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Hate, l'heroic fantasy sombre et violente d'Adrian Smith

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- - Glenat 2017 Adrian Smith

Le dessinateur britannique expose ses dessins à la Galerie Glénat jusqu’au 21 juin à l’occasion de la sortie de sa BD Hate - Les Chroniques de la Haine.

Connu pour ses illustrations réalisées pour Warhammer, univers d’heroic fantasy créé dans les années 1980 par la société Games Workshop, Adrian Smith a sorti le mois dernier aux éditions Glénat Hate - Les Chroniques de la Haine, 280 pages presque muettes et en noir et blanc de batailles et de courses poursuites. A cette occasion, l’illustrateur britannique expose ses dessins à la Galerie Glénat, située 22 Rue de Picardie, dans le 3ème arrondissement de Paris.

BFM Paris a rencontré Adrian Smith, qui a accepté de commenter quelques pages de sa bande dessinée. Avant de commencer l’interview, il nous prévient: "Je n’aime pas expliquer l’histoire. Je veux que les lecteurs se fabriquent leur propre histoire." Et quand on lui dit que ses dessins font penser à ceux du co-créateur de Métal Hurlant Philippe Druillet, il répond du tac au tac: "Ne me comparez pas à un Dieu!"

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- © Glénat 2017 Adrian Smith

La genèse

"J’ai fait une peinture à l’aquarelle du personnage principal. Elle est restée longtemps sur mon bureau. Je n’arrêtais pas de la regarder et de me dire: 'il est pathétique, j’aime ce personnage'. Puis, j’ai eu cette idée de le faire pourchasser par des hordes de méchants. J’ai alors commencé à dessiner quelques pages. Je n’avais pas d’histoire: chaque page dictait la suivante. Ce personnage, c’est un humain né d’un cataclysme. Il appartient à la catégorie des humains qui n’ont pas bien évolué. Ce n’est ni un 'troll' ni un 'orque'. Ces mots viennent tous du Seigneur des Anneaux. Je n’appelle pas mes personnages ainsi."

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- © Glénat 2017 Adrian Smith

Le plaisir de raconter une histoire

"J’ai décidé d’utiliser du noir et blanc pour aller plus vite. Je travaillais sur Hate pendant mon temps libre, une fois terminé mon travail rémunéré. Personne ne savait que je travaillais sur ce projet. Tout a été conçu la nuit, très rapidement. La plupart des pages a été réalisée sur ordinateur. Si les dessins donnent l’impression d’avoir été faits à la main, de manière traditionnelle, c’est volontaire. Quand j’ai dû utiliser un ordinateur, je me suis imposé de conserver autant que je pouvais le style que j’avais quand je dessinais à la main. J’adore le noir et blanc. Je pense que la couleur gêne le lecteur et qu’elle n’est souvent pas nécessaire. Elle dissimule de nombreux éléments intéressants. Le noir et blanc est plus direct, il montre tout. Si je dois dessiner un prequel, je mettrais sans doute de la couleur, mais je n’en suis pas sûr. Je ne connais pas grand chose aux comics, mais j’ai découvert, après avoir dessiné quelques pages, que j’aime raconter des histoires. C’est ce qui m’a permis de terminer le livre: placer mon pauvre petit personnage dans des situations de plus en plus atroces. Ça m’a donné le sourire. C’était fun."

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- © Glénat 2017 Adrian Smith

Des personnages avec des crânes et des épées

"Lui, c’est Tyran. Comment j’ai créé son look? C’est ce qui m’est venu à l’esprit quand j’ai commencé à le dessiner. Les crânes, les haches, c’est juste des choses que j’adore dessiner. C’est pour cette raison que Games Workshop m’avait contacté pour travailler avec eux. Mais ce n’est pas l’unique chose que j’aime dessiner. J’aime l’heroic fantasy parce qu’on peut créer ce que l’on veut. Il n’y aucune règle. Je vois tous les jours la réalité, à quoi bon la dessiner? Le monde que j’ai créé est gouverné par des hommes. C’est un monde très misogyne - appelez-le comme vous voulez. Il est revenu en arrière. Les femmes sont soit de la nourriture, soit des esclaves, soit des reproductrices. Les gens se dévorent les uns les autres. C’est un monde sans lumière, où il y a une éclipse permanente. Il est principalement construit sur des combats violents et du cannibalisme. C’est ce qui se passe quand vous laissez les garçons faire ce qu’ils veulent faire."

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- © Glénat 2017 Adrian Smith

Sans dialogue

"Le livre devait être à l’origine complètement silencieux, puis j’ai commis l’erreur de montrer les pages à un scénariste qui m’a suggéré d’ajouter des dialogues - et j’aurais préféré ne pas le faire. C’est une histoire très simple qui se lit très bien sans dialogues. Et l’histoire est racontée selon le point de vue du petit gars. Il ne peut pas parler. Il n’a aucune idée de ce qui se passe. Il vient juste de s’échapper d’une pièce dans laquelle il a passé toute sa vie. Tout est effrayant pour lui. Chaque case doit fonctionner par rapport à la page et en tant que telle, comme une peinture. J’ai toujours aimé les ombres portées. Ça me vient sans doute de Nosferatu (1922), que j’ai découvert enfant. Je ne me soucie pas du degré de réalisme de mes ombres. Je n’ai pas besoin qu’elles soient réalistes: j’ai juste besoin qu’elles aient l’air belles. Mes éclairages sont plus théâtraux que réalistes. C’est du pur théâtre, un bonheur pour les yeux."

Hate - Les Chroniques de la Haine, Adrian Smith, Glénat, 280 pages, 30 euros.

Jusqu’au 21 Juin, la galerie Glénat expose des dessins d’Adrian Smith.

Jérôme Lachasse