BFMTV
Culture

Asadora!: ce qu'il faut savoir sur la nouvelle série de Naoki Urasawa, le créateur de 20th Century Boys

BFMTV
L’auteur de Monster, Pluto et 20th Century Boys revient ce 31 janvier avec une nouvelle série optimiste, conçue après le traumatisme du tsunami de 2011.

Auteur de mangas cultes écoulés à plus de 127 millions d’albums dans le monde, Naoki Urasawa est de retour avec le très attendu Asadora!, en librairie le 31 janvier. Le mangaka a pris son temps pour peaufiner cette nouvelle série, qui suit le destin sur une cinquantaine d’années d’une femme nommée Asadora. "C’est un projet qui lui tient à cœur", raconte Yuki Takanami, éditrice de la série chez Kana. "Ça fait sept ans qu’il veut raconter cette histoire. On sent qu’il y a un grand investissement émotionnel de sa part."

Il travaille seul, sans son co-scénariste attitré Takashi Nagasaki, avec qui il a imaginé la majorité de ses séries entre Master Keaton (1988-1994) et Billy Bat (2008-2016). Le premier tome d’Asadora!, qui s’ouvre sur la ville de Tokyo ravagée par les flammes en 2020, raconte l’enfance d’Asadora à Nagoya, en septembre 1959, alors que le typhon Véra s’apprête à détruire la ville. La fillette est alors enlevée par un vieil homme, avec qui elle finit par se lier d’amitié. Le lendemain matin, alors que la ville est ravagée, elle convainc une restauratrice de cuisiner des onigiris pour ensuite les offrir aux sinistrés. 

Transmettre l’histoire du Japon à la jeune génération

On est loin de Monster (1994-2001), sur un chirurgien qui cherche à tuer l'être maléfique qu’il a sauvé lorsqu'il était enfant, ou de 20th Century Boys (2000-2006), l'histoire d'un homme qui tente de sauver le monde d’une prophétie qu’il a imaginée enfant avec des amis d'école. Avec Asadora!, Naoki Urasawa a voulu aller à l’encontre de sa réputation d’auteur sombre et angoissant. Il a eu envie de revenir à un récit beaucoup plus joyeux dans la veine de Yawara! (1987-1993), un de ses premiers succès sur une lycéenne qui devient championne de judo. 

"Après la catastrophe de 2011, il a eu envie de revenir à une série avec un message positif", précise Timothée Guédon, également éditeur chez Kana. "Asadora! s’ouvre avec le typhon Véra qui a frappé le Japon [en septembre 1959] et a été la catastrophe naturelle la plus meurtrière après la seconde guerre mondiale. Ça laisse des traces dans la société. Urasawa est né en janvier 1960. Il est contemporain du typhon. Urasawa a toujours été marqué par les catastrophes naturelles. Tous ces éléments se sont sans doute rencontrés et ont donné naissance à cette envie de proposer cette nouvelle série. Le manga est un moyen de faire passer un message auprès du plus grand nombre, de redonner de l’énergie, de l’entrain aux lecteurs." 

Yuki Takanami complète: "Urasawa s’est rendu compte que l’histoire récente du Japon, de l’après-guerre à aujourd’hui, n’est pas tellement racontée par les Japonais. Il s’est rendu compte que les jeunes d’aujourd’hui ignorent ce qui s’est produit dans les années 1960 et 1970. Comme Urasawa a grandi à cette époque-là, il a eu envie de transmettre à cette génération cette partie de l’histoire japonaise qu’elle ne connaît pas bien. Il a eu envie de lui raconter à sa façon comment les gens vivaient à cette époque." 

Un maître du suspense

Le titre de la série, Asadora!, est une référence à un feuilleton diffusé au Japon depuis 1961. "La NHK [l'unique groupe audiovisuel public japonais, NDLR] produit chaque année un feuilleton fleuve qui est diffusé pendant toute l’année. Il passe tous les matins à huit heures. Il décrit la vie d’une personne, souvent une jeune fille, depuis son enfance jusqu’à l'âge adulte. Asadora! est une référence à ces feuilletons appelés également Asadora par les Japonais", détaille Yuki Takanami.

Si le récit est moins sombre que les précédentes productions d’Urasawa, on y retrouve son art du suspense. "Urasawa maîtrise la forme du feuilleton sur le bout des doigts. C’est une forme qu’il adore. Il en joue à merveille. Il maîtrise son découpage et sa narration. Ce qui fait que quand on commence ses récits, il arrive à nous happer. On n’a qu’une hâte: découvrir la suite de l’histoire", s’enthousiasme Timothée Guédon. "Ce qui nous a bluffé, c’est son sens de la narration qui est vraiment extraordinaire. Il a acquis tellement d’expériences au fil des années avec ses différentes séries qu’on sent une maîtrise dans sa narration. Et en même temps c’est une maîtrise qui ne se voit pas." 

Un succès dans les librairies

Comme dans la majorité des histoires d’Urasawa, les Jeux Olympiques occupent une place importante. Si l’édition 2020, organisée à Tokyo devrait être mentionnée par le maître, celle de 1964 a déjà été évoquée dans les premiers chapitres: "Il les a vécus", commente Timothée Guédon. "Les premiers JO de Tokyo de 64 sont un marqueur important pour les Japonais après la reconstruction et la fin de la guerre. C’est une manière de montrer au reste du monde que le Japon a réussi à surmonter cette épreuve, à se reconstruire. Ça fait partie de cette histoire qu’il veut transmettre aux nouvelles générations." 

Yuki Takanami et Timothée Guédon ont pu lire les prochains volumes. Ils promettent un récit dans la lignée de 20th Century Boys, mais en "plus linéaire." Au Japon, Urasawa a réussi son pari: le livre séduit un large public: "Quand le tome 2 est sorti au Japon, c’est rarissime, il a réussi à se placer dans le top 10 des meilleures ventes japonaises au milieu de shōnen, le genre majeur au Japon. Réussir à glisser un seinen, un titre plus adulte dans ce top, est quelque chose de phénoménal." En France, le premier tirage sera à la hauteur de l’événement, avec 50.000 exemplaires. Trois tomes sortiront cette année. Pour prolonger l’expérience, Kana publiera en juillet Yawara!, encore inédit en France. 

Isadora!, Naoki Urasawa, Kana, 202 pages, 7,95 euros.

Jérôme Lachasse