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Boulet présente Octopus, sa nouvelle collection savante: "L'émerveillement est au cœur du projet"

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- - Delcourt 2017

ENTRETIEN - Le dessinateur dirige aux éditions Delcourt une nouvelle collection de BD scientifiques. Il explique à BFMTV.com les origines de ses livres, qui évoquent des sujets aussi divers que l’exploration martienne ou la philosophie.

Dessinateur, scénariste, blogueur, Boulet est désormais éditeur chez Delcourt d’une nouvelle collection savante, Octopus. Au programme, quatre à cinq livres par an évoquant des sujets aussi variés que la médecine, l’exploration martienne, la philosophie, la sociologie ou l’histoire... Un volume est disponible pour l’instant: Mars Horizon de Florence Porcel et Erwann Surcouf, un docu-fiction imaginant la première mission habitée martienne. Dans les prochains mois sortiront trois autres tomes: La Fabrique des corps, des premières prothèses à l’humain augmenté de Héloïse Chochois (juin) ; Hors sujet de Janine (septembre) et Dirtybiology, la grande aventure du sexe de Léo et Colas Grasset (novembre). En attendant, Boulet raconte à BFMTV.com les dessous de cette nouvelle aventure.

Comment est née Octopus, la collection savante des éditions Delcourt?

Guy Delcourt est à l’origine de cette collection. Il s’est rendu compte que de plus en plus de gens chez Delcourt aspiraient à réaliser des ouvrages de vulgarisation ou qui abordaient des thèmes scientifiques: Marion Montaigne avec Tu mourras moins bête, Patrick Baud avec Axolot... Ces sujets avaient aussi le vent en poupe chez d’autres éditeurs. Il m’a demandé de m’en occuper. Comme c’était un gros boulot, j’ai accepté à condition que je ne sois pas tout seul. Je me suis associé à une éditrice de Delcourt, Marion Amirganian. Elle s’occupe du côté rédactionnel, moi de la direction artistique. Je rencontre les auteurs, je fais des retours sur leurs pages. J’ai un rôle d’éditeur, et non d’auteur sur ces livres.

Les livres Octopus ne sont pas uniquement de la vulgarisation, ce sont aussi des BD.

Quand la collection est née, j’ai dit à Guy Delcourt que je souhaitais qu’elle soit moins didactique que ce qui se fait en BD de vulgarisation et qu’elle se tourne vers la narration, l’histoire. On voulait que les albums se lisent comme un album de BD et que les sujets soient les plus larges possibles: les sciences physiques (astronomie, chimie, mathématiques) comme les sciences sociales, la médecine ou la philosophie. On ne s’interdit aucun sujet, à condition que l’on soit dans le domaine de la transmission du savoir. Je ne voulais pas que la collection ait un label science, mais un label savoir.

D’où vient ce nom, Octopus?

On cherchait un animal emblématique. On a hésité entre beaucoup d’animaux, dont la chouette, parce que c’est le symbole d’Athéna, la déesse de la connaissance et des sciences. Le mot "Octopus" nous faisait penser au Capitaine Nemo, à Vingt mille lieues sous les mers. "Octopus" signifie "pieuvre", soit un céphalopode, un animal qui marche sur la tête, avec des tentacules qui partent dans toutes les directions. La symbolique était assez jolie. C’est un animal qui représente assez bien l’esprit de la collection. Et c’est très malin une pieuvre.

Comment les auteurs et les sujets ont-ils été choisis?

On avait une idée des personnes avec qui on souhaitait travailler. J’avais très envie de bosser avec Florence Porcel et Erwann Surcouf et j’avais rencontré Janine par le biais de son blog BD. Marion avait découvert Héloïse Chochois dans une expo et voulait travailler avec Léo & Colas Grasset. Ils ont tous les quatre des idées très différentes les uns des autres. Florence Porcel est une passionnée de Mars - j’espérais qu’elle fasse une BD là-dessus. Héloïse nous a apporté une pile de sujets. On lui a demandé l’idée qu’elle préférait, elle nous a alors parlé de la fabrique des corps (prothèses, humain augmenté). Janine voulait parler de la philo au quotidien: comment les idées des philosophes de l’Antiquité à maintenant s’appliquaient encore dans la vie de tous les jours, que les idées d’un philosophe de 2000 ans pouvaient toujours être valables maintenant.
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- © Delcourt 2017

Le thème du quotidien occupe-t-il une place importante dans la collection, comme dans Mars Horizon de Florence Porcel et Erwann Surcouf?

