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La BD de la semaine: Jason commente Un Norvégien vers Compostelle

Détail de la couverture d'Un Norvégien vers Compostelle

Détail de la couverture d'Un Norvégien vers Compostelle - © Éditions Delcourt, 2017 – Jason

LA BD DE LA SEMAINE - L’auteur de J’ai tué Hitler consacre son nouveau livre au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, qu’il fit en 2015.

L’auteur de bande dessinée norvégien Jason est connu pour ses histoires minimalistes à l’humour pince-sans-rire et ses personnages anthropomorphes. Il a notamment signé des titres comme J’ai tué Hitler (2006) et Les Loups-garous de Montpellier (2009). Le prolifique dessinateur revient en ce début d’année avec Un Norvégien vers Compostelle, un livre inspiré par le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, qu’il fit en 2015. Bien qu’il soit le personnage principal de l’album, il se défend pourtant d’avoir dessiné ici une autobiographie. Jason réfléchit déjà à la suite. Après Compostelle, il s’est rendu en 2016 en Irlande. Il consacrera peut-être un nouveau livre à ce voyage. Rencontré en janvier pendant le Festival de Bande Dessinée d’Angoulême, il a accepté de commenter trois pages de son nouvel album.

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- © © Éditions Delcourt, 2017 – Jason

Une grosse limace noire

"J’ai eu cinquante ans en 2015. J’ai voulu marquer le coup. J’avais entendu parler du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Cela semblait être une bonne idée de passer un mois à marcher sur une route. J’ai emmené un cahier avec moi. J’ai fait des sketches, j’ai pris des notes. Au milieu du pèlerinage, j’ai commencé à me dire que cela pouvait devenir une bande dessinée. J’ai été inspiré par un film avec Martin Sheen, The Way. C’est un bon film, bien qu’un peu hollywoodien. J’ai ajouté des éléments imaginaires à mon périple, comme cette espèce de grosse limace noire. J’avais remarqué en marchant qu’il y en avait beaucoup. Le trajet est un peu répétitif: vous marchez, vous trouvez un refuge et vous allez dormir. Alors, pendant que je marche, mon imagination fonctionne et trouve des idées. Dans ce livre, il y a bien plus de texte que dans mes précédents. Souvent, j’improvise l’histoire. Ce livre est une exception: à partir des notes prises sur le chemin, j’ai écrit un scénario, auquel j’ai ajouté plein de corrections. J’espère que c’est un livre optimiste, qui donnera envie aux lecteurs de remonter le chemin de Compostelle."

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- © © Éditions Delcourt, 2017 – Jason

L’influence de Tintin et de Buster Keaton

"J’utilise la trame pour les scènes de nuit ou qui se déroulent à l’aube. J’adore les Tintin en noir et blanc où Hergé utilisait beaucoup la trame pour créer des contrastes sur une planche. Je crois que Tintin est la série qui a le plus influencé mon dessin. J’essaye aussi de m’inspirer de sources différentes de la BD, comme la littérature, la peinture et le cinéma. Quand j’ai commencé ma carrière de dessinateur, je dessinais dans un style beaucoup plus réaliste qu’aujourd’hui. Mais je n’étais jamais très satisfait du résultat. J’ai essayé d’autres styles, dont l’anthropomorphisme, qui m’a tout de suite plu parce qu’il correspond tout à fait à l’esprit des histoires que j’ai envie de raconter. Avoir comme personnages principaux des animaux, et notamment des chiens, permet de rendre l’histoire universelle. Pourquoi mes personnages ont-ils des yeux blancs? C’est peut-être une influence de Buster Keaton, pour montrer des visages sans émotion, comme cela le lecteur doit placer ses propres émotions dans le personnage. Ainsi, les scènes drôles le deviennent encore plus. Idem pour les scènes tristes."

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- © © Éditions Delcourt, 2017 – Jason

Un village de conte de fée

"J’ai eu cette idée en traversant ce charmant petit village. On dirait qu’il appartenait à un conte de fée. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’ajouter les sept nains, la sorcière et Blanche-Neige en prostituée! Compostelle est à la fois un voyage spirituel et un effort sportif. J’ai choisi de ne pas amener de téléphone. Je n’ai pas écouté de musique. J’ai donc eu beaucoup de temps pour penser - et réfléchir aux idées à mettre dans ce livre. Je trouve souvent mes idées lorsque je voyage en train ou en avion, dans des situations où l’on a beaucoup de temps devant soi pour penser. Dans mes derniers livres, j’ai privilégié le gaufrier pour des raisons esthétiques. J’adore ce type de mise en scène. Ce système avec quatre cases est très efficace et vous permet de conserver le même ‘angle de caméra’ pendant trois cases puis de le casser dans la dernière pour montrer quelque chose de complètement différent. Pour la bande dessinée, je préfère ces petits formats, proche du livre de poche, plutôt que le format français traditionnel."

Un Norvégien vers Compostelle, Jason, Delcourt, collection Shampooing, 192 pages, 15,50 euros.
Jérôme Lachasse