BFMTV
Culture

Enrico Marini: "Batman, c'est un peu le Clint Eastwood des comics"

Batman par Marini

Batman par Marini - Dargaud DC 2017

L'auteur des Aigles de Rome est le premier dessinateur européen à être autorisé par DC Comics à s'emparer de Batman. Invité à la Paris Games Week, il raconte à BFM Paris comment il a créé ses versions de Batman et du Joker.

Ce mercredi 1er novembre, Enrico Marini hésite. Le dessinateur, à l'origine des best-sellers Rapaces, Les Aigles de Rome et Le Scorpion, doit réaliser à la Paris Game Week un immense dessin à l'occasion de la sortie de son nouvel album, Batman: The Dark Prince Charming.

A quelques instants du début des hostilités, lui qui vient pourtant de réaliser un exploit -réussir la fusion entre Batman et la BD franco-belge- ignore encore quel personnage dessiner. Harley Quinn? Le Joker? Ce sera finalement Batman, qu'il peint à la peinture blanche sur une toile noire -un choix étonnant pour donner vie à celui que l’on nomme le Chevalier noir, le Dark Knight.

La genèse du Dark Prince Charming a été moins laborieuse. Grand fan de Batman, Marini évoque un jour avec son éditeur chez Dargaud l'idée de reprendre le personnage imaginé par Bob Kane et Bill Finger en 1939. Un an plus tard, Dargaud, qui détient les droits français de DC Comics, lui annonce la bonne nouvelle: un accord a été conclu. Et Jim Lee, auteur du fameux Batman Silence et co-éditeur de DC, lui laisse carte blanche.

Batman de Marini
Batman de Marini © Marini Dargaud DC 2017

"Il fallait que ça sonne américain"

Avant de commencer à dessiner, Marini a écrit le scénario en entier, qui a ensuite été validé par DC. L’histoire est simple: le Joker a kidnappé une fillette qui pourrait bien être celle de Bruce Wayne. Comme souvent, le Joker vole la vedette à Batman. Le dessinateur suisse, d’origine italienne, a écrit le scénario en anglais.

"Je sentais les phrases me venir plus facilement en anglais pour certaines scènes, et notamment pour les gags", raconte-t-il. Il ajoute: "Il fallait que ça sonne américain. Je ne voulais pas de traduction. Et j’entendais plus facilement parler le Joker en anglais qu’en français".

Contrairement aux comics de Frank Miller (The Dark Knight Returns, Year One) ou de Tim Sale et Jeph Loeb (Un Long Halloween, Amère victoire), Marini s’est peu appuyé sur les monologues intérieurs de Batman pour rythmer le récit. "Lorsqu’il est avec quelqu’un, je voulais aussi qu’il dise le strict minimum", précise Marini.

"Le Clint Eastwood des comics"

Lors de sa première scène avec l’inspecteur Gordon, Batman ne prononce en effet que deux phrases. "Ils auraient pu commencer un dialogue, mais je n’aime pas trop ça", poursuit Marini. "Je voulais qu’il soit mystérieux, un peu rigide, un peu statuaire, un peu introverti. Il dit le strict minimum. C’est un peu le Clint Eastwood des comics". Physiquement, le Batman de Marini ressemble pourtant à Ben Affleck. A quoi reconnaît-on un bon Batman? "Les proportions doivent être justes", annonce Marini:

"Le Batman de Miller est très robuste, très âgé. Il a l’air très lourd. C’est presque un gorille. Il est très crédible. Dans cette histoire, il est parfait. Moi, j’ai essayé de faire un Batman un peu plus élégant, un peu plus allongé. Bien sûr, il est musclé, mais il a l’air plus agile. Il est moins vieux. Il a une dizaine d’années d’expérience en tant que Batman. Il a une certaine maturité. Je voulais entrer dans le vif du sujet. Ce n’était pas nécessaire de raconter une nouvelle fois ses origines".

Joker par Marini
Joker par Marini © Marini Dargaud DC 2017

"J’imaginais mon Joker un peu punk"

Si Batman se mure dans son silence, le Joker, lui, jacasse. Mais personne ne lui répond. C’est un psychopathe qui change d’avis et de personnalités toutes les cinq minutes. La version de Marini, à mi-chemin entre Billy Idol et Christopher Lambert dans Subway de Luc Besson, vaut le détour. "Je l’imaginais un peu punk", explique Marini. "Billy Idol, je n’y ai pas pensé, mais c’est vrai. Il y a un peu de Kiss aussi. Je suis allé voir sur Internet des maquillages de clowns, et je suis tombé sur une fille qui avait exactement ce maquillage sur les yeux".

Le premier tome de The Dark Prince Charming (le deuxième, actuellement en cours de fabrication, sortira en 2018) se clôt sur une image du Joker se maquillant devant un miroir. Sur un post-it, il est écrit qu’il doit commander des sushis. Le deuxième tome, promet Marini, montrera ladite commande. Nous n’en saurons pas plus, si ce n’est qu’il “va peut être casser quelques tabous” dans ce nouvel album.

Avant de quitter Marini, on ne résiste pas à l’envie de l’interroger sur Batman & the Justice League de Shiori Teshirogi, manga validé par DC et publié par Kana au même moment que The Prince Dark Charming. Là encore, il s'agit d'un affrontement entre Batman et le Joker. A ce récit a été greffée la quête d'un jeune Japonais, Rui, qui débarque à Gotham pour retrouver ses parents disparus depuis un an. En feuilletant, le dessinateur sourit: "Il faudrait que je le lise, mais, en tout cas, la Wonder Woman est vachement bien dessinée. Comme le Joker". Et c’est un expert qui le dit.

Batman en manga
Batman en manga © Kana DC 2017

The Dark Prince Charming, Enrico Marini (scénario, dessin et couleur), Dargaud/DC Comics, 72 pages, 14,99 euros.

Batman & the Justice League, Shiori Teshirogi (scénario et dessin), Kana/DC Comics, 192 pages, 7,45 euros.

Jérôme Lachasse