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Kit de survie: comment parler de la rentrée littéraire sans avoir lu un seul livre

Le quatrième tome de Millenium est sorti dans 25 pays. C'est l'un des 589 livres de cette rentrée littéraire.

Le quatrième tome de Millenium est sorti dans 25 pays. C'est l'un des 589 livres de cette rentrée littéraire. - Kenzo Tribouillard - AFP

Snobisme, manque de temps ou allergie, vous avez décidé de ne lire aucun roman de la "rentrée littéraire". Voici ce qu'il faut savoir, pour pouvoir en parler quand même.

Chaque année, un peu après le 15 août, elle vient nous cueillir. A peine le temps de lever le nez du dernier Cinquante nuances de Grey, et de poser son verre de rosé-pamplemousse, que la "rentrée littéraire" est là. Et si vous n'êtes pas prêts, d'autres le sont. Les imprimeurs impriment, les libraires installent, les éditeurs massent les mollets de leurs poulains avant leur passage à la télé et les critiques littéraires vérifient leur stock de Guronsan.

Malgré tout, vous n'envisagez pas une seconde de vous coltiner le livre de Christine Angot, et encore moins celui d'Amélie Nothomb. Qu'à cela ne tienne, voici la tactique à adopter pour garder une contenance quand on vous entreprendra sur le sujet.

> Causer chiffres

Selon le magazine Livres Hebdo, 589 romans -68 premiers romans, 393 français, 196 romans de la littérature étrangère- sont publiés entre août et octobre 2015. C'est beaucoup, mais c'est moins que l'année dernière (607) et un peu plus qu'en 2013 (555). Le journal observe ainsi que le flux d'ouvrages diminue un peu au fil des années, avec un point culminant à 727 livres en 2007. Mais si le battage médiatique bat son plein en septembre, c'est au moment des fêtes de fin d'année que se vendent vraiment les livres, comme l'expliquait Le Monde en septembre 2013.

La vie des ouvrages est orchestrée comme une valse à trois temps, dont la rentrée littéraire, fin-août début septembre est le premier mouvement. Viennent ensuite les prix littéraires Goncourt, Renaudot, Médicis ou encore Interalliés, du 15 octobre à fin novembre, qui font et défont des bestsellers. L'académie Goncourt a d'ailleurs dévoilé ce jeudi les 15 romans retenus dans sa première sélection. Et arrive enfin le mois de décembre, époque bénie des libraires.

> Parler polémiques

Les magazines et émissions littéraires livrent tous leur liste d'incontournables. Les "valeurs sûres", les chef-d'oeuvre, ceux que l'on attendait, et ceux que l'on n'attendait pas. Mais chaque année, quelques livres à l'aura sulfureuse font parler d'eux, avant même d'être en librairie.

C'est le cas d'Eva. Le roman que Simon Liberati consacre à Eva Ionesco, sa compagne. Exhibée, maquillée, photographiée dès l'âge de 4 ans dans des poses érotiques par sa mère Irina, Eva Ionesco a eu son enfance saccagée. Son histoire est connue et a déjà fait l'objet d'un livre autobiographique- Je ne suis pas une princesse- et de procès entre la jeune femme et sa mère. Irina Ionesco a tenté de faire censurer le livre de Simon Liberati, pour "atteinte à la vie privé" et perdu son procès.

Ce qui ne me tue pas, quatrième tome du bestseller suédois Millenium s'invite également dans la rubrique des curiosités. David Lagercrantz (auteur de l'autobiographie de Zlatan Ibrahimovic) a eu la lourde tâche de poursuivre l'oeuvre de Stieg Larsson, mort d'une crise cardiaque en 2004, sur fond de conflit avec la compagne de l'écrivain. Eva Gabrielsson a en effet été écartée de la succession car elle n'était pas mariée à Stieg Larsson et accuse l'éditeur de vouloir s'en mettre plein les poches. Le livre est sorti dans 25 pays. "S'il s'avère que j'ai écrit un mauvais livre, il y aura toujours les livres de Stieg Larsson", a déclaré, David Lagercrantz, philosophe.

> Lâcher des mots

Exofiction, par exemple. Ca devrait scotcher un peu votre auditoire. Exit l'autofiction, l'exofiction, genre très prisé, consiste à créer une fiction à partir d'éléments réels. Comme Yasmina Khadra et son roman sur Kadhafi, La dernière nuit du Raïs, ou encore Laurent Binet qui s'approprie la mort de Roland Barthes- imaginant qu'il a été assassiné- dans La septième fonction du langage, et rhabille au passage l'intelligentsia parisienne. Philippe Jaenada se penche sur un fait divers des années 50 dans La petite femelle, et raconte l'histoire d'une jeune femme, Pauline Dubuisson, accusée d'avoir assassinée son amant.

Lâchez aussi, l'air de rien, que cette, année, de nombreux romans ont un accent social. Comme Ressources inhumaines de Frédéric Viguier, sur le monde et des hypermarchés, ou Après le silence de Didier Castino, qui décrit la condition ouvrière. Les échoués, de Pascal Manoukian, raconte, lui, le parcours de migrants, tout comme Le pain de l'exil, de Zadig Hamroune.

> Bluffer

Si malgré tout cet étalage de connaissances vous n'avez toujours pas cloué le bec de votre interlocuteur, vous pouvez toujours évoquer les "habitués". Ces auteurs qui pondent avec une régularité admirable un roman tous les deux, trois, quatre ans.

De ceux-là, on parle un peu comme d'un Beaujolais nouveau. "Il est comment le Nothomb, cette année?". Assénez alors avec aplomb que le dernier Angot, Un amour impossible, est "bien" mais que vous avez quand même préféré Pourquoi le Brésil. Normalement, on ne vous en demandera pas plus. La méthode fonctionne avec Amélie Nothomb ("Non, vraiment, depuis Hygiène de l'assassin..."), dont le dernier opus s'intitule Le crime du comte de Neuville, ou encore Eric-Emmanuel Schmitt, qui livre cette année La nuit de feu, et Delphine de Vigan, auteur de Rien ne s'oppose à la nuit en 2011, et qui publie D'après une histoire vraie.

Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV