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La BD de la semaine: Grenson et Dufaux commentent Niklos Koda

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- - Le Lombard 2017 Dufaux Grenson

LA BD DE LA SEMAINE - A l’occasion de la parution du dernier tome de cette série écoulée à plus de 600.000 exemplaires en dix-huit ans, la Galerie Maghen à Paris organise une exposition-vente.

Dix-huit ans après sa création par le scénariste Jean Dufaux et le dessinateur Olivier Grenson, la série Niklos Koda touche à sa fin. Vendue à plus de 600.000 exemplaires, cette série qui compte aujourd’hui 15 tomes mêle magie noire, enquête et fantastique.

Si le quinzième tome, intitulé Le Dernier masque, s’annonce bel et bien comme un dernier tour de piste, les deux auteurs n’excluent pas de revisiter leur univers, notamment par le biais d’illustrations. Selon le scénariste Jean Dufaux, la série pourrait même être reprise par une autre équipe. "Une histoire ne doit pas être complètement morte. Tout est ouvert", dit-il, avant de préciser: "Peu d’ouvrages dans la BD européenne traitent de la magie noire. Il faut des auteurs qui se sentent concernés par ce monde-là."

La fin de la série ne marque pas la fin de la collaboration entre Dufaux et Grenson: les deux hommes préparent une nouvelle aventure de Spirou. A l’occasion d’une exposition-vente de planches et d’illustrations de Niklos Koda qui se déroule jusqu’au 24 juin à la Galerie Maghen (Paris VIe), BFMTV.com a rencontré Dufaux et Grenson.

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- © Le Lombard 2017 Dufaux Grenson

La fin d’une époque, la fin d’une série

Jean Dufaux: "Je crois que l’ère des séries de douze, quinze volumes s’achève tout doucement. Ça correspond aux années 1980, 1990, 2000. Le marché a changé. La motivation, les sensibilités des auteurs, des lecteurs et des éditeurs ont changé. On se retrouve avec une autre façon de gérer son imaginaire par cycle de trois ou quatre tomes, des one-shots ou des albums à la pagination plus importante. Avec Niklos Koda, le miracle est que nous ayons pu terminer la série à un moment où ce type de phénomène lentement s’estompe. Il faut aussi savoir s’arrêter au bon moment. Il faut le préparer: la fin n’arrive pas à l’impromptu. Elle est définie depuis le tome 11 [La Danse du diable, sorti en 2013, NDLR]. L’histoire pourrait avoir des suites. Il reste des interrogations, mais quelque part cela ne nous regarde plus, cela ne nous appartient plus."

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- © Le Lombard 2017 Dufaux Grenson

Olivier Grenson: "Quand on a démarré, on ne savait pas si on allait faire cinq, six ou dix albums. On ne savait pas si Niklos Koda allait voir du succès, quelle serait la collaboration entre les auteurs, avec l’éditeur. Une chose était certaine: on avait envie de travailler sur une série, de travailler sur la longueur, comme ça le personnage pouvait continuer à évoluer dans chaque album. Jean avait eu l’idée de faire au début du personnage quelqu’un de superficiel, qu’on allait pouvoir découvrir petit à petit, qui allait dévoiler ses failles au fur et à mesure, à partir du sixième tome, Magie Noire.
L’intérêt d’une série aussi longue est d’avoir des rythmes différents. Avec les 15 albums, on a un ensemble cohérent, comme une boucle qui se referme. Les personnages nous ont surpris aussi. Rien n’est figé, sinon on risque de s’ennuyer. Dans les années 50 ou 60, quand les auteurs avaient trouvé un bon personnage, qui avait son succès, il n’était pas question qu’ils réinventent autre chose. Ils continuaient leur personnage jusqu’à la fin de leur vie, comme Lucky Luke ou Tintin. On n’imaginait pas de s’arrêter."

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- © Le Lombard 2017 Dufaux Grenson

Le fantastique

O.G.: "Ce qui est intéressant dans l’univers de Koda, c’est qu’il faut transcender le réel. On glisse d’un univers réel, les Catacombes à Paris, à l’imaginaire, que le lecteur peut interpréter, je l’espère, par mon dessin. Pour cette case, Jean avait imaginé une allée avec des chacals, une référence au tome 2 de Niklos Koda, Le Dieu des Chacals, mais on aurait été trop proche de la mythologie égyptienne. Et il y avait déjà une page avec des bisons dans le Quai d’Orsay avant. Il faut qu’il y ait une gradation. Il faut qu’il y ait un rapport avec l’évolution des personnages. Dans cette case, je voulais aller vers quelque chose d’un peu plus baroque, d’un peu plus fantastique qui corresponde à la mégalomanie du personnage de Barrio Jesus, l’antagoniste du début de la série. Les scénarios que je reçois sont très précis. Pour cette case, on a beaucoup changé. Notamment la façon de dessiner les détails.” J.D.: "C’est certainement une des forces du travail de Grenson: dans des situations où l’interprétation est essentielle, il présente toujours plusieurs interprétations. On peut choisir plus facilement. Ce qui veut dire que pour une case, il y a souvent quatre ou cinq cases proposées."

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- © Le Lombard 2017 Dufaux Grenson

La transformation

O.G.: "C’est une case très importante. Elle ne devait pas représenter nécessairement un animal, un démon. Chacun peut interpréter. Si j’avais eu du temps, j’aurais peut-être dessiné cette scène de transformation d’une manière encore plus abstraite. Cette case, c’est vraiment un montage, comme au cinéma. Par rapport au découpage de Jean et au nombre de cases disponibles, je dois trouver une organisation, le bon dessin et le bon cadrage. En l'occurrence, ici, j’ai coupé, j’ai collé, j’ai photocopié. C’est une planche particulière à dessiner parce qu’il n’y a pas de cheminements concrets: quelqu’un qui marche dans une rue, monte dans une voiture… C’est plus abstrait. Ce qui est intéressant dans le scénario de Dufaux, c’est qu’il laisse la place au dessin." J.D.: "Un bon scénario est parfois celui qui n’est pas écrit. Un scénariste doit comprendre qu’à un moment donné, toute la puissance est donnée dans le dessin." O.G.: "Et en même temps, mon dessin ne pourrait pas exister tel quel sans les mots de Jean."

Niklos Koda, tome 15: Le Dernier masque, Jean Dufaux (scénario) et Olivier Grenson (dessin), Le Lombard, Collection Troisième Vague, 72 pages, 12 euros.

la galerie maghen organise jusqu’au 24 juin une exposition-vente.

Adresse: 47 Quai des Grands Augustins, 75006 Paris.

Ouverture du mardi au samedi de 10h30 à 19h00.

Téléphone: 01.42.84.37.39

Jérôme Lachasse