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Culture

Cannes: "Another Year", le drame de la vie en quatre saisons

Quatorze ans après sa Palme d'or attribuée pour "Secrets et mensonges", le cinéaste britannique Mike Leigh revient à Cannes avec une nouvelle "petite histoire" intimiste de la vie de tous les jours de gens ordinaires. /Photo prise le 15 mai 2010/REUTERS/C

Quatorze ans après sa Palme d'or attribuée pour "Secrets et mensonges", le cinéaste britannique Mike Leigh revient à Cannes avec une nouvelle "petite histoire" intimiste de la vie de tous les jours de gens ordinaires. /Photo prise le 15 mai 2010/REUTERS/C - -

CANNES - Quatorze ans après sa Palme d'or attribuée pour "Secrets et mensonges", le cinéaste britannique Mike Leigh revient à Cannes avec une...

CANNES (Reuters) - Quatorze ans après sa Palme d'or attribuée pour "Secrets et mensonges", le cinéaste britannique Mike Leigh revient à Cannes avec une nouvelle "petite histoire" intimiste de la vie de tous les jours de gens ordinaires.

A l'instar de "You Will Meet a Tall Dark Stranger", le film de Woody Allen montré ce même samedi au Palais des Festivals, "Another Year", qui lui brigue la Palme d'or, est aussi une réflexion sur le temps qui passe et son corollaire irrémédiable: la vieillesse.

L'histoire est découpée en quatre chapitres, identifiés aux saisons, du printemps à l'hiver.

Son épicentre est un petit pavillon de la banlieue londonienne où Tom (Jim Broadbent) et Gerri (Ruth Sheen) forment un couple qui coule des jours heureux et dont l'amour aborde doucement l'automne et l'hiver de leur vie.

Lui est géologue, elle psychologue. Lui étudie les profondeurs de la terre, elle celle de l'âme.

Leur foyer devient le réceptacle de toutes les misères du monde lorsqu'il accueille Mary (Lesley Manville), une collègue de travail de Gerri qui fait semblant de tenir le coup alors qu'elle crève de solitude.

Il en va de même pour Ken (Peter Wight), un ami de la famille, qui souffre du même mal que Mary, tous deux voyant arriver la vieillesse à grands pas, avec pour seule perspective de devoir l'affronter en solo et bien imbibés.

Mary est à ce point en manque de tout qu'elle se berce de l'illusion de séduire Joe (Oliver Maltman), le fils trentenaire de la famille qui, malheureusement pour elle, parvient enfin à rencontrer celle qui sera peut-être l'amour de sa vie.

La mort enfin fait son entrée dans la quatrième et dernière partie du long métrage, l'hiver, avec le décès de l'épouse de Ronnie (David Bradley), le frère de Tom.

Mike Leigh, cinéaste qui peut être facilement bougon, voire cassant, ne cesse, film après film, d'explorer un univers du quotidien pour en extraire les forces vives, mais pas forcément propitiatoires, de l'existence.

Une profession de foi qui le tient éloigné des grands studios mais qu'il a renouvelée samedi, en conférence de presse. "Mon seul souci, depuis que je tourne ou que je mets en scène, a été de célébrer la vie des gens ordinaires; voilà tout", a-t-il déclaré.

LUMIÈRE MONOCHROME

La méthode de travail du réalisateur de "Naked" et de "Vera Drake", qui remporta le Lion d'or à Venise en 2004, est payante. Venu de la scène, Mike Leigh procède à un intense travail de préparation avec ses acteurs - souvent des habitués de ses films - avant même de donner le premier tour de manivelle.

Et cela se voit à l'écran. Pas un seul des comédiens n'est en retrait ou en deçà des autres. Tous ont le mot juste, l'inflexion appropriée, le jeu facial et corporel pertinent pour restituer ces attitudes et ces mots de tous les jours.

Mais si "Another Year" n'était que cela, ce serait du théâtre filmé. Mike Leigh, 67 ans, fait également oeuvre de cinéaste et ses plans larges du jardinet où oeuvre le couple Tom et Gerri, autre point névralgique de l'histoire, scandent admirablement le rythme des saisons.

Cependant que les plans rapprochés des visages de ses comédiens laissent apparaître puis projettent toute la détresse, le fatalisme ou la compassion dont les personnages qu'ils interprètent son capables.

La lumière du chef opérateur de Mike Leigh, enfin, évolue elle aussi au rythme des saisons. La lumière hivernale devient ainsi presque monochrome.

"Nous avons là tenté de créer un monde où l'on ressente vraiment les saisons, l'air qu'ils (les personnages) respirent. On sent le lien qui se fait avec la terre, on le voit, et cela doit s'imbriquer avec l'essence-même de la vie des gens ordinaires", a expliqué Mike Leigh.

Wilfrid Exbrayat, édité par Gérard Bon