BFM Crypto
Régulation

Pourquoi l'AMF veut encourager les crypto-influenceurs "responsables"

L'AMF veut étendre le certificat de l'influenceur "responsable" au domaine de la finance et des cryptomonnaies au cours de l'année 2022.

Hasheur, TefeurS, Caroline Jurado... En l'espace de quelques années, la France a vu apparaître de plus en plus de crypto-influenceurs, parfois suivis par des centaines de milliers d'abonnés.

Certains font de la simple vulgarisation de l'écosystème des cryptomonnaies, d'autres proposent des conseils pour investir dans les cryptomonnaies. Or, de nombreux sujets se posent lorsqu'un influenceur poste un message sur les réseaux sociaux: est-il transparent sur son identité? Existe-t-il un éventuel conflit d'intérêt? Connaît-il vraiment l'écosystème de la finance ou des cryptomonnaies? Son propos est-il sincère ou vise-t-il à arnaquer sa cible? En effet, alors que l'écosystème des cryptomonnaies monte en puissance - 8% des Français ayant déjà investi dans les cryptomonnaies en 2021 - tous n'ont pas une démarche bienveillante, certains cherchant parfois à arnaquer leur public.

Protéger les investisseurs

Pour un internaute qui veut savoir comment investir dans les crypto-actifs, au même titre que pour une marque qui chercherait à établir un partenariat avec un influenceur de confiance, il peut être difficile de savoir différencier les crypto-influenceurs bienveillants de ceux malveillants. En 2021, l'Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP) a mis en place un "certificat de l'influence responsable", constatant que "plus de 1 contenu sur 4 n’était pas transparent sur la collaboration commerciale".

"L'influenceur est au fait des règles éthiques et de la législation en vigueur"

"Le certificat de l’influence éthique et responsable de l’ARPP garantit aux annonceurs que l’influenceur est au fait des règles éthiques et de la législation en vigueur en matière de promotion de produits sur les réseaux sociaux (incluant les sujets d’environnement, de santé, de produits cosmétiques, de produits alimentaires, de jeux d’argent…), et qu’il est transparent avec ses audiences quant à ses collaborations commerciales", peut-on lire sur le site de l'organisme.

Concrètement, après avoir suivi un module en ligne sur ces sujets, l'influenceur doit valider son certificat en répondant à un questionnaire et en ayant au moins 75% de bonnes réponses.

On constate que le nombre d'influenceurs (dont les noms sont visibles sur le site web) ayant reçu un tel certificat a fortement augmenté entre 2021 et 2022. Mais ce certificat, qui concernait de nombreux domaines économiques (mode, beauté, luxe...) ne concernait pas à ce jour le secteur financier.

Ce sera réglé courant 2022/2023. En effet, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'ARPP ont annoncé qu'elles veulent étendre ce certificat au domaine de la finance, et notamment des cryptomonnaies.

"Les deux autorités prévoient la création d’un module spécifique au secteur financier du certificat de l’influence responsable lancé en 2021 par l’ARPP, avec l’objectif de présenter de façon pédagogique les bonnes pratiques et les règles s’appliquant dans ce domaine (communication claire, exacte et non trompeuse, en particulier sur les risques, indication du caractère rémunéré de la publication ou des possibles conflits d’intérêts, etc.)", souligne un communiqué de presse commun.

Le module spécifique à la finance se calera sur le modèle généraliste de l'ARPP. Sur le site, il est mentionné que le certificat permet de s'assurer que l'influenceur a bien suivi un parcours de sensibilisation aux "recommandations déotonlogiques" de l'organisme ainsi que prouvé sa bonne connaissance du sujet qu'il évoque avec sa communauté.

Le site fait notamment mention des recommandations en matière de services financiers datant de 2017, qui fait référence au code sur la publicité et les communications commerciales de l’ICC de la Chambre de commerce internationale.

"Ainsi, les promesses annoncées par les publicités pour les produits ou services relevant du champ d’application ne doivent pas, de quelque manière que ce soit: minimiser les risques, présenter l’utilisation de ces produits ou services comme un jeu, ou procéder à une analogie entre les jeux d’argent et les produits ou services visés par la présente Recommandation", peut-on lire.

Contactés par BFM Crypto, certains crypto-influenceurs ayant une forte communauté ont confirmé qu'ils se plieraient naturellement au processus pour obtenir un tel certificat.

Le certificat ne permettra pas de vendre des produits financiers

Ce certificat, qui donne une certaine crédibilité aux influenceurs, ne validera toutefois en rien les contenus des influenceurs, rappelle l'AMF à BFM Crypto. Il ne permettra pas non plus aux influenceurs de vendre des produits financiers à leurs clients. Il est donc clairement à différencier de la certification AMF qui permet à un professionel de la finance de pouvoir vendre des produits financiers à ses clients.

En octobre dernier, l'AMF avait déjà fait des recommandations en matière d'investissement sur les réseaux sociaux.

"De manière générale, l’AMF encourage les investisseurs à s’informer avant de prendre une décision d’investissement, auprès de sources fiables, et conseille en particulier aux investisseurs novices de se construire progressivement une culture boursière et de se méfier des promesses irréalistes de gains rapides, sans effort et sans risque", soulignait le communiqué.

L'AMF remettait ici surtout en question les compétences de certains influenceurs.

"Face à la recrudescence des recommandations d’investissement ou recommandations de sites de trading par des influenceurs sur les réseaux sociaux, la Direction des relations avec les épargnants et de leur protection (Drep) de l’AMF appelle à la vigilance: il convient de s’interroger sur les compétences en finance de ces personnes se présentant comme des experts, la sincérité et la nature désintéressée de ces prescriptions, dont le caractère rémunéré n’est pas toujours indiqué clairement", pouvait-on lire également.

Malgré la mise en place future d'un tel certificat, c'est la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes ( DGCCRF) qui reste compétente lorsqu'il s'agit de sanctionner les influenceurs en cas de dérive.

Une enquête de cet organisme avait notament conduit au paiement d'une amende de 20.000 euros par l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara pour "pratiques commerciales trompeuses" sur les réseaux sociaux (promotion d’un site de formation au trading sur Snapchat en 2018) assortie d’une mesure de publicité.

Pauline Armandet