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Après un vote du Parlement, 15 œuvres spoliées par les nazis bientôt rendues à leurs propriétaires

C'est "la première fois depuis l'après-guerre que le gouvernement engage un texte permettant la restitution d'oeuvres des collections publiques" volées pendant la Seconde Guerre Mondiale a déclaré la ministre de la Culture.

Quinze oeuvres, dont des tableaux des peintres Gustav Klimt et Marc Chagall, vont pouvoir être restituées aux héritiers de familles juives spoliées par les nazis, après le vote du Parlement mardi soir, qui a autorisé ce retour via un projet de loi qui se veut "historique". Le vote a été suivi des applaudissements de ces héritiers ou de leurs représentants présents en tribune.

Des oeuvres d'art spoliées "toujours conservées dans des collections publiques"

"C'est une première étape" car "des oeuvres d'art et des livres spoliés sont toujours conservés dans des collections publiques. Des objets qui ne devraient pas, qui n'auraient jamais dû y être", a répété la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, cependant que les recherches sur la provenance des collections se sont accélérées.

Elle se félicite d'une loi "historique" par laquelle, pour la première fois depuis soixante-dix ans, "un gouvernement engage une démarche permettant la restitution d'oeuvres des collections publiques spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale ou acquises dans des conditions troubles pendant l'Occupation, en raison des persécutions antisémites".

Un projet de loi était nécessaire pour déroger au principe actuel d'inaliénabilité des collections publiques. Cela signifie que les oeuvres détenues par le gouvernement français ne peuvent être cédées ou vendues.

"Rosiers sous les arbres" de Gustav Klimt ou encore "Le père" de Chagall

Parmi les 15 oeuvres se trouve "Rosiers sous les arbres" de Gustav Klimt, conservé au musée d'Orsay, seule oeuvre du peintre autrichien appartenant aux collections nationales françaises. Il a été acquis en 1980 par l'État chez un marchand. Des recherches approfondies ont permis d'établir qu'il appartenait à l'Autrichienne Eléonore Stiasny qui l'a cédé lors d'une vente forcée à Vienne en 1938, lors de l'Anschluss, avant d'être déportée et assassinée.

Un tableau de Chagall, intitulé "Le Père", conservé au Centre Pompidou et entré dans les collections nationales en 1988, a été ajouté. Il a été reconnu propriété de David Cender, musicien et luthier polonais juif, immigré en France en 1958. L'oeuvre avait été rachetée post-guerre par Chagall lui-même, qui ignorait par quelles mains elle était passée.

Onze dessins et une cire conservés au Musée du Louvre, au Musée d'Orsay et au Musée du Château de Compiègne, ainsi qu'un tableau d'Utrillo conservé au Musée Utrillo-Valadon ("Carrefour à Sannois"), font également partie des restitutions prévues. Pour 13 des 15 oeuvres, les ayants-droit ont été identifiés par la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), créée en 1999.

La France a longtemps été accusée de retard par rapport à plusieurs voisins européens en matière de réparation. Une mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 a été créée au sein du ministère de la Culture il y a deux ans.

100.000 oeuvres d'art saisies en France pendant la Seconde Guerre Mondiale

100.000 oeuvres d'art auraient été saisies en France durant la guerre de 1939-1945, selon le ministère de la Culture. 60.000 biens ont été retrouvés en Allemagne à la Libération et renvoyés en France. Parmi eux, 45.000 ont été rapidement restitués à leurs propriétaires.

Environ 2200 ont été sélectionnés et confiés à la garde des musées nationaux (oeuvres "MNR" pouvant être restituées par simple décision administrative) et le reste (environ 13.000 objets) a été vendu par l'administration des Domaines au début des années 1950. De nombreuses oeuvres spoliées sont ainsi retournées sur le marché de l'art.

Une "loi cadre" pourrait faciliter les restitutions dans les années à venir. Selon Roselyne Bachelot, "nous y viendrons".

La sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste), "fille et petite-fille de déportés", a brandi dans l'hémicycle la "fiche de spoliation" remontant à 1942 de sa grande-tante qui tenait un magasin de chapeaux. Elle a appelé à "ne pas réduire la spoliation à ceux qui avaient des oeuvres d'art" et demandé une "reconnaissance".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon avec AFP Journaliste BFMTV