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Culture

Mystère autour d'une série de dégradations dans des musées à Berlin

Friederike Seyfried, directrice du musée égyptien de Berlin, montrant les dommages causés par une "substance huileuse" sur des sculptures, le 21 octobre 2020.

Friederike Seyfried, directrice du musée égyptien de Berlin, montrant les dommages causés par une "substance huileuse" sur des sculptures, le 21 octobre 2020. - Stefanie Loos - AFP

Des dizaines d'oeuvres ont récemment été dégradées dans plusieurs célèbres musées berlinois de la célèbre "île aux musées". La police mène l'enquête.

Provocation ciblée ou vandalisme gratuit? Des dizaines d'oeuvres d'art ont récemment été dégradées dans plusieurs musées renommés de Berlin, en pleine journée, selon un mode opératoire qui déroute enquêteurs et responsables culturels.

Parmi les 63 oeuvres souillées avec "une substance huileuse" figurent des sculptures et sarcophages égyptiens ainsi que des toiles du 19ème siècle. Les objets sont exposés dans trois bâtiments de la célèbre "Ile aux Musées", au coeur de la capitale berlinoise, a indiqué la police lors d'une conférence de presse.

Pour Christina Haak, directrice adjointe des musées berlinois, il s'agit des "dommages les plus importants (perpétrés) contre des objets de collection dans des musées publics".

La police judiciaire de Berlin mène une enquête pour "déprédations sur des oeuvres d'art et des artefacts", a déclaré un porte-parole à l'AFP.

Affaire tenue secrète

L'hebdomadaire Die Zeit et la radio Deutschlandfunk ont révélé cette affaire, qui avait été tenue secrète pendant près de trois semaines "pour des raisons liées à l'enquête et par égard pour les collectionneurs qui ont prêté les oeuvres" endommagées, selon les autorités.

Les actes de vandalisme ont été commis le 3 octobre -jour de la célébration de la réunification allemande- pendant les heures d'ouverture des musées entre 10h et 18h. Les trois bâtiments concernés sont le Nouveau Musée, le Musée de Pergame et l'Ancienne Galerie Nationale.

Jusqu'à présent, il n'a pas été possible de déterminer quand exactement les méfaits ont été perpétrés, a souligné Carsten Pfohl, un responsable de la police judiciaire. Le visionnage des caméras de surveillance n'a rien donné et le personnel interrogé n'a rien remarqué. Quelque 3.000 personnes ont visité ce jour-là les trois musées visés.

Le motif des vandales est également inconnu, a admis M. Pfohl.

"Le trône de Satan"

Il s'est distancé des articles de presse suggérant un possible lien avec une figure de proue des théories conspirationnistes en Allemagne: ce dernier, Attila Hildmann, pilier des opposants aux mesures restrictives prises face à la pandémie, s'en était pris en septembre au musée de Pergame, le plus célèbre de l'île, affirmant qu'il abritait "le trône de Satan".

"Nous ne voulons pas participer à de telles spéculations", a déclaré M. Pohl. "Nous enquêtons dans toutes les directions", a-t-il ajouté.

L'ampleur des dégradations est variable selon les objets, certaines étant à peine clairement visibles, a expliqué la directrice du Musée égyptien Friederike Seyfried.

"Pour nous, c'est une expérience douloureuse à laquelle nous ne nous attendions pas", a-t-elle regretté, ajoutant que les travaux de restauration seront considérables sans pouvoir pour le moment en chiffrer le coût.

"On ne peut pas tout simplement enlever l'huile en l'essuyant", a-t-elle dit.

L'Île aux Musées de Berlin, située entre deux bras de la Spree, la rivière au coeur de la capitale, accueille notamment le légendaire buste de Néfertiti et le Grand autel de Pergame, un monument religieux antique.

Patrimoine mondial de l'humanité

Le site regroupe cinq musées présentant des collections de peintures et de sculptures datant de l'antiquité aux débuts de l'art moderne.

Le complexe, très prisé des touristes, a été classé en 1999 par l'Unesco au Patrimoine mondial de l'humanité.

En 2017, un vol spectaculaire avait eu lieu dans l'un des établissements de l'île, le Musée de Bode. Deux hommes, liés avec le milieu du crime organisé de Berlin, s'étaient emparés d'une pièce d'or de 100 kilos, d'une valeur de 3,75 millions d'euros.

Les malfaiteurs avaient été condamnés à des peines de prison fermes. La pièce, elle, n'a jamais été retrouvée. Les enquêteurs estiment qu'elle a sans doute été fondue et l'or revendu ou expédié à l'étranger.

M. R. avec AFP