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Culture

Clash avec les Inrocks: Philippe Geluck se dit victime d'une "fatwa"

Le dessinateur belge Philippe Geluck lors de la marche en faveur de la liberté d'expression, à Paris.

Le dessinateur belge Philippe Geluck lors de la marche en faveur de la liberté d'expression, à Paris. - Emmanuel Dunand - AFP

Visé par une chronique sur le site des Inrocks pour avoir qualifié la une de Charlie Hebdo de "dangereuse", le dessinateur belge a fait part de son incompréhension au Figaro jeudi. Retour sur ce vif échange.

Le dessinateur belge Geluck se retrouve au coeur d'une polémique symptomatique de la division autour de la liberté d'expression, et de ses éventuelles limites. Tout a démarré lorsqu'il a donné une interview à Europe 1, une semaine après la tuerie au coeur de la rédaction de Charlie Hebdo. Alors qu'un nouveau numéro venait de sortir, avec une caricature de Luz à la une montrant le prophète Mahomet, larme à l'oeil, Geluck avait émis quelques réserves.

Les musulmans "blessés", pour Geluck

"Je la trouve dangereuse, mais je la comprends", avait estimé le dessinateur. "La liberté d'expression, qui est totale chez nous, ne doit pas pour autant nier une certaine responsabilité". Geluck expliquait avoir "parlé avec de nombreux musulmans", "des gens très ouverts, magnifiques, qui me présentaient des condoléances pour mes amis et mes collègues assassinés." Mais, "ils me disaient tous: 'Pourquoi le prophète? Nous nous sentons blessés."

Et si Geluck se disait "certain (...) que tous les dessinateurs, survivants et disparus, n'ont aucune intention de blesser les musulmans sincères et démocratiques", "ils le font et je pense qu'il y a une vraie réflexion à faire".

"Billet -très- dur" sur les Inrocks

Deux semaines plus tard, soit lundi dernier, le chroniqueur Christophe Conte, connu pour étriller en chaque début de semaine une personnalité dans son "Billet dur" pour Les Inrocks, a choisi pour cible le dessinateur, se disant "étonné, puis agacé, puis révolté, puis attristé" par ses propos tenus sur les ondes de la radio. En illustration de sa chronique, un dessin de Coco, caricaturiste de Charlie Hebdo, où on voit le célèbre "Chat" de Geluck affublé de trois qualificatifs: "Un gros pif", "Une gueule de con", "Pas de couilles".

Avec un ton acide qui est le sien, le journaliste a vilipendé Geluck -et Plantu au passage-, les qualifiant de "VRP du crayon", de "Pipo et Bimbo de la fausse insolence pour profs de collège en retraite". "Armés du désir bien tiède de ne pas "choquer les consciences" ou "jeter de l’huile sur le feu", vous n’avez que trop ânonné ce catéchisme convenu qui équivaut à plier aux injonctions irrationnelles et meurtrières de quelques fous." "En bref, appelons un chat un chat, ton verdict final sur Europe 1, ça sentait un peu le déballonnage, (...), le courage des uns n’ayant pas obligatoirement à stimuler la témérité des autres, et les affaires et commandes devant reprendre".

"Obligés de trouver cette une fabuleuse?"

Sur Twitter, deux camps se sont formés: les pro-Geluck et les pro-Conte.

Le principal intéressé, d'abord réticent à renvoyer la balle, a fini par réagir jeudi dans les colonnes du Figaro, "Je suis victime d'une fatwa", a estimé le dessinateur, disant regretter la réaction de Christophe Conte. "Etions-nous dans l'obligation de trouver la une du Charlie des survivants fabuleuse? Où est la confrontation des idées?".

Le dessinateur belge continue cependant d'assumer ses propos. "Je pense qu'il faut, pour le moment, arrêter avec les caricatures de Mahomet. Ça fait un moment que je pense qu'il n'est pas vraiment utile de taper sur ce clou-là. En revanche, il faut continuer à taper sur l'intégrisme, sur le fascisme religieux ou encore sur les aspects intolérables des dérives de cette religion visiblement mal interprétée par des malades mentaux. En visant ces gens-là, ce n'est pas la peine de blesser la communauté musulmane pacifique et démocrate."