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Le sarcophage de Ramsès II exposé à la Grande Halle de La Villette, le 3 avril 2023.

Christophe Archambault - AFP

Le sarcophage de Ramsès II à Paris: pourquoi l'exposition "L'or des pharaons" est historique

Le sarcophage de Ramsès II a fait un rare voyage vers la France pour être le clou de l'exposition Ramsès - L'or des pharaons, à la Villette, où il restera jusqu'au 6 septembre.

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L'objet ne quitte d'habitude jamais l'Égypte. Le cercueil de Ramsès II est l'une des 180 pièces présentées lors de l'exposition événement Ramsès - L'or des pharaons, qui s'ouvre ce vendredi à Paris, à la Grande halle de La Villette.

Le cercueil qui a protégé la momie du pharaon pendant 2900 ans est arrivé de San Francisco, précédente étape de cette exposition itinérante, et s'envolera ensuite pour Sydney en Australie.

• Le sarcophage est de retour en France pour la première fois depuis 47 ans

Cela faisait 47 ans que le sarcophage n'était pas revenu à Paris. Et si la France a le privilège d'exposer le cercueil du pharaon aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'elle a "sauvé" Ramsès II.

En 1976, la momie est en effet menacée par un champignon. À la demande de l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, Valéry Giscard d'Estaing presse le président égyptien Anouar el-Sadate de l'envoyer dans l'Hexagone pour la traiter. L'Égypte finit par accepter.

Photo prise le 12 novembre 1976 au musée de l'Homme à Paris de la momie du pharaon Ramsès II, arrivée en septembre 1976 afin de subir un traitement d'assainissement.
Photo prise le 12 novembre 1976 au musée de l'Homme à Paris de la momie du pharaon Ramsès II, arrivée en septembre 1976 afin de subir un traitement d'assainissement. © AFP

Venu du Caire à bord d'un avion Transall de l'armée française, le pharaon mort 3200 ans plus tôt a droit à son arrivée au protocole réservé aux chefs d'État: tapis rouge, Garde républicaine au garde-à-vous sur le tarmac et présence de nombreuses personnalités.

La dépouille royale est accompagnée dans son périple par Christiane Desroches Noblecourt. Conservatrice des antiquités égyptiennes au Musée du Louvre, elle supervise l'opération depuis des mois et s'est rendue une semaine plus tôt au Caire au chevet du pharaon.

"Il a fallu trouver une solution pour traiter la momie, mais sans la manipuler, sans la toucher, sans faire le moindre prélèvement" explique l'égyptologue Bénédicte Lhoyer à France Inter.

"Il a fallu l'irradier aux rayons gamma de façon à stopper la colonisation (des champignons) et à stériliser l'ensemble", précise la conseillère scientifique de l'exposition.

La venue de la momie de Ramsès à Paris - un cas unique, car une loi égyptienne interdit la sortie des momies royales du pays - coïncide avec l'exposition consacrée au pharaon au Grand Palais, intitulée Ramsès le Grand, qui va accueillir pendant cinq mois plus de 360.000 visiteurs.

Si l'Égypte ancienne fascine toujours autant, Ramsès II, est l'une des figures les plus célèbres de cette civilisation.

"C'est le pharaon avec un P majuscule, c'est le pharaon de la démesure", souligne Bénédicte Lhoyer.

"C'est celui qui a le mieux incarné la royauté égyptienne, c'est pour ça qu'il est mythique et que personne ne l'a jamais oublié", estime la spécialiste.Guerrier, politicien, père de famille nombreuse - il a eu 50 fils et 60 filles - Ramsès a également laissé derrière lui des monuments impressionnants.

Le pharaon bâtit dans toute l'Égypte: des statues colossales de 21 mètres de haut à son effigie ancrées dans la falaise du temple d'Abou-Simbel; une ville à son nom, Pi-Ramsès, qui vole la vedette à Louxor; un colosse de plus de 10 mètres à Memphis; le Ramesséum, "temple de millions d'années", à Thèbes et deux obélisques à Louxor - dont l'un trône sur la place de la Concorde à Paris, depuis son don à la France en 1830.

L'installation de l'exposition Ramsès à La Villette le 3 avril 2023.
L'installation de l'exposition Ramsès à La Villette le 3 avril 2023. © Christophe Archambault - AFP

"C'est le roi de tous les superlatifs", ajoute Dominique Farout, égyptologue et commissaire de l'exposition. "Il fallait qu'il prouve qu'il était un dieu et il l'a prouvé par sa longévité, par le nombre de monuments, par le nombre d'enfants, par les dimensions, par son nom partout."

