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Le monde de la culture inquiet d'un éventuel prolongement du confinement

Plusieurs voix du secteur s'alarment de voir la réouverture de leurs établissements remise en question. Pour certains, la fermeture n'est pas légitime.

C'est la petite musique qui commence à se faire entendre: et si le confinement n'était pas levé le 15 décembre? Lundi soir, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon a reconnu lors d'une conférence de presse que la France était "encore loin de l'objectif de passer sous 5.000 cas par jour", condition sine qua non présentée par Emmanuel Macron pour un passage au couvre-feu dès mardi prochain.

Le monde de la culture fait partie des premiers concernés. Théâtres, cinémas et musées restent fermés, tandis que les commerces ont obtenu le droit de rouvrir le 28 novembre. Le manque à gagner sur l'année 2020 est considérable, et l'incertitude difficile à supporter. C'est ce qu'explique Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point, ce mardi sur BFMTV:

"Je suis très inquiet (...) Est-ce que les salles de théâtre, qui depuis le début de cette épidémie n’ont jamais révélé le moindre cluster, doivent être aussi fermées?", demande-t-il. "Je sais que la partie est dure, et je trouve ça magnifique de se battre, mais bombarder des lieux où l’ennemi est absent, c’est un peu étrange."

Il rappelle que les gestes barrière avaient été mis en place entre les deux confinements, à commencer par le port du masque et un écart de fauteuil entre les spectateurs: "Ce n’est pas un dîner de Noël ou une boum. Les théâtres sont très aérés, personne n’est à côté les uns des autres..."

"Tout va lâcher"

Il conclut en évoquant la fatigue des employés de théâtre, dont les espoirs sont malmenés: "Au bout d’un moment, tout va lâcher. Il y a un aspect psychologique (...) qu’on nous dise un truc une fois pour toutes. Dites-nous: 'c’est fermé jusqu’en juin, et là, vous y allez', là on peut se reconstruire (...) C'est difficile de lancer des gens pendant trois semaines, qui re-répètent, qui re-travaillent..."

Même discours chez Loïc Bonnet, directeur du théâtre de l’Ouest à Rouen, qui s'est confié à RTL. Selon lui, à l'heure où les commerces ont rouvert et où l'autorisation a été accordée aux Français de se réunir pour Noël, "l'argument sanitaire ne tient pas":

"C’est plus dangereux et contaminant d’aller dans une réunion de famille, à 6 personnes, rester cinq heures, vous faire des embrassades ou rester sans masque (...) que d’aller dans un théâtre pendant une heure et demi pour voir un spectacle. Dans un théâtre, vous avez du gel à l'entrée et vous ne quittez pas le masque."

D'autant que les théâtres entament ce mois-ci une période habituellement cruciale: "Le 31 décembre, pour un théâtre, c’est jusqu’à 19% du chiffre d’affaires annuel en une seule soirée. Et ça sert à vivre tout le reste de l’année. Oui, on gagne beaucoup d'argent au mois de décembre, mais au mois de juillet ou en août, on ne gagne pas d’argent: on en perd."

Il témoigne également que "le moral des troupes est au plus bas": "Pour une fois depuis le début de la crise, ils nous avaient dit trois semaines avant 'Vous allez pouvoir rouvrir à telle date'. C’est génial: on peut se réorganiser, faire de la pub, de la promo, mobiliser les équipes et les artistes et surtout, on peut vendre des places et rassurer les gens. C’est ce qu’on a fait depuis trois semaines."

"On nous efface de la société"

Les artistes, eux aussi, font part de leur impatience. "Pitié, ne nous faites pas ça", lance ce mardi l'actrice Ariane Ascaride sur franceinfo. "On est tout à fait conscient qu'il faut se battre contre cette pandémie, il n'y a aucun problème là-dessus. Mais là, on ne peut pas nous refaire ce coup-là. Tout le monde s'est remis au travail, tout le monde a remis les choses en place. Je voudrais simplement qu'on entende à quel point c'est perturbant. Tout le monde perd de l'argent: les directeurs de théâtre, les intermittents... c'est épouvantable". Et de conclure: "Si on nous refait ce coup-là, on nous efface de la société."

Richard Berry, à l'affiche du spectacle Plaidoieries au Théâtre Libre, reconnaît que "ça devient vraiment difficile": "Je prends plutôt (la situation) comme une fatalité", confiait-il lundi soir à RTL. "C’est malheureux, mais c’est comme ça. Il faut qu’on la traverse." Il se réjouit par ailleurs de la nomination de Roselyne Bachelot au ministère de la Culture, qui "milite beaucoup".

Alors qu'il ignore s'il pourra retrouver la scène la semaine prochaine - "J'attends les décisions", dit-il-, il explique avoir ressenti, au cours de cette étrange année 2020, un lien particulier avec le public: "L'échange est plus fort. C’est exacerbé par cette situation. Très souvent, ils commencent à applaudir avant qu’on commence. On sent qu’ils sont contents d’être là, qu’ils sont heureux qu’on puisse être à nouveau dans ce rendez-vous simultané."

Les cinémas, eux aussi dans le flou

Le monde de la musique fait lui aussi part de son inquiétude. Comme le rapporte France Culture, le directeur du Conservatoire de Mayenne, Jean-Christophe Bergeon, a adressé une lettre à la ministre de la Culture. Il s'étonne notamment que les cours de musique soient permis en école et pas dans son établissement. Et regrette d'avoir dû refermer ses portes avec le deuxième confinement. Même si les conservatoires peuvent rouvrir le 15 décembre, les cours de chant et de danse ne pourront pas reprendre.

Du côté des cinémas aussi, certains commencent à faire part de leur impatience et de leur crainte quant à un confinement prolongé. Le dessinateur Joann Sfar, dont le long-métrage Petit vampire était diffusé en salles lorsqu'elles ont été contraintes de fermer à nouveau, publie un message sur Twitter dans lequel apparaît le célèbre personnage.

"Petit vampire ignore si les cinémas rouvrent le 15 décembre, et son chien il en peut plus!", peut-on lire. "Et tu vas voir qu'ils vont attendre la veille pour l'annoncer aux exploitants!", conclut-il.

Des aides ont été accordées au secteur depuis le début de la crise. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a annoncé une aide de 115 millions d'euros pour le spectacle vivant et le cinéma en novembre. En août, elle avait déjà déclaré qu'un budget de 435 millions d'euros avait été débloqué en faveur du spectacle vivant.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV