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Comment la BD représente les attentats de Paris?

Un extrait de Catharsis de Luz

Un extrait de Catharsis de Luz - Luz / Futuropolis

Des livres de Luz, de Catherine Meurisse ou encore de Joann Sfar racontant ces événements ont paru récemment.

"Il faut demander au livre de nous aider à voir qu’une période de vie a un sens", écrit Joann Sfar dans son carnet intime Je t’aime ma chatte. Depuis Catharsis de Luz, la BD ne cesse de se pencher sur les attentats à Charlie-Hebdo et du 13-Novembre. Une dizaine de récits les évoquent, frontalement ou partiellement.

Les derniers en date: Mon Bataclan de Fred Dewilde, récit d'un rescapé chroniqué récemment par BFMTV.com, et 13/11, documentaire dessiné par Anne Giudicelli et Luc Brahy. Avant eux ont paru L’Esprit du 11 Janvier - une enquête mythologique de Lehman et Gess; un reportage sur les policiers de la brigade criminelle par Titwane et Raynal Pellicer et publié dans La Revue Dessinée ; et, surtout, La Légèreté de Catherine Meurisse, second témoignage graphique, après celui de Luz, d’une dessinatrice de Charlie Hebdo.

"La bande dessinée est comme une éponge"

A ce corpus s’ajoutent plusieurs albums comme Revoir Paris: La Nuit des Constellations de Schuiten et Peeters ou Fin de la Parenthèse de Joann Sfar. Des titres où plane l’ombre des attentats du 7-Janvier et du 13-Novembre, bien qu’ils ne soient jamais mentionnés. François Schuiten, venu fin octobre à Paris pour présenter l’exposition Machines à dessiner au musée des Arts et Métiers, s’en est expliqué auprès de BFMTV.com: "Il y avait cette dimension dans le scénario dès le départ, mais elle a pris une réalité due aux attentats et à l’appartement de Benoît [Peeters, son scénariste] qui a explosé. Ces deux événements se sont croisés. Pour moi, la bande dessinée est comme une éponge. Elle reçoit tout ce que l’on est, tout ce que l’on vit."

Un extrait de Revoir Paris T2
Un extrait de Revoir Paris T2 © © Schuiten et Peeters / Casterman

Catherine Meurisse, qui a travaillé pendant dix ans à Charlie Hebdo et est arrivée en retard le 7 janvier, estime elle aussi que son trait "ne peut pas mentir" et qu’il est un précieux témoignage sur son retour à la vie. Après La Légèreté, elle a sorti début octobre un ouvrage jumeau: Scènes de la vie hormonale, un recueil de strips publiés dans Charlie Hebdo.

Elle avait accepté, il y a quelques semaines, de commenter pour BFMTV.com cette série qui lui a permis de retrouver, jour après jour, strip après strip, le dessin: "Après l’attentat, l’orientation des strips a changé de façon un peu subtile. La politique m’a paru soudain dérisoire, voire obscène. Je ne voulais plus m’y intéresser. J’ai l’impression que l’attentat nous a tous mis à nu. Les sujets que j’ai traités dans Scènes de la vie hormonale après janvier 2015 se sont resserrés sur le désir, la libido, le corps. Qu’est-ce que le désir après un acte de violence aussi puissant?" Elle ajoute: "Comme La Légèreté, Scènes de la vie hormonale est un carnet de bord de l’après 7-Janvier. Ce sont vraiment deux livres qui sont sortis du chaos. Les livres que je ferai après en seront moins empreints."

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- © © Catherine Meurisse / Dargaud

Retrouver la vie par la BD

Produire sans cesse pour retrouver la vie est aussi le credo de Joann Sfar. "On est dans un pays angoissant mais qui donne envie de raconter" estimait-il sur Europe 1 le 17 avril dernier. Il raconte dans sa dernière BD, Fin de la parenthèse, sorti chez Rue de Sèvres début octobre, l’histoire d’un artiste, Seaberstein, qui s’enferme dans un hôtel particulier avec quatre femmes pour les peindre. Après plusieurs carnets intimes, Sfar met en scène un repli sur soi symbolique, comme une manière de clore un cycle ouvert par Si Dieu existe en 2015.

Au fil du récit, le lecteur comprend que des événements graves et d'une rare violence se déroulent hors champ. Il en prendra connaissance indirectement, au détour d’une conversation entre Farida Khelfa, l'ambassadrice de la maison de haute-couture Schiaparelli, et une mannequin: "Et puis ils ont tiré alors je ne les ai plus regardés et j’ai été sauvée par le corps d’un gros lard qui s’est écroulé sur moi. Je suis restée planquée une heure avec devant mes yeux la tête explosée de maman et l’écran de mon portable…"

Depuis Fin de la parenthèse, Sfar a pris du recul. Il a quitté le monde réel pour celui de l'imaginaire. En apparence seulement. Outre un nouvel album de Petit Vampire, il planche actuellement sur un septième tome du Chat du Rabbin. Un livre qu'il présentait en août 2015 au Figaro comme "très polémique" et très influencé par les événements du 7 janvier: "Il faut du temps pour digérer des événements", confessait-il alors.

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- © © Joann Sfar / Rue de Sèvres
Jérôme Lachasse