tsuyoshi Takaki nous raconte en dessins son parcours. Lorsqu’on lui demande de se présenter, il dessine aussitôt une tête de mort… 

Vous vous représentez avec une tête de mort. Pourquoi? 

J’aime bien ce motif. En plus, comme je suis très blanc, quand je regarde dans le miroir, je trouve aussi que j’ai une tête de mort. C’est aussi facile à dessiner! En réalité, au début, je ne me destinais pas à devenir mangaka. Quand j’étais à l’université, je me destinais plutôt à une carrière de professeur. Je me suis mis à dessiner des mangas à cette période. Je pense que j’ai commencé un peu en retard par rapport à la plupart de mes collègues...

Quel est votre personnage de manga préféré?

J’aime beaucoup de mangas, mais si je devais citer un personnage ce serait Yusuke Urameshi, le protagoniste de YuYu Hakusho [une série de Yoshihiro Togashi, l’auteur de Hunter x Hunter, NDLR]. Il se retrouve embringué dans beaucoup d’aventures. À chaque fois, il en bave et s’en sort toujours en restant fidèle à ses principes. Il a un petit côté "bad boy", mais en même temps on sent qu’il fait tout pour ses amis. Il est épris de justice. J’aime bien les personnages qui ne sont ni tout noir ni tout blanc. Je l’admire en tant que personnage de manga, mais aussi en tant qu’homme. 

Est-ce un modèle pour vous?

Je suis très différent de ce personnage. C’est justement pour cette raison que je l’admire. J’ai plutôt tendance à hésiter, à ne pas avoir confiance en moi. Ce ne sont pas du tout les caractéristiques de Yusuke.
Black Torch
Black Torch © © 2016 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.

Comment est née Black Torch?

Au début, je n’avais pas forcément l’idée de faire un manga de ninjas. J’avais juste en tête que je voulais faire un manga d’action situé dans un monde contemporain avec de la baston. Juste avec ces éléments-là, c’était difficile de trouver ma propre originalité. J’ai ensuite réfléchi à un thème qui pourrait être marquant et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée des ninjas, les shinobis, parce que ce genre de personnages offrent beaucoup de possibilités au niveau scénaristique. Et ils sont connus hors du Japon [c’est ainsi également que se nomment les combattants de l'univers de Naruto, NDLR]. Enfin, j’ai dû trouver ce que j’allais faire de tous ces éléments. Plutôt que de faire combattre mon héros contre des humains, je me suis dit que lui faire affronter des monstres offrirait des scènes très impressionnantes. Voilà comment est né Black Torch

Comment dessine-t-on un bon monstre?

[Dans Black Torch], le principe est qu’ils gardent leur forme humaine jusqu’à ce qu’ils aient à combattre. À ce moment-là, ils se transforment en monstre. Honnêtement, ce n’est pas très difficile pour moi d’imaginer des designs des monstres. Je pars toujours du style de combat. Par exemple, dans le chapitre 1, j’avais l’idée de faire un motif simiesque - parce que les singes sont assez courants au Japon - et il fallait que ça ait de l’impact. Je me suis demandé comment rendre le plus classe possible ce combat. A contrario, le design des personnages humains est plutôt compliqué, parce qu’on peut leur faire porter n’importe quoi, alors que pour les Mononokés [ndlr: démons], tout dépend du style de combat. Quand je veux faire un combat avec un monstre qui utilise sa puissance, il sera gros ou grand. Quand le combat est porté sur la vitesse, il sera plus petit et fin. Ce n’est pas quelque chose qui me demande beaucoup de réflexion. 

Les monstres viennent de vos rêves, de vos cauchemars?

Pas vraiment. C’est vrai que ça fait peur, mais j’aime beaucoup ce type de design. Je trouve qu’Alien et Predator ont la classe! [Mes monstres] ne sont pas un symbole de mes peurs intérieures. Cela doit être difficile de dessiner quelque chose qui ne nous plaît pas à la base. 
Heart Gear
Heart Gear © © 2019 by Tsuyoshi Takaki / SHUEISHA Inc.

Dans Heart Gear, votre nouvelle série, un de vos protagonistes, Chrome, est un robot rudimentaire qui cache en réalité un guerrier beau et puissant...

Je voulais surprendre mes lecteurs en jouant avec ce changement d’apparence. Au début, il a vraiment une tête de vieille machine! L’avantage c’est que cela permet au lecteur de rentrer tout de suite dans le monde de Heart Gear et d’en comprendre les bases. Comme Chrome est un personnage qui ne montre pas trop ses émotions, je voulais quand même qu’il ait l’air un peu sympathique quand il apparaît... C’est pour ça qu’on le voit d’abord sous l’apparence d’un robot un petit peu mignon. Je l’ai aussi fait changer en humain, car je savais qu’il y aurait beaucoup d’actions dans la suite de l’histoire et il fallait que je lui trouve un design adéquat.

Peut-on dire que Heart Gear s’inscrit dans la lignée des contes de fées avec la grenouille qui se transforme en prince charmant?

On n’est pas très loin de ce concept. Au fil de l’histoire, on va découvrir beaucoup de robots humanoïdes. C’était logique, dans cette optique, de dessiner Chrome sous une forme plus humaine. À l’inverse, Zett, qui sert de père à la petite héroïne, Roue, a une vraie apparence de machine. Mais un des thèmes de mon manga est qu’il ne faut pas se fier aux apparences... On ne peut pas savoir qui est un robot ou qui ne l’est pas. J’ai adapté mes designs en fonction de cette idée-là. 

Cette année marque les 40 ans de Gundam. Comment expliquez-vous l’importance des robots au Japon?

Effectivement… Maintenant que vous le dites, c’est assez surprenant. Le centre du récit, c’est l’humain. On parle des humains. On peut en parler à travers de nombreuses formes, dont les robots. Je pense qu’en utilisant des robots qui n’ont pas justement l’apparence humaine on peut se permettre de se reposer la question de ce qui fait un être humain, en découvrant des choses qui ne sont pas aussi évidentes que l’on pouvait le penser. 
Jérôme Lachasse