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Mort de Frances aux urgences de Grasse: sa famille a déposé plainte pour homicide involontaire

Un patient entrant aux urgences (illustration)

Un patient entrant aux urgences (illustration) - Philippe LOPEZ / AFP

Les proches de Frances, morte en septembre 2022 à l'hôpital de Grasse, ont déposé plainte pour homicide involontaire.

C'était une volonté de la famille de Frances et c'est désormais chose faite. Les proches de cette femme morte à l'âge de 61 ans en 2022 à l'hôpital de Grasse, après un passage aux urgences de Cannes, ont déposé plainte pour homicide involontaire.

Sont visés par cette plainte, consultée par BFM Nice Côte d'Azur, l'hôpital de Cannes et son directeur ainsi que l'hôpital de Grasse et son directeur. Il leur ait reproché le 4 septembre 2022, "par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité" de ne l'avoir pas prise en charge et de ne pas avoir diagnostiqué "son infection à Capnocytophaga canimorsus, manifestée par une septicémie, la privant de toute chance de survie, involontairement causé la mort".

Une plainte contre X a également été déposée.

"Personne ne m'écoute"

Quelques jours après avoir été mordue par son chien, le 4 septembre 2022, Frances se sent anormalement mal. Elle est notamment fiévreuse, a des tremblements et ressent des douleurs dans tout le corps. Après avoir contacté SOS Médecins, sa fille appelle le Samu qui l'emmène à l'hôpital de Cannes.

Prise en charge à 20h09, Frances échange alors longuement avec sa sœur Thérèse par téléphone. "Personne ne s’occupe de moi", "personne ne m’écoute" (...) je n’arrive pas à attirer leur attention ni demander de l’aide (...) j’ai des maux de tête terribles et mal partout", confie-t-elle alors.

Le médecin fait faire à Frances des tests sanguins qui s'avèrent "très mauvais", mais contre toute attente la patiente sort de l'hôpital en fin de soirée, après avoir échangé à plusieurs reprises par téléphone des "propos incohérents" avec Thérèse.

"Je suis médecin, pas vous"

Le lendemain, n'arrivant plus à parler, Frances est emmenée à l'hôpital de Grasse. Thérèse et la fille de Frances réclament qu'on lui donne des antibiotiques, en vain. Une interne répond même à sa sœur:

"Je suis médecin pas vous, je suis le professionnel et c’est moi qui décide; on lui donnera des antibiotiques s’il faut en donner", mentionne la plainte.

Vers minuit, après avoir bataillé pour voir sa sœur, Thérèse reçoit un dernier appel de Frances qui durera 14 secondes. Dans cet appel, Frances confie qu'elle sent la fin arriver.

Therèse contacte alors le service des urgences pour les supplier d'aller voir sa sœur. Une infirmière lui aurait alors répondu: "je suis allée la voir, elle va bien alors n’exagérons pas j’ai du travail".

Thérèse n'aura plus de nouvelles de sa sœur. Après avoir fait trois arrêts cardiorespiratoires, les médecins sont parvenus à la réanimer, mais ils préviennent la famille que "compte tenu de son état", il n'y a plus d'espoir. Elle y mourra.

Les résultats d’analyse bactériologique ont été communiqués une heure après la mort de France. Ils révèlent qu'il s'agit d'une bactérie nommée Capnocytophaga canimorsus.

"En raison d'une série de négligences (...) son infection Capnocytophaga canimorsus, manifestée par une septicémie n'a pas été diagnostiquée, la privant, in fine, de toute chance de survie", déclare Me Thomas Callen, avocat de la famille.

Ce dernier souligne que la patiente est morte "dans d’atroces souffrances et privée du réconfort et du soutien de sa famille": "sa mort n’est pas le fruit de la fatalité, ou d’une infection qui la condamnait, mais le résultat accompli d’une infraction commise et punie par la loi pénale".

L'avocat espère qu'une enquête, si elle venait à être déclenchée par le parquet de Grasse, permettra de déterminer la nature de la faute.

Les deux établissements de santé interrogés par l'ARS

Contactée par BFM Nice Côte d'Azur, l'Agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur indique ne pas avoir ouvert d'enquête administrative après la mort de Frances car elle n'en n'avait pas connaissance.

"Après la médiatisation de cette affaire, la direction départementale ARS des Alpes-Maritimes a interrogé les deux établissements de santé concernés qui ont indiqué faire une analyse collective et rétrospective de ce cas", explique l'ARS.

L'analyse permettra de faire un point sur les "circonstances de survenue et sur d'éventuelles actions à mettre en œuvre pour éviter la récidive d'un tel événement".

Contactée par BFM Nice Côte d'Azur au début du mois de février, l'hôpital de Cannes, le premier à avoir reçu la sœur de Thérese, avait tenu à adresser quelques mots à la famille de la victime. "Nous tenons avant tout à exprimer toute notre empathie aux proches de la défunte", écrivait l'hôpital.

Ce dernier indiquait vouloir respecter le secret médical et tenir "tous les éléments nécessaires à une instruction à disposition de la justice".

"Seul le système judiciaire est en capacité de procéder, à l’aide d’experts, aux investigations nécessaires afin d’apporter un éclairage sur la situation décrite. Le cas échéant, le CHC-SV prendra les mesures adaptées", insistait l'hôpital qui manifestait aussi son soutien aux soignants, "très affectés par ces accusations médiatiques".

Également contacté, l'hôpital de Grasse avait lui confirmé avoir pris en charge la victime à la suite d'une morsure de chien mais n'avait pas souhaité s'exprimer davantage.

Solenne Bertrand avec Pauline Renoir