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Culture

Les pirates du net traqués comme des terroristes ?

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Présenté en Conseil des ministres, le projet de loi sur le téléchargement illégal prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension de l’abonnement.

La ministre de la Culture Christine Albanel a présenté ce matin en Conseil des ministres son projet de loi « Création et Internet ». Il s'agit de dissuader les internautes de télécharger illégalement des oeuvres musicales ou audiovisuelles. Le texte est né des propositions de la mission Olivennes (du nom de l'ex-PDG de la Fnac) et d'un accord signé par une quarantaine d'organismes représentant les secteurs de la musique, du cinéma et les fournisseurs d'accès à l'internet.

Les sanctions prévues par le texte

La principale disposition de ce projet de loi est la création d'une Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Cette haute autorité, une fois saisie, enverra des avertissements aux internautes qui téléchargent illégalement.

Qui saisirait cette haute autorité ? Ce sont les détenteurs des droits des œuvres qui s'en chargeraient. Ainsi, une maison de disque ou le distributeur d'un film par exemple, s'il constate que son œuvre a été piratée, pourra saisir l'Hadopi. La haute autorité pourrait alors demander aux fournisseurs d'accès à Internet les coordonnées des internautes pris en faute. Ensuite, elle enverrait des avertissements : d'abord par mail, puis par pli postal et elle pourra décider en ultime recours de suspendre voire de résilier un abonnement internet pour une durée maximum d'un an.

Olivier Bomsel, professeur d'économie industrielle à l'école des mines de Paris et membre de la commission Olivennes, estime que les sanctions prévues dissuaderont les pirates : « Faire en sorte qu'un voleur soit soumis ou assujetti à une possibilité d'embarras est une pédagogie extrêmement saine. Les gens qui téléchargent illégalement des contenus vont comprendre que le piratage pour eux en réalité a un coût. Ils vont comparer le risque d'embarras qu'ils peuvent avoir, en particulier de perdre l'accès, à ce qu'ils vont trouver dans le commerce. A la fin, le consommateur se comportera loyalement, comme il fait quand il va au supermarché ».

Une loi qui fait polémique

Pour les internautes concernés, ce texte sera inefficace car il existe déjà des moyens techniques pour rester indétectable quand on télécharge. Parmi les solutions qui avaient été avancées pour éviter les sanctions, il y a la licence globale, sorte de taxe forfaitaire que l'internaute paierait, qui l'autoriserait à télécharger autant qu'il veut et rémunèrerait diffuseurs comme artistes. La commission Olivennes n'a pas voulu en entendre parler.

De plus, de vives critiques s'élèvent déjà de la part de la CNIL, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, ou même du Parlement européen. Les opposants dénoncent une atteinte au respect de la vie privée. Les « enquêtes » pour traquer les pirates seront menées par des sociétés privées, telles les maisons de disques, alors qu'elles relevaient jusque là du pouvoir judiciaire.

Ainsi, pour Christophe Espern, co-fondateur de « La Quadrature du Net », collectif qui vise à informer sur les droits des internautes, « on est en train de permettre à des agents administratifs d'accéder aux données de connexion : ce que vous avez lu, avec qui vous avez communiqué, à quelle heure, on peut vous localiser... Jusqu'à présent, les seuls qui ont le droit d'accéder à ces données, sans contrôle de l'autorité judiciaire, c'est l'antiterrorisme. On est dans une logique complètement disproportionnée, où l'on prend des mesures d'exception pour défendre des intérêts privés. Les maisons de disques font se créer des petits casiers, « lui c'est un gros délinquant, lui un petit », et ensuite soit ils iront voir l'autorité administrative pour qu'elle mette des sanctions, soit ils iront au pénal pour obtenir des condamnations. Ces gens-là récupèrent des droits qui sont réservés aux pouvoirs publics ».

La rédaction et Nicolas Marsan