Il n’a pas été au cœur de nos débats, en revanche ce qui nous a beaucoup intéressés dans le livre de Florence et Erwann est l’aspect humain. Il existe beaucoup d’ouvrages technologiques sur l’espace expliquant le fonctionnement des panneaux solaires ou montrant des plans de fusée. Puisque le livre raconte une mission habitée sur Mars, on ne peut pas parler uniquement des contraintes technologiques. On doit parler des contraintes humaines. Elles sont au moins aussi importantes. C’est pour cette raison que de nombreux scientifiques sont fermement opposés aux vols habités et préféreraient une exploration robotique du système solaire et que l’on envoie des sondes. Cela coûte beaucoup moins cher, c’est beaucoup moins risqué et c’est beaucoup plus simple à mettre en place parce que, lorsqu'il y a des humains dans l'espace, il faut les faire survivre. Et, déjà, rien que cela, c’est un cauchemar.

Les albums d’Octopus sont-ils tous des docufictions?

Pas tous. Celui d’Erwann et de Florence, oui. Le but n’est pas de raconter une histoire de science-fiction, mais de faire un documentaire où on va imaginer ce que serait une mission habitée sur Mars. C’est pour cette raison que l’on a fait appel à Erwann Surcouf, dont le dessin n’est pas dans l’ultra-précision. Ce qui m’a beaucoup touché dans Mars Horizon est l’émerveillement. Florence et Erwann réalisent une BD sur Mars, mais pas pour en parler en terme de progrès, de profits ou de connaissances: simplement pour dessiner un horizon martien et dessiner des personnages émus aux larmes. C’est cet émerveillement, cette curiosité, qui nous pousse à l’exploration. Je pense que c’est cela qui est au cœur du projet.

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- © Delcourt 2017

Donnez-vous des indications graphiques?

Les auteurs sont plus ou moins expérimentés dans la BD. Erwann est un vieux routard, il a réalisé quelques albums et des dizaines de couvertures et d’illustrations. Il n’a pas vraiment besoin de mes conseils en terme de graphisme. Héloïse est plus jeune, c’était son premier album complet. Elle est déjà d’une virtuosité impressionnante. Janine n’a jamais travaillé sur le format album. On a fait beaucoup d’allers et retours sur le découpage, la narration. Avec Leo et Colas, on est au début du projet. Je leur ai demandé de ne pas être sage dans leurs traits, de travailler le langage de la bande dessinée. Le bouquin d’Héloïse qui sort en juin sera très étonnant pour cette raison.

Allez-vous dessiner un album pour la collection?

Ce n’est pas prévu pour le moment. Et je n’ai pas le temps. Je veux un rôle discret dans cette collection, aller chercher d’autres auteurs. Je ne sais pas si je pourrais être objectif en étant mon propre éditeur.

Quels sont vos autres projets?

Je travaille sur deux gros bouquins de science-fiction. Je suis scénariste sur une nouvelle série de science-fiction, Bolchoï-Arena, dont le premier tome sort chez Delcourt en septembre. Il y aura deux autres tomes par la suite. C’est dessiné par un jeune dessinateur qui s’appelle Aseyn. Je travaille également chez Rue de Sèvres sur Infinity 8 avec Lewis Trondheim et Olivier Vatine. Je dois faire le tome 7, qui sortira en début d’année 2018.

Florence Porcel et Erwann Surcouf, Mars Horizon, Delcourt, collection Octopus, 120 pages, 16,50 euros.

Jérôme Lachasse