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Culture

Houellebecq: "L'islam est une religion de paix, de tolérance et d'amour"

Michel Houellebecq le 10 janvier à Cologne.

Michel Houellebecq le 10 janvier à Cologne. - Patrik Stollarz - AFP

Absent des médias français et vivant sous étroite surveillance policière, Michel Houellebecq n'a pourtant rien perdu de sa verve. RTL l'a rencontré.

Très affecté par la mort de son ami Bernard Maris, assassiné au cours de l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier dernier, Michel Houellebecq avait décidé de suspendre la promotion de son livre, Soumission, sorti le même jour.

L'écrivain est toutefois sorti de son silence mardi, au micro de RTL. Il confirme vivre depuis les événements du 7 janvier sous étroite surveillance policière. Et revient sur l'accueil réservé à son livre, mais aussi sur le "courage" des survivants de Charlie Hebdo, sur sa vision de l'islam ou encore sur la liberté d'expression.

"Je n'ai pas du tout apprécié les déclarations du pape"

"On pratique le parti de ceux qui disent 'La liberté d'expression c'est très bien, mais il ne faut quand même pas blasphémer, il ne faut pas insulter les religion, c'est très sacré pour eux'", regrette l'écrivain, qui fustige également les propos du pape. "Je n'ai pas du tout apprécié les déclarations du pape", affirme Michel Houellebecq, qui se dit "consterné".

Le chef de l'église catholique a ainsi déclaré que "la liberté d'expression ne doit pas insulter la foi d'autrui". Pour l'écrivain, si la liberté d'expression ne peut être "totale", dans les domaines des atteintes à la vie privée ou la diffamation, "elle doit permettre de s'attaquer à une religion, oui".

"Une grosse victoire pour les jihadistes"

Les ennemis de la liberté d'expression sont toujours là et actifs", constate l'auteur de Soumission, qui ajoute que "ceux qui s'exprimaient déjà, qui disaient 'Faut pas exagérer quand même, faut pas blasphémer, ils ont été un peu trop loin, ils ont mis de l'huile sur le feu... ils disent toujours la même chose. (...) Il faut voir les choses en face, c'est quand même une grosse victoire pour les jihadistes".

Michel Houellebecq confie également son étonnement sur la facilité à s'armer en France. "J'étais resté sur l'idée que c'était assez difficile de se procurer des armes de guerre en France. Apparemment pas tant que ça" (...) "Il n'y a vraiment pas de quoi être rassuré", conclut-il. Revenant sur la une du dernier Charlie Hebdo, tiré à plus de 7 millions d'exemplaires, et toujours disponible dans les kiosques, Houellebecq souligne le courage des survivants et note: "Je ne pensais pas, vu le caractère particulièrement gentil des dessins, que les réactions seraient aussi vives dans différents pays".

"L'islam est une religion de paix, de tolérance et d'amour"

Pessimiste, Houellebecq estime que la commémoration du 70e anniversaire de la libération d'Auschwitz "ne semble pas servir à grand chose. C'est à peu près aussi efficace que la laïcité. Ca ne veut pas dire qu'il ne faille pas le faire, mais il ne faut pas trop se faire d'illusion sur le résultat".

Revenant sur l'attentat contre Charlie Hebdo, il se remémore "une des choses les plus déchirantes, c'était l'imam de Drancy sur les lieux de l'assassinat". Autrement dit, "l'islam n'est pas ça (le terrorisme et les attentats, Ndlr), l'islam est une religion de paix, de tolérance et d'amour. Je l'ai senti complètement dévasté et peut-être à deux doigts de renoncer". "L'islam est en train de payer très lourdement le fait de ne pas avoir, contrairement au catholicisme, une hiérarchie spirituelle (...) Je suis persuadé que s'il y avait une autorité spirituelle analogue au pape dans l'islam, en moins de 20 ans il n'y aurait plus de jihadistes, parce qu'ils n'oseraient pas brader le péril d'être retiré de la communauté des fidèles".

Interrogé sur les critiques qu'essuient son livre d'encourager l'islamophobie, l'auteur estime que "le sujet est arrivé à un tel point d'hystérie que je ne pense pas que quoi que ce soit, et surtout pas un roman, puisse aggraver les choses".

"L'Académie française, oui je pourrais être un candidat valable"

Regrettant enfin ses propos en 2001, qui avaient provoqué un tollé ("La religion la plus con, c'est quand même l'islam"), l'écrivain a estimé qu'il aurait "mieux fait de (se) taire".

Enfin, interrogé sur le soutien d'Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, Michel Houellebecq a répondu: "l'Académie française oui, c'est gentil. En même temps, ils ont déjà eu des problèmes avec (Alain) Finkielkraut. Il y a eu des polémiques, je ne sais pas si je vais leur imposer ça tout de suite". Ajoutant cependant: "je pense que je pourrais être utile sur certains mots. J'aurais des opinions. Oui, éventuellement, je pourrais être un candidat valable".

Magali Rangin