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Culture

Les mots d'Elie Wiesel pour raconter les camps de la mort

L'écrivain et Nobel de la paix Elie Wiesel s'est éteint samedi à l'âge de 87 ans.

L'écrivain et Nobel de la paix Elie Wiesel s'est éteint samedi à l'âge de 87 ans. - AFP

L'écrivain Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, mort samedi à 87 ans, a consacré sa vie à défendre la mémoire de la Shoah. Retour, en quelques phrases emblématiques, sur les écrits d'un survivant des camps d'extermination nazis d'Auschwitz et de Buchenwald.

"Elie n'était pas seulement le plus célèbre survivant de la Shoah, il était un mémorial vivant". C'est en ces termes que Barack Obama a rendu hommage à Elie Wiesel, le prix Nobel de la paix rescapé de la Shoah. Le célèbre écrivain juif américain, dont la disparation à l'âge de 87 ans a été confirmée samedi par le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem, a consacré sa vie à perpétuer la mémoire de la Shoah et à la lutte contre l'indifférence, l'intolérance et l'injustice.

Romans, pièces de théâtre, essais… En plus de cinquante ans, Elie Wiesel a publié une soixantaine de livres. Avec, toujours, ces mêmes obsessions: l’Holocauste, la mort et Dieu. Il s'est attelé à témoigner, avant tout, "pour les jeunes d’aujourd’hui, pour les enfants qui naîtront demain", et que "son passé ne devienne pas leur avenir". "L’oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois", écrivait-il. Retour, en quelques phrases emblématiques, sur les écrits d'Elie Wiesel pour raconter les camps de la mort.

"J’ai laissé mon vieux père seul agoniser"

En janvier 1945, Elie Wiesel assiste à la mort, sous ses yeux, de son père, achevé à coups de gourdin par un gardien SS. Agonisant, son père le supplie de le rejoindre sur sa paillasse. "C’était son dernier vœu - m’avoir auprès de lui au moment de l’agonie, lorsque l’âme allait s’arracher à son corps meurtri - mais je ne l’ai pas exaucé. J’avais peur. Peur des coups", écrit-il dans son premier roman, La Nuit, publié en 1958.

"J’ai laissé mon vieux père seul agoniser. Sa voix me parvenait de si loin, de si près. Mais je n’ai pas bougé. Je ne me le pardonnerai jamais. Jamais je ne pardonnerai au monde de m’y avoir acculé, d’avoir fait de moi un autre homme, d’avoir réveillé en moi le diable, l’esprit le plus bas, l’instinct le plus sauvage".

"Du fond du miroir, un cadavre me contemplait"

A Auschwitz-Birkenau, la mère et la plus jeune sœur du petit Elie, alors âgé de quinze ans, sont exterminées dans les chambres à gaz. Face à l'avancée des Russes, Auschwitz est évacué et l'adolescent et son père arrivent au camp de Buchenwald. Lorsque le camp est libéré par les Américains, le 11 avril 1945, Elie Wiesel est le seul membre de sa famille encore vivant. Dans La Nuit, il raconte les quelques jours qui suivent sa libération:

"Trois jours après la libération de Buchenwald, je tombais très malade: un empoisonnement. Je fus transféré à l'hôpital et passai deux semaines entre la vie et la mort. Un jour, je pus me lever, après avoir rassemblé toutes mes forces. Je voulais me voir dans le miroir qui était suspendu au mur d'en face. Je ne m'étais plus vu depuis le ghetto. Du fond du miroir, un cadavre me contemplait. Son regard dans mes yeux ne me quitte plus".

"Seuls ceux qui ont connu Auschwitz savent ce que c’était. Les autres ne sauront jamais"

Dans la préface de la réédition la plus récente de La Nuit, Elie Wiesel décrit la difficulté de trouver les mots pour décrire l'indescriptible. "Les mots existants, sortis du dictionnaire, me paraissaient maigres, pauvres, pâles. Lesquels employer pour raconter le dernier voyage dans des wagons plombés vers l’inconnu? Et la découverte d’un univers dément et froid où c’était humain d’être inhumain, où des hommes en uniforme disciplinés et cultivés venaient pour tuer, alors que les enfants ahuris et les vieillards épuisés y arrivaient pour mourir?"

C. P.