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Culture

Cannes: "Chongqing Blues", triste enquête sur la mort d'un fils

Le cinéaste chinois Wang Xiaoshuai (au centre) entouré de Qing Hao, Fan Bingbing, Li Feier et Zi Yi (de gauche à droite) pour la présentation à Cannes du film "Rizhao Chongqing" (Chongqing Blues). Projeté jeudi, ce film est la première entrée asiatique da

Le cinéaste chinois Wang Xiaoshuai (au centre) entouré de Qing Hao, Fan Bingbing, Li Feier et Zi Yi (de gauche à droite) pour la présentation à Cannes du film "Rizhao Chongqing" (Chongqing Blues). Projeté jeudi, ce film est la première entrée asiatique da - -

CANNES - Un père, longtemps absent, enquête sur la mort de son fils dans une ville chinoise à l'atmosphère mélancolique, celle de "Chongqing...

CANNES (Reuters) - Un père, longtemps absent, enquête sur la mort de son fils dans une ville chinoise à l'atmosphère mélancolique, celle de "Chongqing Blues", long métrage du cinéaste chinois Wang Xiaoshuai.

Projeté jeudi au Festival de Cannes, ce film est la première entrée asiatique dans la compétition.

Au confluent du documentaire et de la fiction, "Chongqing Blues" met en scène un marin au long court interprété par Wang Xueqi, qui a notamment tourné avec Chen Kaige ou Zhang Yimou.

Le personnage revient à Chongqing, une ville de la province du Sichuan, pour connaître les circonstances de la mort de son fils lors d'une prise d'otage dont il était l'auteur.

Il mène l'enquête comme le ferait un policier, interrogeant son ex-épouse, les amis du défunt, sa petite amie et les témoins de ses derniers instants: le policier qui l'a abattu, le docteur qui était son otage, une jeune fille blessée.

C'est sa ténacité calme et désespérée, plus que son pouvoir de persuasion, qui permet peu à peu à cet homme de dénouer l'écheveau de ce drame de l'amour absent.

Le père ne sait plus à quoi ressemble ce fils qu'il n'a pas vu depuis 15 ans, dont il n'a même pas de photo. Il demande au meilleur ami du défunt de lui faire un agrandissement de son visage à partir de l'enregistrement de la prise d'otage par une caméra de vidéosurveillance.

"Ce garçon n'aimait pas être pris en photo; il rejette le monde parce que son père l'avait rejeté lui", a expliqué Wang Xiaoshuai en conférence de presse. "Je voulais ainsi faire réfléchir (le public) sur la société actuelle".

"SENTIMENT DE VALEUR"

L'oeuvre est émouvante, par moments poignante, retenue, sans esbroufe, servie par une réalisation au rythme dilaté.

"J'ai évité de recourir au procédé du suspense parce que cela met le public en état d'attente, de recherche de la vérité", a expliqué le réalisateur. "Je voulais éviter cela pour montrer les sentiments réels, naturels".

Wang Xiaoshuai est un cinéaste très apprécié des festivals occidentaux, beaucoup moins de la censure chinoise.

Son premier long métrage, "The Days" (1993), en a fait les frais, tout comme "So Close to Paradise", montré en 1998 à Cannes dans la section Un Certain Regard.

"Beijing Bicycle" a remporté l'Ours d'argent à Berlin en 2001, tandis que "Shanghai Dreams", sélectionné à Cannes en compétition en 2005, a reçu le Prix du Jury.

Dans "Chongqing Blues", la ville elle-même est un personnage happé par le démon de la croissance, où les tours dévorent peu à peu les maisons au ras du sol des quartiers anciens.

L'atmosphère générale, souvent nocturne, baigne le film d'une mélancolie diffuse, comme le brouillard bleuté du fleuve qui traverse la cité, dernière source de repos du fils défunt.

"Cette ville s'est développée à pas de géant mais sous les gratte-ciel il existe encore une couche de vie très populaire", observe le cinéaste. "Le développement de la population n'a pas suivi le même rythme que celui du développement immobilier de la ville".

"Chongqing Blues" est enfin un film sur la recherche d'un certain "sentiment de valeur", souligne Wang Xiaoshuai.

"Durant le développement économique très rapide de notre société, nous avons perdu des valeurs, des valeurs familiales notamment", dit-il. Le père, par sa quête du fils disparu, "veut retrouver des sentiments et des valeurs qu'il avait perdus".

(Wilfrid Exbrayat, édité par Elizabeth Pineau)