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Astérix et ces séries BD qui ont continué sans leur créateur

Albert Uderzo avec son "fils de papier" Astérix, le 10 octobre dernier à Neuilly-sur-Seine.

Albert Uderzo avec son "fils de papier" Astérix, le 10 octobre dernier à Neuilly-sur-Seine. - -

Avec "Astérix chez les Pictes", le petit Gaulois a passé l'ère Uderzo. L'occasion de revenir sur le destin de ces héros de papier qui ont "survécu" à leur auteur.

Difficile d'abandonner son enfant de papier aux mains d'un autre. Albert Uderzo, le papa d'Astérix, a laissé filer jeudi le destin du sien: "Astérix chez les Pictes" est le premier album de la série à ne pas être signé de sa main... désormais trop fatiguée pour dessiner, confiait en janvier au Monde l'artiste de 86 ans. Avant lui, d'autres "monstres sacrés" ont vu leur oeuvre survivre à leur travail. En voici quelques exemples.

> Tintin, résurrection en 2052

Le destin de Tintin en bande dessinée n'était pas censé survivre à son créateur. Hergé avait été catégorique: "Tintin c'est moi, exactement comme Flaubert disait 'Madame Bovary, c'est moi'!" Mort en 1983, le Belge a laissé un album inachevé, Tintin et l'Alph-Art, dont seuls les croquis ont été publiés.

Depuis, la parole du maître a été respectée. De manière assez facile, puisque les droits de l'oeuvre sont tombés aux mains de Nick Rodwell, le second mari de sa veuve, qui les a verrouillés.

Surprise donc lundi, quand le quotidien belge La Libre Belgique a titré qu'une "nouvelle aventure était sur les rails". Dans ses colonnes, Nick Rodwell annonce avoir donné son feu vert pour une vingt-cinquième aventure inédite.

Pas de quoi s'enflammer néanmoins. Cette aventure-là ne servira qu'à "protéger les droits" de l'oeuvre d'Hergé. Elle sera publiée un an avant que celle-ci ne tombe dans le domaine public, c'est-à-dire en... 2052, afin de "prolonger les droits d'auteurs autour de l'oeuvre, et d'éviter qu'une fois Tintin tombé dans le domaine public, il ne soit utilisé 'n'importe comment'", a précisé l'Anglais.

> Astérix, une nouvelle dose de potion magique

Albert Uderzo n'a pas toujours voulu céder Astérix. Comme Hergé, le père de Tintin, il souhaitait à l'origine que la série s'éteigne avec lui. Il est finalement l'un des rares à avoir cédé son oeuvre de son vivant. Ou plutôt à la "confier", préfère-t-il dire, au scénariste Jean-Yves Ferri (connu pour ses séries "rurales" Aimé Lacapelle et Le Retour à la terre) et au dessinateur Didier Conrad (habitué des "reprises" puisqu'il a signé les deux albums de Kid Lucky, la version miniature de Lucky Luke).

Pour Uderzo, c'est d'abord la sauvegarde de l'esprit de l'oeuvre qui importe. Le dessinateur a été séduit par le scénario de Ferri, "dont Goscinny n'aurait pas à rougir", confiait-il en janvier au Monde, dans une allusion au scénariste créateur de la série, René Goscinny. Pari relevé, puisque les critiques classent cet Astérix dans la lignée du duo créateur de la série: "Sans surprise ni ratage", écrit Libération.

Un passage de flambeau qui aurait même donné à Astérix une nouvelle rasade de potion magique. Après la mort de Goscinny, le scénariste aux truculents jeux de mots, les fans de la première heure peinaient à se reconnaître dans les albums signés du seul Uderzo.

> Lucky Luke, longue vie au lonesome cow-boy

Comme celui du petit Gaulois, le destin du cow-boy solitaire Lucky Luke a également pâti de la mort de René Goscinny. Si la série est née sans lui, du seul trait du dessinateur Morris, c'est Goscinny qui a donné du relief aux scénarios - il introduit notamment les quatre frères Dalton, le chien Rantanplan et la chanson de fin au crépuscule. L'ère post-Goscinny (mort en 1977) a vu se succéder plusieurs scénaristes, avec plus ou moins de réussite. Il a fallu attendre la mort de Morris, en 2001, pour qu'un nouveau tandem donne un second souffle à la série.

A l'inverse d'Hergé, Morris souhaitait expressément que sa série lui survive. En 2002, les éditions Dargaud, qui avaient déjà fait revivre Blake et Mortimer, se sont penchées sur la succession du Belge. Là encore, l'important était de retrouver un esprit "Morris et Goscinny". Les héritiers ont été triés sur le volet, comme le souligne un article de L'Express de l'époque. Ce sera le dessinateur Achdé, félicité avant sa mort par Morris pour son travail sur un album-hommage, et l'humoriste Laurent Gerra, remplacé depuis par les écrivains Daniel Pennac et Tonino Benacquista. Longue vie au lonesome cow-boy.

> Blake et Mortimer, la succession en douceur

Autres héros de papier brillamment ressuscités, le duo so british Blake et Mortimer, né au sortir de la guerre du crayon d'un autre Belge, Edgar P. Jacobs. Il faut dire que Jacobs avait lui-même préparé sa succession.

Décédé au beau milieu d'une aventure en deux tomes, Les Trois formules du professeur Sato, en 1983, il avait laissé un scénario complet, un découpage précis et des crayonnés de la suite. C'est donc tout naturellement que le dessinateur Bob de Moor s'est attelé à achever l'histoire.

Ce nouveau coup de crayon ouvrait en douceur la succession du créateur. D'autant qu'Edgar Jacobs avait également laissé des indications sur la vie de ses héros. Des éditions dédiées et homonymes, issues du groupe Dargaud, ont été créées à l'occasion. Pour ce faire, deux équipes d'auteurs ont travaillé en alternance: Jean Van Hamme, le scénariste de Largo Winch, Thorgal et XIII, associé au dessinateur Ted Benoît, et Yves Sente (qui a depuis repris les scénarios de... Thorgal et de XIII) avec André Juillard, connu pour la série historique Les Sept vies de l'épervier. Leur seul credo: respecter à la fois le trait, la forme et l'esprit. Comme si le maître lui-même ne s'était jamais effacé.

Mathilde Tournier