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La troupe de la Comédie-Française lit en ligne "A la Recherche du temps perdu" de Marcel Proust

A la recherche du temps perdu de Marcel Proust

A la recherche du temps perdu de Marcel Proust - Gallimard

Le cap de la 100e lecture de l'oeuvre monumentale va être dépassé mardi. Les acteurs se relaient soir après soir pour faire vivre les personnages du narrateur, de Swann ou de la duchesse de Guermantes, en direct, derrière un écran.

"Un vrai plaisir", "je découvre enfin Proust": depuis la fermeture des salles fin octobre, un public virtuel se délecte, au quotidien, du marathon de lecture d'A la Recherche du temps perdu par les comédiens de la Comédie-Française.

Le cap de la 100e lecture de l'oeuvre monumentale va être dépassé mardi, les acteurs se relayant soir après soir pour faire vivre les personnages du narrateur, de Swann ou de la duchesse de Guermantes, en direct, derrière un écran.

Le temps d'une heure, sur les réseaux sociaux de la "Maison de Molière", ce qui avait commencé comme une idée pour garder le contact avec le public en temps de pandémie s'est transformé en un petit succès sur la toile (un total d'environ 1,4 million de vues depuis le 10 novembre et entre 10.000 et 100.000 vues par lecture).

Plus qu'une lecture

Il y a les fidèles de la première heure, d'autres qui se sont pointés en cours de route. La plupart, commentant en direct en bas de l'écran, se félicitent que ce soit plus des "interprétations" que des lectures, d'autres remercient la vénérable institution de "nourrir l'esprit en ces temps difficiles" ou encore d'"apporter un peu de rêve à nos jours inquiétants". Et certains se prennent même à critiquer un débit trop lent ou trop rapide.

"C'est comme si on était dans un salle de 800 personnes et que chacun se mettait à crier 'ouais, c'est pas mal' ou 't'as fourché là par contre'", rit Loïc Corbery, sociétaire du Français.

S'il préfèrera toujours avoir devant lui "trois personnes dans une salle plutôt que des milliers derrière leur écran", il se réjouit de l'idée d'attirer des gens qui "n'auraient jamais abordé l'oeuvre" sans cette lecture.

"Moi qui n'ai jamais pu entrer dans les phrases labyrinthiques de Proust, je déguste les mots dits par Guillaume Gallienne", un autre acteur du Français, lit-on dans les commentaires. Beaucoup sont ravis qu'on mette le chef d'oeuvre "à la portée de tous".

"Il y a une petite pression"

D'après les sociétaires interviewés par l'AFP, l'exercice, proposé par l'administrateur général de la troupe Eric Ruf, n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. "Habituellement, on entre en scène en troupe, dans un spectacle répété pendant des mois, là, on est seul face à une oeuvre extrêmement dense, c'est un saut dans le vide, mais c'est un exercice que j'aime bien", indique Loïc Corbery.

"Le bruit de l'écoute dans une salle est très particulier, il y a un échange", affirme Eric Génovèse. "Là, on essaie de ne pas lâcher les téléspectateurs mais on ne sait pas s'ils écoutent ou s'ils ont éteint leurs ordinateurs. "C'est une lecture en direct donc il y a une petite pression", sourit Elsa Lepoivre.

La troupe s'était déjà frottée à Proust un mois plus tôt avec l'adaptation par Christophe Honoré du troisième tome de La Recherche, Le Côté de Guermantes, durant la petite parenthèse d'ouverture des salles à l'automne.

"C'était chouette car j'ai retrouvé des dialogues que j'avais joués mais aussi d'autres que Christophe avait coupés pour l'adaptation. Mais j'avais le passif du personnage" indique Elsa Lepoivre qui avait interprété la duchesse de Guermantes.

Les lectures font partie du programme de la "webtélé" lancée par le Français dès le premier confinement: des comédiens ont fait des analyses de textes du Bac, le personnel a présenté les différents métiers de la maison, Les Causeries ont permis un échange quotidien entre la troupe et le public, et dans A la table, on peut regarder pendant cinq jours les acteurs créer une pièce.

En attendant le retour dans les salles, "le public se sent convoqué et a accès à cette ruche qu'est la Comédie-Française; cela crée quelque chose de chaleureux et ça brise un peu la vitrine", explique Elsa Lepoivre.

J.L. avec AFP