Festival d’Angoulême 2017: les auteures de BD (enfin) à l’honneur

Le Festival consacre le travail de deux dessinatrices, Sophie Guerrive et Pénélope Bagieu, et d'une scénariste, Loo Hui Phang. Elles ont accepté de répondre aux questions de BFMTV.com.

La 43ème édition du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême (FIBD) avait été entachée, en janvier 2016, par la polémique sur l'absence de femmes dans la sélection officielle. Aucune des dix expositions présentées cette année-là n'était d'ailleurs consacrée à l'oeuvre d'une auteure de bande dessinée.

Cette année, les organisateurs font amende honorable en proposant plusieurs manifestations sur des autrices: "Sophie Guerrive: honneur et profit" présentera le travail de cette dessinatrice de 33 ans ; "Loo Hui Phang, synoptique" propose de son coté une immersion dans l'univers envoûtant et onirique de cette scénariste de 42 ans ; Pénélope Bagieu, enfin, participera avec la chanteuse China Moses à un concert dessiné.

- © Sophie Guerrive - Ed 2024

"Sophie Guerrive: honneur et profit", Galerie Art Image, 3 rue de Genève, du 26 au 29 janvier.

Sophie Guerrive a publié en 2016 deux livres chez l'éditeur de BD 2024: Capitaine Mulet et Tulipe. "Ce sont deux livres assez différents, tant du point de vue de la forme que du fond", commente la dessinatrice, que BFMTV.com a rencontré à son exposition. "L'histoire de Capitaine Mulet se déroule au Moyen-Âge. Les dessins sont assez fouillés et en noir et blanc. Tulipe, c'est plus des histoires courtes en couleur." À travers ces deux récits, Sophie Guerrive propose également deux univers différents. Capitaine Mulet est un récit long, qui a nécessité des recherches graphiques et de la documentation. "Après, je suis passée à Tulipe, à quelque chose de plus léger, que j'ai publié en ligne", dit-elle. "Le but était de réaliser des histoires faciles d'accès, très rapides à lire". Même si ses récits semblent s'adresser, en raison du graphisme, à un public enfantin, détrompez-vous: Sophie Guerrive destine ses histoires d'ours et de serpents qui parlent aux adolescents et aux adultes. Lorsqu'on lui demande quel album elle conseille aux lecteurs qui désirent découvrir son travail, elle répond, sourire aux lèvres, du tac au tac: "Les deux!"

- © Loo Hui Phang - Philippe Dupuy - Futuropolis 2016

"Loo Hui Phang, synoptique", espace Franquin, 1 Boulevard Berthelot, du 26 au 29 janvier 2017.

Venue à la BD par hasard à la fin des années 1990, Loo Hui Phang est scénariste. Si elle collabore avec des dessinateurs aussi différents que Philippe Dupuy, Hugues Micol ou encore Frederick Peeters, elle convoque dans ses histoires des thèmes constants: "Le désir, les paysages organiques, les rêves, l’utopie, l’ambiguité sexuelle", énumère-t-elle, avant de préciser: "Ces thèmes sont combinés de manière différente selon les histoires et les auteurs pour lesquels j'écris." Chacun de ses albums comporte également une dimension politique, en particulier ses deux derniers: L’Odeur des garçons affamés, avec Frederick Peeters (Casterman, 2016), et Nuages et Pluie, avec Philippe Dupuy (Futuropolis, 2016). "Le premier est un western qui parle du monde contemporain, du début du capitalisme et de l’histoire américaine au moment des génocides indiens; le second se déroule dans l’Indochine des années vingt. C'est comme un conte fantastique: l’histoire se déroule dans une ville usine où des hommes travaillent à la chaîne. C'est une métaphore de la production de masse." 

"Loo Hui Phang, synoptique" s'appuie sur des planches extraites de ses albums, et non sur ses scénarios: "Je ne voulais pas faire une exposition didactique sur mon travail. J’ai plutôt voulu plonger les gens dans l’humeur dans laquelle je suis lorsque j’écris: c'est-à-dire dans un état un peu contemplatif." Présenter les planches, et les classer par thème et non par auteur, lui a ainsi permis de confronter les différentes mises en scène des auteurs selon un même thème. "C’est intéressant de regarder le dessin sous cet angle-là", note-t-elle. Un dispositif numérique permet également de prolonger la lecture en faisant apparaître dans les planches des créatures en 3D imaginées par les étudiants de l’école supérieure de l’image d’Angoulême. 

Pour se familiariser à son oeuvre, Loo Hui Phang conseille l'album qu'elle a conçu avec Frederick Peeters: L’Odeur des garçons affamés: "C’est un livre qui est faussement classique, qui ressemble à un western classique, à du Jean Giraud [l'auteur de Blueberry, ndlr], mais qui glisse assez rapidement vers quelque chose d’étrange et de bizarre: mon univers."

- © FIBD - Pénélope Bagieu

Concert dessiné de Pénélope Bagieu et China Moses le vendredi 26 janvier à 20h30 au Théâtre d’Angoulême.

La dessinatrice de California Dreamin et des Culottées se lance un nouveau défi: un concert dessiné. "Je ne l’ai jamais fait. J’essaye de ne pas trop y penser, sinon je ne dors pas", a-t-elle indiqué à BFMTV.com en début de semaine lors d'un passage éclair à Paris. "C’est une proposition du festival. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai dit oui. Et maintenant il n’y a plus qu’à."

Pénélope Bagieu partagera la scène avec la chanteuse américaine China Moses. Pendant les morceaux, l'auteure de Cadavre Exquis devra dessiner en direct des illustrations qui seront projetées sur grand écran. Un exercice que la dessinatrice ne prend pas à la légère. "Ça se prépare. J’aimerais dire que ça s’improvise, mais pas du tout. C’est un exercice ultra périlleux de dessiner en musique parce qu’il faut que tes dessins se terminent en même temps que la chanson, que le tempo aille bien avec le dessin, que les spectateurs ne s’ennuient pas", explique-t-elle avant de lancer: "Ils vont quand même regarder mes mains dessiner pendant une heure et demie!".

Jérôme Lachasse