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Momo, une BD jeunesse entre Bastien Vivès et Miyazaki

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- - ©Garnier/Hotin Casterman 2017

ENTRETIEN - Le scénariste Jonathan Garnier et le dessinateur Rony Hotin suivent les aventures d’une fillette de 5 ans, Momo, une lointaine cousine de Ponyo sur la falaise.

On n'est pas sérieux quand on a 5 ans. Cela tombe bien, Momo ne l'est pas, sérieuse. Cette lointaine cousine de Ponyo de Miyazaki a été imaginée par deux jeunes auteurs, le scénariste Jonathan Garnier et le dessinateur Rony Hotin, dont il s'agit du premier album. L'histoire de ce beau conte, intitulé donc Momo, se déroule dans une ville portuaire. On croit reconnaître la Bretagne. Il s'agit en réalité de la Normandie, dont est originaire Jonathan Garnier. Son acolyte, Rony Hotin, est storyboardeur. Diplômé des Gobelins, il a travaillé sur des films d'animation comme Le Petit Prince et Sahara. Son style peut rappeler celui de Bastien Vivès, avec qui il partage, outre l'éditeur, le goût pour la palette graphique et la technique du plein et du délié.

Si l'histoire de Momo peut sembler atemporelle, le lecteur attentif reconnaîtra toutefois les années 90, ne serait-ce par la présence discrète de coiffeuses aux traits de Marie-Ange Nardi et de Pepita de Pyramide ou d'allusions au club Dorothée et à Dragon Ball. Évidemment, Momo se moque de tout cela. Et elle ignore tout des "Kamé Hamé Ha". Tout ce qu'elle veut, Momo, c'est rire, c'est chanter, c'est courir dans les bois. Et échapper aux griffes de sa grand-mère. Rencontrés dans les locaux de leur éditeur, Jonathan Garnier et Rony Hotin décryptent pour BFMTV.com les coulisses de cet album destiné autant aux adolescents qu’aux adultes.

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- © ©Garnier/Hotin Casterman 2017

Dessiner Momo

Jonathan Garnier: En écrivant Momo, je n’ai pas pensé à un public en particulier. J’ai écrit l’histoire que j’avais envie d’écrire en pensant bien qu’elle pourrait plaire aux enfants via le personnage de Momo, mais qu’il y avait tout de même des portes d’entrée pour les adultes. C’était important de faire coexister différentes générations. Il est rare de mettre en scène une enfant assez jeune sans que les lecteurs se disent que c’est une histoire pour les enfants. Notre idée, c’est que les gens puissent se reconnaître dans Momo. Et il fallait quelqu’un de costaud au dessin, pour qu’elle devienne un personnage iconique. Un dessin très classique ne l’aurait peut-être pas permis. On s’est principalement inspirés de photos, et non de personnages dessinés, parce que l’on voulait éviter une filiation et que l'on risquait de ne pas pouvoir récupérer tel ou tel profil. Pour Momo, on s’est donc beaucoup inspirés d’une photographe japonaise qui a suivi pendant un an une enfant. Rony Hotin: Le seul problème que l’on a eu, c’est qu’elle était brune. Dans les premiers jets, Momo était brune aussi, mais on sentait bien qu’elle manquait de folie. On a testé le blond, mais ça ne marchait pas. Le roux fonctionnait, mais on a eu peur des références avec des personnages existant déjà. Les lecteurs peuvent en effet penser à Ponyo, même si nos personnages n’ont pas du tout le même caractère. J.G.: Cette scène permettait de montrer la relation entre Momo et le poissonnier, qui est un peu le faux méchant du début. Mon idée était d’avoir une enfant qui n’est pas sociale, mais qui communique d’une autre manière, notamment par le dessin. C’était important que cette idée ne soit pas gratuite, et qu’elle nous permette d’introduire notre univers.

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- © ©Garnier/Hotin Casterman 2017

Un album nostalgique 

J.G.: J’ai vraiment croisé cette dame. Elle habitait près de chez moi quand je vivais à Roubaix. Elle était toujours là, avec son téléphone. Cette vision m’a vraiment marqué. J’avais un peu discuté avec elle et je l’ai toujours gardée en tête. Beaucoup de personnages de Momo sont inspirés de personnes que j’ai pu croiser. R.H.: Preuve que ces personnages étaient très bien écrits, j’ai eu l’impression en dessinant cette planche que cette grand-mère me faisait la leçon et me rappelait que je devais appeler la mienne! (rires) On a hésité entre des cases arrondies ou carrées. Il y avait un côté plus doux avec les cases arrondies. J’ai l’impression que lorsque l’on travaille la forme de cette manière, on invite le lecteur à replonger dans ses souvenirs. J.G.: Oui, ces cases arrondies ont un aspect nostalgique. Dans des livres illustrés comme Le Petit Nicolas, les images de Sempé sont toujours un peu évanescentes.

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- © ©Garnier/Hotin Casterman 2017

Éviter les pièges du numérique

R.H.: Jonathan m'avait prévenu: il y a beaucoup de pièges à éviter lorsque l’on passe des films d’animation à la BD. Quand on travaille dans l’animation - je suis storyboardeur de profession -, on a tendance à sur-découper. Les planches sont réalisées à la palette graphique. Je dessine le pré-découpage sur papier puis je me lance. Pour le technique graphique, le plein et le délié, c’est-à-dire une ligne un peu fine et grasse, et les aplats, je me suis inspiré du dernier film que j’ai réalisé, Le Vagabond de St Marcel. C’est une technique avec laquelle je suis à l’aise, et elle me permettait de réaliser une BD sans que ça ressemble trop à du numérique, en évitant par exemple les ombres placées comme des voiles. J’aurai pu donner un indice sur l’emplacement du soleil dans cette planche, mais je ne l’ai pas fait. Cela fait partie des pièges à éviter. Il ne fallait pas que le lecteur de BD, bien plus habitué à ce support que moi, soit gêné dans sa lecture.

Momo 1, Jonathan Garnier (scénario) et Rony Hotin (dessin), Casterman, 88 pages, 16 euros.
Jérôme Lachasse