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La Cour des Miracles a-t-elle vraiment existé?

Illustration d'une Cour des Miracles du XVIIe siècle

Illustration d'une Cour des Miracles du XVIIe siècle - Gustave Doré

Tout l'été, BFM Paris vous fait redécouvrir les mythes et légendes urbaines autour de la capitale. Cette semaine, la Cour des Miracles, une zone de non-droit fréquentée par les mendiants et les voleurs.

Rendue célèbre par Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, la Cour des Miracles a bel et bien existé. Au courant du XVIIe siècle, Paris aurait même compté jusqu’à une douzaine de cours, toutes fréquentées par des brigands et des pauvres gens.

"Un nouveau monde, inconnu, inouï, difforme"

Dans son roman, Hugo décrit l'endroit comme une "hideuse verrue à la face de Paris". "Il était en effet dans cette redoutable Cour des Miracles, où jamais honnête homme n'avait pénétré à pareille heure; cercle magique où les officiers du Châtelet (...) qui s'y aventuraient disparaissaient en miettes; cité des voleurs, hideuse verrue à la face de Paris (...) ce ruisseau de vices, de mendicité, de vagabondage (...) ruche monstrueuse (...) hôpital menteur (...) C'était une vaste place, irrégulière et mal pavée (...) C'était comme un nouveau monde, inconnu, inouï, difforme, reptile, fourmillant, fantastique."

Gravure représentant "le grand Coësre", le roi des mendiants.
Gravure représentant "le grand Coësre", le roi des mendiants. © Gravure extraite du "Recueil des plus illustres proverbes divisés en trois livres: le premier contient les proverbes moraux, le second les proverbes joyeux et plaisants, le troisième représente la vie des gueux en proverbes", Jacques Lagniet, Paris, 1663.

Difficile aujourd’hui d'imaginer de telles zones nichées en plein cœur de la capitale. D'après les plans topographiques de l'époque, des cours des miracles existaient dans la rue de l'Échelle ou la rue du Bac. Mais la Grande cour des Miracles, aussi appelée Fief d'Alby, celle à laquelle fait référence Hugo, se situe entre la rue du Caire et la rue Réaumur, dans l’actuel IIe arrondissement de Paris.

L’origine du terme "Cour des Miracles"

Mais pourquoi parler de "miracle" alors qu’il semblerait que ce lieu accueille toute la misère de France? Dès le Moyen-Âge, les fréquentations de la Cour des Miracles sont variées: mendiants, vieillards, vagabonds, estropiés, voleurs, prostituées, etc… Bourgeois et membres de la maréchaussée évitaient autant que possible de se rendre dans ce coupe-gorge.

La journée, mendiants et éclopés se rendaient dans les beaux-quartiers pour apitoyer les passants sur leurs sorts. Mais, au moment de retourner dans leur lieu de prédilection à la nuit tombée, vieillards, aveugles et estropiés guérissaient de leurs maux, comme par miracle. Leurs infirmités étaient bien souvent feintes dans le seul but de récupérer quelques pièces.

Quatre mendiants au Pont au Change, gravure de Jean Henry Marlet.
Quatre mendiants au Pont au Change, gravure de Jean Henry Marlet. © Gravure issue de "La vie parisienne à travers le XIXe siècle", Charles Simond.

Aujourd’hui encore, on parle de Cour des Miracles pour désigner un lieu mal fréquenté.

La dispersion de la Cour des Miracles

Contrairement aux apparences, les membres de la Cour des Miracles étaient parfaitement hiérarchisés et organisés. Ils avaient même des lois, une langue et même un roi qui commandait tous les mendiants de France.

De quoi inquiéter le pouvoir royal de l'époque qui va tenter de mettre fin à cette société secrète. En 1630, Louis XIII ordonne ainsi la construction d'une rue traversant la Grande Cour des Miracles de part en part. Mais une partie des maçons est assassinée avant la fin du projet.

Représentation d'une Cour des Miracles
Représentation d'une Cour des Miracles © Gustave Doré

En 1667, Louis XIV charge le lieutenant général de police de Paris, Gabriel Nicolas de La Reynie, de détruire les divers centres de délinquance qui gangrènent la capitale. 60.000 mendiants et estropiés sont marqués au fer rouge et envoyés aux galères. Une démonstration de force qui ne trouve pas d'effet dans la durée puisque les voleurs et mendiants reprennent petit à petit possession des lieux.

Il faut attendre 1784 et un édit royal ordonnant la destruction totale de toutes les maisons du Fief d’Alby pour mettre fin à la Grande Cour des Miracles.

Hervine Mahaud