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Culture

Quand Titeuf se réveille dans un pays en guerre

Début septembre, Zep publiait sur son blog une BD mettant en scène son personnage phare, Titeuf, contraint de fuir son pays frappé par la guerre. Deux millions de vues plus tard, le dessinateur revient pour la première fois sur les raisons qui ont motivé ce dessin.

La planche débute sur un moment ordinaire, qui pourrait apparaître dans n'importe quel album mettant en scène Titeuf. Le jeune héros à la mèche blonde caractéristique lace ses chaussures, tandis que son père lui demande de se presser pour aller à l'école. Mais alors que le lecteur attend la blague ou le mot d'esprit habituels, c'est une forte explosion qui retentit, tuant le père de Titeuf sur le coup.

Ce ne sont que les deux premières cases d'une planche qui en compte quarante-deux, mais elles transmettent déjà ce sentiment de panique que voulait susciter Zep, l'auteur. Publiée sur son blog What a wonderful world, hébergée par le site internet du quotidien Le Monde, la bande dessinée a été vue plus de deux millions de fois en trois semaines.

Titeuf, un réfugié comme les autres

C'est en fait la rédaction du quotidien qui avait demandé à Zep de réfléchir à une planche sur le thème des migrants, sujet phare de l'actualité depuis plusieurs semaines. L'artiste n'est pas dessinateur de presse, mais a souhaité apporter une perspective nouvelle sur ce drame.

"On voit tous les jours aux infos des gens qui fuient. Ce sont des images qui sont d’une violence tellement forte qu’on se blinde par rapport à ça. Et pour finir on regarde ça et ça ne nous fait plus rien. J’ai pensé qu’on était plus touché par un personnage de fiction que par la réalité, parce que ces personnages de fiction on les connaît, ils nous accompagnent."

Titeuf y vit ce qu'ont vécu ces milliers de réfugiés qui frappent aujourd'hui aux portes de l'Europe. Sa maison détruite par une bombe, ses amis tués par des snipers, il tente de fuir son pays, mais la frontière est fermée par des barbelés. La planche se termine par une simple bulle, "Au secours", et une vignette noire. Une manière pour Zep pour créer un électrochoc chez ses lecteurs, en plein débat sur l'accueil des réfugiés.

"Si c’était nous qui devions fuir, je n’aimerais pas tellement que les frontières soient fermées et qu’on soit en prison dans un conflit. Ça me semble humainement inévitable qu’on accueille des gens en situation de détresse."

Une planche éducative

Publiée en "une" de l'édition papier du Monde - une première pour une bande dessinée - l'histoire a fait le tour de la planète. Également exposée dans des salles de classe, elle a permis à des professeurs d'expliquer à leurs élèves la problématique des réfugiés. Un succès que n'avait pas envisagé l'auteur, plutôt habitué des sujets personnels, intimes.

Pourtant, Zep n'envisage pas forcément de réitérer l'expérience, et ne se rêve surtout pas en dessinateur d'actu, préférant se tourner lui-même en ridicule plutôt qu'un sujet d'actualité: "Il y a un côté donneur de leçon dans ces dessins de presse, où on dit 'le con, c’est lui'. Et à l’arrivée, le con, c’est nous".

H. M. avec Antoine Heulard et Ikram Kchickech