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Louison: "François Hollande a la carrure d'un personnage de BD"

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- - Louison Marabout 2017

La dessinatrice revient pour BFMTV.com sur la création de sa bande dessinée Cher François, qui raconte la dernière année du mandat de François Hollande.

Pendant un an, la dessinatrice Louison a suivi François Hollande. Elle sort aux éditions Marabout Cher François, un témoignage en bédé - "j’aime bien écrire BD en phonétique. C'est un truc qui remonte au lycée", dit-elle. Comme Mathieu Sapin dans Le Château, Louison a pu participer à des moments rares avec le président et pénétrer dans son intimité.

Elle décrit un François Hollande jovial, avenant, sérieux - et qui lèche ses doigts avant de tourner une page! Louison raconte aussi le jeu qui s’instaure avec celui qu'elle surnomme dans le répertoire de son portable Frankie Gouda. Elle le bombarde de questions, auxquelles il répond de manière cryptique. Aux questions de BFMTV.com, elle répond au contraire sans détour.

Louis 1
Louis 1 © Louison Marabout 2017

Cher François aurait pu être une bédé sérieuse. C'est tout le contraire.

Le but n'était pas d’être sérieux. Il y a des moments graves, mais il faut rester justement le plus possible léger - ce qui n'est pas superficiel.

Pourquoi le livre est-il construit comme un journal intime?

Ce n'est pas vraiment un journal intime. Quand on dessine, il y a quelque chose d’intime. On voit un bout de mon chien, on devine à un moment qu’il y a quelqu’un dans ma vie, mais on ne sait rien de moi. J'ai essayé de faire de moi un personnage. L'idée était de raconter un dialogue entre deux personnages sur une année. Suivre la chronologie s'est imposée naturellement. Quand on passe une année à dialoguer, ranger ça autrement que chronologiquement aurait été un peu fastidieux. Cela aurait signifié qu’il fallait établir une sorte de hiérarchie, qui aurait beaucoup évolué avec le temps: des événements qui paraissaient complètement importants ne l'étaient plus du tout six mois plus tard.

Dans la bédé, vous tutoyez François Hollande, ce qui témoigne tout de même d’une forme d’intimité.

Le tutoiement est uniquement à l’écrit dans les récitatifs. Dans la réalité, c'est "monsieur le président" et le vouvoiement. J’ai même du mal à me dire que je vais l'appeler autrement que "monsieur le président". Mais c’est vrai qu'en psychanalyse on finit parfois par tutoyer son analyste, parce qu’on se parle à soi-même.

Louison 4
Louison 4 © Louison Marabout 2017

Cette bédé, c’est une psychanalyse?

Il y avait peut-être quelque chose de psychanalytique… C’était un rendez-vous hebdomadaire. Nos séances étaient très courtes. Certaines ont duré quelques minutes seulement. Le tutoiement, c'est une façon de couper entre la réalité et le récit. Dans les bulles, on voit que je le vouvoie. Il ne m'a tutoyé qu’une seule fois, parce que c’était le début et il était un peu gêné.

Comment avez-vous travaillé? Vous aviez un cahier où vous notiez tout? Uu vous avez travaillé de tête?

De tête. Je notais les infos sur le lieu ou la date pour ne pas oublier. Je trouve que quand on retient, c'est le meilleur tamis du monde. Si on note tout, on a tendance à vouloir tout recracher. A part pour ses textos, j’ai réécrit de tête ses dialogues.

Ce sont les véritables textos de François Hollande? Ça ne le dérange pas?

Je ne crois pas (rires).

Il s’appelle vraiment Frankie Gouda dans votre téléphone?

Il faut que je change. Ce surnom, ça fait partie des nombreuses surprises qu'il aura en lisant la bédé. Frankie Gouda, c’est quand même mignon. C'est bien le personnage. Le vrai socle de ce livre, c'est respecter le président de République - il est hors de question d’aller dans la familiarité - et en même temps en faire un personnage, le sortir du réel. Frankie Gouda, on dirait une sorte de double un peu facétieux. Il a toujours eu beaucoup de surnoms - et des pas très sympas. Ce n'est pas innocent. C'est quelqu’un qui a une carrure de personnage de BD.

Louison 5
Louison 5 © Louison Marabout 2017

Beaucoup de dessinateurs ont dit que François Hollande est beaucoup plus facile à dessiner qu’Emmanuel Macron. Vous êtes d’accord?

J’ai essayé plusieurs fois pendant la campagne de dessiner Macron. Le résultat est assez approximatif. Tant sur le fond que sur la forme, il est moins personnage. Tout le monde dit “Jupiter”, mais quand on choisit son personnage, on n’en est plus un. C’est un trait de personnalité, c’est autre chose. C’est un peu dur à expliquer pourquoi Hollande est plus facile à dessiner. Macron a un physique de jeune premier que n’avaient pas forcément Hollande ou Sarkozy, mais ce n’est pas ça. Obama était un bel homme et il était simple à dessiner.

A part Hollande, son chien Philae et vous, tous les autres personnages sont des ombres. Pourquoi?

Je ne résiste jamais à un labrador. Voir Philae, c’est aussi accéder à une sphère très rapprochée du Président. Pour les ombres, ça me paraissait logique. Quand j’ai commencé ce travail, les responsables du service de presse m’ont dit que la condition était que la cuisine interne autour de Hollande n’existe pas. Ça tombait bien, ça ne m’intéressait pas. Et Mathieu Sapin l’a en plus déjà très bien montré.

Mathieu Sapin est dans les remerciements. Comme Starmania.

(Rires) On se connait avec Mathieu. On s’est croisé plusieurs fois dans les dernières semaines du mandat. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, qui est très bienveillant, de très bons conseils. J’ai beaucoup écouté Starmania lors de la conception des couleurs. Je suis vieille à l’intérieur. Starmania, je trouve ça génial. L’histoire est incompréhensible, mais la musique est cool.

Cher François, Louison (scénario, dessin), Marabout, 144 pages, 17,90 euros.

Jérôme Lachasse