Ramsès a en effet "traversé tout le XIIIe siècle avant Jésus Christ", rappelle Bénédicte Lhoyer. Il meurt vers -1213, à 91 ans, un âge alors canonique. Monté sur le trône à 25 ans, en succédant à son père Séthi Ier, il dirige donc l'Égypte pendant environ 66 ans, soit le règne le plus long de l'histoire égyptienne. Il n'a pas grand-chose à envier à Louis XIV, 72 ans de règne, et à Elizabeth II, 70 ans de règne.

Pour les Égyptiens, il reste "le Grand ancêtre". Après lui, neuf pharaons règnent sous le nom de Ramsès en son honneur.

Le cercueil de Ramsès II à La Villette, le 3 avril 2023.
Le cercueil de Ramsès II à La Villette, le 3 avril 2023. © Christophe Archambault - AFP

• Le cercueil est une pièce historique "inestimable"

Le cercueil de Ramsès II est un véritable document historique. "C'est un coffre bien plus ancien que Jules César ou Alexandre le Grand", souligne Bénédicte Lhoyer, interrogée par BFMTV.

"C'est une pièce inestimable d'un point de vue historique. On est avec une partie du cercueil de Ramsès II, le cercueil qui a protégé la momie du roi pendant environ 2900 ans."

"C'est un coffre en cèdre du Liban, qui a été peint avec la représentation du Némès, cette fameuse coiffure rayée, on a l'uréus, le cobra royal sur le front, les sceptres, qu'il tient en main avec les bras croisés sur la poitrine". "La tombe de Ramsès a malheureusement été pillée aux alentours du XIe siècle avant Jésus Christ", raconte Bénédicte Lhoyer.

Le cercueil en bois est ce qui reste, après ces pillages. "Le sarcophage en métal a été pillé, et le gros sarcophage en pierre a été détruit, donc on a mis (la momie) dans cet objet", détaille Dominique Farout pour BFMTV.

La momie a ensuite "été placée dans la tombe de son père Séthi Ier pour être un peu protégée", poursuit Bénédicte Lhoyer. "Malheureusement il y a eu de nouveaux pillages, donc la momie est partie dans une cachette, où elle est restée jusqu'à sa découverte en 1881."

Masque funéraire d'or d'Aménémopé.
Masque funéraire d'or d'Aménémopé. © Stéphane de Sakutin - AFP

• L'exposition regorge d'autres trésors

Si le cercueil de Ramsès est le clou de cette exposition, d'autres objets présentés, issus d'autres sites égyptiens, sont exceptionnels. L'exposition de la Villette montre ainsi 180 pièces à la valeur inestimable. Comme pour l'exposition Toutankhamon en 2018, certaines d'entre elles ne sont jamais sorties d'Égypte.

Les visiteurs pourront ainsi découvrir un collier d'or d'un autre pharaon, Psousennès Ier. "Il est absolument extraordinaire parce qu'il pèse 8,640 kg. C'est probablement un collier qui était mis à l'avant des barques sacrées, qui avaient une figure de proue qui prenait la tête du dieu, et on mettait ça autour pour le faire resplendir", a raconté Bénédicte Lhoyer dans C à vous, le 3 avril.

Il y a également un colosse de Ramsès de 4 mètres, "ce qui est une 'petite' statue pour Ramsès", souligne Bénédicte Lhoyer: "Avec Ramsès on est capable de vous faire des statues de 20 mètres monolithes." "Cette pièce, pas très connue, vient de Charm el-Cheikh, elle est en calcaire et elle a été très très bien conservée", détaille-t-elle.

Partie supérieure d'un colosse de Ramsès II en calcaire.
Partie supérieure d'un colosse de Ramsès II en calcaire. © Anne-Christine POUJOULAT / AFP

On retrouve aussi un masque d'or du général Oundebaounded, un masque funéraire du roi Amenemopet, un miroir d'argent... Et puis de nombreuses momies d'animaux, qui voyagent pour la première fois, car issus de fouilles très récentes: des lionceaux, des mangoustes, des sarcophages de crocodiles... "Ils sont sortis des sables en 2018", a évoqué Bénédicte Lhoyer sur France Inter.

Ramsès battra-t-il le record de Toutankhamon, qui avait attiré dans la même Grande Halle de la Villette près d'un million et demi de spectateurs en 6 mois? Avant même son ouverture, 145.000 billets avaient déjà été vendus.

Magali Rangin