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"Nauséabond", "poignant"... Houellebecq divise les critiques avec son nouveau roman "Anéantir"

L'écrivain Michel Houellebecq le 25 avril 2019 à Paris

L'écrivain Michel Houellebecq le 25 avril 2019 à Paris - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP

Le nouveau livre du romancier, qui anticipe les années 2026 et 2027, sort ce vendredi. Tiré à 300.000 exemplaires, il est promis à un bel avenir en librairie.

Anéantir, le huitième roman de Michel Houellebecq, est promis à un démarrage en trombe dès sa sortie vendredi, après avoir suscité déjà une myriade de commentaires et critiques, élogieux souvent, acerbes parfois. Cette longue fiction (736 pages) anticipe les années 2026 et 2027, où "la France [est] en déclin", mais les élites bourgeoises ne s'en sortent pas si mal.

L'écrivain français le plus influent au monde n'est pas celui qui vend le plus de livres dans son pays. Mais Flammarion a misé sur un premier tirage considérable de 300.000 exemplaires, contre 400.000 en septembre pour le champion national Guillaume Musso. Preuve de son succès au-delà des frontières: les traductions italienne (Annientare), allemande (Vernichten) et grecque paraissent entre vendredi et mardi. L'anglaise attendra le second semestre.

Michel Houellebecq, qui cultive une image de dépressif réactionnaire, s'est moqué lui-même de son succès, dans l'unique entretien qu'il a accordé à l'occasion de cette parution, au Monde fin décembre. "J'écris pour recueillir des applaudissements. Pas pour l'argent, mais pour être aimé, admiré". Et de se comparer son métier à la prostitution: "On est content de faire plaisir".

Les provocations de cet acabit ne manquent pas dans Anéantir. Entre remarques misogynes, xénophobes, piques contre la médiocrité culturelle et spirituelle contemporaine, et mépris des pauvres, le narrateur houellebecquien, non identifié, envoie son lot habituel d'aigreur. Certains critiques, comme ceux de Mediapart, l'ont déploré. "Tous ces propos nauséabonds sont distillés par petites touches, comme en mode mineur", remarquent-ils.

"En vérité, le livre est vilain"

D'autres, comme celui du Monde, lui ont trouvé beaucoup de finesse: "Les pages les plus poignantes de son roman sont celles où il parvient à faire surnager, au milieu de la solitude et de la déréliction, des gestes fugaces qui vous font pleurer". "Ils ne semblent pas parler du même livre", a conclu le journaliste Daniel Schneidermann, après avoir lu ces deux critiques extrêmes.

L'Obs, Les Inrocks, L'Humanité n'ont pas aimé du tout. Le romancier a dérivé loin des opinions traditionnelles de ces titres de gauche. Les quotidiens Le Figaro et Libération, pourtant de bords opposés, sont tombés d'accord pour louer un récit abouti, tout comme le magazine Elle ou des journaux régionaux tels Ouest France et La Voix du Nord.

Le débat critique n'est pas seul à aiguiser la curiosité des lecteurs. Que faire contre le piratage qui a rendu le livre disponible dès avant Noël sur des sites internet illégaux? Certains sont allés jusqu'à émettre l'hypothèse (sans aucune preuve) que l'auteur était lui-même à l'origine de la fuite.

L'objet conçu par Flammarion, avec les directives de l'écrivain, vaut-il la comparaison, souvent entendue, avec un volume de la Bibliothèque de la Pléiade? Ce n'est pas l'avis de tous: "En vérité, le livre est vilain, il ressemble à une vieille édition de Ginette Mathiot, Je sais cuisiner", d'après l'éditrice Cécile Dutheil de la Rochère dans la revue En attendant Nadeau.

Le titre étant entièrement en minuscules sur la couverture, faut-il appeler le livre "anéantir" ou "Anéantir"? Si on choisit la minuscule, autant écrire "michel houellebecq", pour le journaliste du quotidien belge Le Soir Pierre Maury.

La sortie tant attendue devrait bien lancer l'année pour les libraires, alors que la précédente avait fini très fort. Beaucoup d'entre eux ont dû expliquer à leurs clients que non, avant le 7 janvier ils ne vendaient pas le nouveau Houellebecq.

J.L. avec AFP