Comic Con Paris 2018: Batman, Superman et Daredevil décryptés par Frank Miller
Invité d’honneur du Comic Con Paris, Frank Miller est l’un des dessinateurs et scénaristes les plus importants des trente dernières années. Avec ses représentations sombres et torturées de Batman et Daredevil, il a notamment contribué à révolutionner l’image des héros en collants américains.
Créateur également de Sin City, il a sorti cette année Xerxès, suite de 300, sa BD sur la bataille des Thermopyles devenu un blockbuster au cinéma. Influencé par le 7e Art, celui-ci lui a souvent rendu la pareille en le copiant allègrement. De retour derrière sa table à dessin après plusieurs années d’absence, il a écrit une suite à son mythique Dark Knight Returns, paru en 2015, et Superman Year One, récit des premiers pas de l’homme d’acier prévu pour novembre.
A l’occasion de sa venue à Paris, où il doit faire une annonce avec Andy Kubert, il évoque cette actualité chargée et commente quelques célèbres planches de Batman et Daredevil.
La première rencontre avec Batman
"Ma première rencontre avec Batman remonte à l’enfance. J’étais un tout jeune garçon. J’étais un fan de Superman à l’origine. Je l’ai découvert dans les vieux dessins animés, puis j’ai lu les bandes dessinées. Quand j’avais cinq ans, ou peut-être sept, j’ai lu un album qui réunissait de vieux strips de Batman. Je regardais cette vieille histoire dessinée par Jerry Robinson dans les années 1940 et j’ai aussitôt adoré le style du dessin, à tel point c'était effrayant. L’histoire parlait d’un homme qui allait être exécuté et demandait de l’aide à Batman. Je ne pouvais pas m’en passer. Je suis tombé amoureux du personnage et je n’ai cessé de m’y intéresser depuis. Ce que j’aime dans Batman, c’est qu’il s’est construit lui-même. Il n’est pas né en sachant voler. C’est comme si tout le monde pouvait devenir Batman en travaillant assez."
Une page célèbre réutilisée au cinéma dans Batman V Superman
"J’avais l’idée que Bruce Wayne ne cessait de revivre avec beaucoup de détails, seconde par seconde, cette scène [où ses parents sont assassinés, NDLR]. J’ai donc divisé la planche en plusieurs petites cases pour donner l’impression que ce moment ne le quitte jamais et occupe sans cesse son esprit. Quand j’ai commencé à travailler sur Batman, j’appréciais beaucoup ce qui avait été fait avant et je m’en suis inspiré pour mes propres histoires. Après ma contribution, tous ceux qui m’ont suivi ont utilisé ce que j’ai fait. C’est ainsi que ça fonctionne lorsque l’on travaille sur ces vieux personnages. Des personnages aussi bons que Batman ou Superman peuvent sans cesse être réutilisés, parce que l’idée de départ est bonne."
Daredevil
"Sur cette page, j’expérimentais la technique du 'split panel' qui permet de diviser une image en plusieurs cases pour que le lecteur s’y attarde plus longtemps. Cette technique a été utilisée d’une manière très efficace par Jim Steranko [dessinateur notamment de Sgt. Fury, NDLR], qui a réalisé une histoire d’horreur rien qu’avec cette technique. Il l’a souvent utilisée de manière inventive. Je trouvais son travail formidable et je voulais m’amuser avec cette technique. C’est une histoire où on ignore si Daredevil va se suicider ou tuer quelqu’un. Même lui l’ignore. Je me suis occupé des crayonnages de cette page. J’ai travaillé avec un dessinateur, Terry Austin, qui s’est occupé de l’encrage. Il a un style très détaillé. Klaus Janson, avec qui je travaillais habituellement, avait un style plus proche du mien, c’était plus fluide. Au fil des années, mon style a évolué vers l’abstraction et l’émotion."
Daredevil Renaissance
"Daredevil est un des personnages les plus démunis en terme de pouvoirs. La seule chose qui le distingue des autres est sa cécité. Mon idée, dans cette histoire, était que le héros ne soit pas vêtu de son costume et qu’il soit passif, apeuré. Soit deux choses auxquelles on ne s’attend pas chez un super-héros. Généralement, ils passent leur temps à survoler les villes. David Mazzucchelli, le dessinateur, a porté très loin cette idée. C’est un des dessinateurs les plus extraordinaires que j’ai rencontrés. Dans Born Again, et encore plus dans Batman Year One, il a réussi à rendre ces histoires très réalistes, à créer une vraie connexion entre le lecteur et les personnages. Dans cette page, Matt Murdock est recroquevillé sur lui-même, comme un bébé. David a reproduit plusieurs fois cette image dans le livre pour illustrer la dépression nerveuse que traverse Matt, ainsi que sa folie, car il a tout perdu. L’idée était de le dépouiller, de l’humilier, de l’écraser complètement, pour qu’il puisse se reconstruire, revenir et devenir un personnage puissant et pur."
Xerxès, la suite de 300
"Sur cette page, j’ai fait ce que l’on ne doit pas faire: on ne doit jamais casser une page en deux parties. C’est très déstabilisant pour les yeux. C’est ce que je voulais faire: je voulais vous déstabiliser, parce qu’un homme est en train de se faire couper en deux comme dans un cartoon. Cette page introduit Aeskylos. Il est connu pour ses tragédies, mais il était aussi un guerrier. Peu de gens le savent. Tout le monde était un guerrier à cette époque-là."
Le retour de Superman