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Ces politiques qui se battent pour l'écosystème crypto

Le bitcoin se rapproche de son record historique

Le bitcoin se rapproche de son record historique - AFP

De l'ex-député LREM Pierre Person en passant par le député belge Christophe De Beukelaer, plusieurs personnalités politiques veulent défendre ce secteur en plein essor.

Le Surfin' Bitcoin, qui s'est tenu de jeudi à samedi, aura permis d'aborder de nombreuses thématiques, dont celle du lien entre le bitcoin et la politique. Le thème d'une table ronde portait d'ailleurs sur la place du bitcoin dans le débat politique national et international.

En France, les "crypto-députés" se font rare. Au moment de la loi Pacte en 2019, qui avait abouti à l’encadrement du secteur des cryptomonnaies sur certains aspects comme la fiscalité, quelques députés s'étaient emparés du sujet comme Jean-Michel Mis (LREM), Laure de la Raudière (Agir), Pierre Person (ex-LREM) ou encore l'ex-président de la commission des finances à l'Assemblée nationale Eric Woerth (LR). Ces derniers avaient d'ailleurs présenté une mission d'information sur les cryptomonnaies. Aujourd'hui, et alors que le marché des cryptomonnaies connaît un bouleversement sans précédent, on se demande où sont passés les nouveaux crypto-députés.

Une ancienne figure politique a récemment fait son apparition: Jean-Marie Cambacérès, ancien député et actuel président de la section des affaires étrangères du Conseil économique social et environnemental. S'il est tombé assez tardivement dans le bitcoin, il n’en n’est pas moins un fervent défenseur désormais. Il a même fait partie de la délégation des Français qui se sont rendus en Centrafrique cet été, le pays ayant adopté le bitcoin comme monnaie légale.

"Le bitcoin remet en question les fondamentaux"

Mais pourquoi encore si peu de députés s'intéressent publiquement aux cryptomonnaies? "En commission des finances à l'Assemblée nationale, on n’a parlé jamais de la politique monétaire", a déclaré l'ex-député Pierre Person, lors d'une table ronde vendredi au Surfin' Bitcoin. "Elle a une influence sur le quotidien des gens qui n’est pas débattu. Ce qui est passionnant avec le bitcoin, c’est qu’il remet en question des fondamentaux. Il y a un vrai sujet démocratique sur cet aspect-là. Le politique ne se concentre que sur la politique budgétaire", regrette ce dernier.

"Le manque d’intérêt c’est la complexité du sujet, l’inconscience de l’impact des questions monétaires sur notre vie monétaire. La seule façon dont on s’intéresse à ce monde-là c’est par le bien de la fiscalité", explique le député belge Christophe De Beukelaer. "C’est parfois perçu comme indécent que de parler du bitcoin. Il y a une grande inculture, où on ne comprend pas les mécanismes monétaires. Dans les écoles, il faudrait faire rentrer des mots de la culture financière", ajoute-t-il.

Pour marquer le coup, Christophe De Beukelaer, qui se considère comme "non anarchiste", a décidé de se faire payer en bitcoin durant toute l’année 2022, soit dès le mois de janvier. Dans les faits, le Parlement belge paye son salaire tous les mois en euros et le député belge le convertit en bitcoin sur son portefeuille crypto. Il a décidé de ne pas y toucher et verra bien ce qu'il en fera d'ici un an. Depuis, il vivrait sur son épargne.

"C'est un acte politique, pas financier"

"Depuis un moment j’essayais en vain de mettre le sujet du web 3 à l’agenda politique. J’ai voulu réveiller les esprits en décidant de me faire payer en bitcoin. C’est un acte politique pas financier", explique le député. S’il n’a pas été copié par d’autres députés à l’heure actuelle, certains gros partis politiques belges auraient depuis engagé des conseillers dans les cryptomonnaies, souffle-t-il. De son côté, Pierre Person, qui est déjà à l'origine de deux rapports sur les cryptomonnaies dont un très récent, a admis avoir placé une partie de son épargne en cryptomonnaies.

Si les deux hommes veulent faire bouger les lignes dans ce secteur, ils font toujours face à des points de blocage. Par exemple, celui d’une adoption à grande échelle des cryptomonnaies. A l’heure actuelle, on compterait 200 millions de portefeuilles détenant des cryptomonnaies dans le monde.

Bien que ce nombre progresse, cela reste encore faible à l’échelle de la planète. "La cryptomonnaie viendra à la grand-mère quand il y aura des cas d’usage. C’est l’usage qui doit permettre cela", pense Pierre Person. Au début de son initiation dans l’écosystème crypto, Jean-Marie Cambacérès a voulu acheter une vigne avec du bitcoin. "Si je l’ai fait c’était aussi pour prouver que je croyais à l’avenir", a déclaré ce dernier.

"La règlementation européenne va être très dure"

Par ailleurs, l'industrie bancaire reste frileuse vis-à-vis de cet écosystème, malgré certaines passerelles avec le secteur depuis quelques mois, principalement par les banques américaines, les banques françaises restant à la traîne. Les intervenants de la table ronde sont en effet vigilants aux projets de règlementation européennes du secteur des cryptomonnaies, notamment à travers le règlement MiCa (Market in crypto assets, voir notre article à ce sujet) qui devrait rentrer en vigueur d'ici deux ans.

"Je pense que le secteur bancaire est sorti gagnant du règlement MiCa. Pour nos intérêts on devrait avoir une transition qui se passe dans la douceur: il faudrait que les acteurs bancaires s’intéressent à cette technologie", déclare Pierre Person.

La règlementation européenne "va être très dure", pense enfin l'ex-député, qui pourrait bien rester dans l’écosystème crypto d'une autre manière.

"Soit il y a une application des règles intelligentes et pragmatiques et on pourra rattraper les dégâts faits, soit il y a une logique fermée de transposition du secteur bancaire au secteur de la crypto et on risque en Europe d’être les clients des GAFA qui opèrent sur notre territoire", explique-t-il.
Pauline Armandet