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Philippe Lançon décroche le prix Femina avec Le lambeau

Philippe Lançon est lauréat du prix Femina avec son livre "Le Lambeau", édité chez Gallimard.

Philippe Lançon est lauréat du prix Femina avec son livre "Le Lambeau", édité chez Gallimard. - Gallimard

Le journaliste Philippe Lançon, blessé au visage lors de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, a reçu ce ce lundi le prix Femina, pour son ouvrage Le Lambeau.

Le journaliste et écrivain Philippe Lançon a reçu lundi le prix Femina pour Le Lambeau (Gallimard), récit de sa lente reconstruction après sa grave blessure au visage lors de l'attentat de Charlie Hebdo.

La romancière américaine Alice McDermott a reçu le Femina étranger pour La neuvième heure (La table ronde) et Élisabeth de Fontenay a été récompensée par le Femina essai pour Gaspard la nuit (Stock).

Exclu de la liste du Goncourt, Philippe Lançon est également pressenti pour le prix Renaudot, qui sera décerné le 7 novembre. Le Lambeau, considéré non pas comme une fiction mais comme un témoignage n'a pas été retenu par le jury du Goncourt.

"Ce roman n'est pas une oeuvre d'imagination, c'est un témoignage (...) c'est un très bon livre, peut-être l'un des plus beaux de l'année mais ça ne correspond pas à ce qu'attend le Goncourt, c'est-à-dire couronner un roman d'imagination", s'est justifié Bernard Pivot, le président du Goncourt.

"Une oeuvre d'imagination"

Lauréat en septembre du prix Roman News, Philippe Lançon a indirectement répondu à Bernard Pivot en expliquant que son oeuvre était bien "une oeuvre d'imagination comme tout acte de création".

"Je n'ai pas imaginé ce que j'ai vécu du 7 janvier au 13 novembre 2015. Je n'ai rien imaginé de ce que je raconte. Mais j'ai imaginé comment l'écrire et le composer", a-t-il souligné en recevant son prix.

Le jury du Femina et celui du Renaudot ont fait le choix inverse du Goncourt, en retenant Philippe Lançon parmi leurs finalistes.

Le 7 janvier 2015 Philippe Lançon n'est pas mort après que des tueurs criant "Allah Akbar" ont fait irruption dans les locaux de Charlie Hebdo, massacrant au total douze personnes. Une balle lui a arraché le bas du visage.

"A partir du 7 janvier, tous les mondes dans lesquels j'avais vécu, toutes les personnes que j'avais aimées se mirent à cohabiter en moi sans préséance ni bienséance, avec une intensité folle, proportionnelle à la sensation qui dominait: j'allais les perdre, je les avais déjà perdus".

Pages parfois insoutenables

Le récit commence la veille de l'attentat. Chroniqueur culturel à Libération, Philippe Lançon est au théâtre, pour voir La nuit des rois de Shakespeare. On se souvient dans cette pièce du personnage de Malvolio le puritain qui, rappelle Philippe Lançon, "veut punir les hommes de leurs plaisirs et de leurs sentiments au nom du bien qu'il croit porter, au nom d'un dieu, se croit autoriser à faire tout le mal possible pour y parvenir".

Mais cette pièce nous dit Shakespeare est juste un songe. Le 7 janvier fut au-delà du cauchemar. Philippe Lançon raconte l'attentat dans une soixantaine de pages parfois insoutenables.

"J'ai tourné ma langue dans ma bouche et j'ai senti des morceaux de dents qui flottaient un peu partout", se souvient-il. "J'ai su plus tard que la salle de rédaction était une mare de sang mais (...) si je baignais dedans, je ne le voyais presque pas".

Reconstruction de son corps détruit

Mais le plus difficile est encore à venir. Philippe Lançon nous fait le récit du lent et douloureux travail de reconstruction de son corps détruit.

Sa plume est portée par la grâce quand il évoque les infirmières qui veillent sur lui, les médecins, notamment la chirurgienne "Chloé", qui se relaient à son chevet, les policiers qui le protègent, son frère qui ne le quitte pas. Il évoque aussi les auteurs et la musique qui l'accompagnent dans cette difficile résurrection, Kafka et Proust qu'il lit et relit sans cesse, Bach...

Le livre s'achève le 13 novembre, jour de l'attaque de plusieurs restaurants et de la salle de concerts du Bataclan à Paris. Philippe Lançon est à New York.

"C'était de nouveau, comme au réveil après l'attentat, un décollement de conscience, et j'ai senti que tout recommençait, ou plus exactement continuait, en moi et autour de moi..."

M. R. avec AFP