BFM Côte d'Azur
Cote dAzur

Karl Lagerfeld, Christian Dior, Balenciaga: pourquoi les créateurs de mode intéressent autant les séries

L'acteur allemand Daniel Brühl dans la peau de Karl Lagerfeld pour la série Becoming Karl Lagerfeld.

L'acteur allemand Daniel Brühl dans la peau de Karl Lagerfeld pour la série Becoming Karl Lagerfeld. - Disney +

Présentée en avant-première au festival Canneséries ce dimanche, "Becoming Karl Lagerfeld" s'inscrit dans la lignée des séries s'intéressant à des figures de célèbres créateurs de mode. Explorer un mythe, raconter une époque, les raisons de cet intérêt nouveau sont multiples.

"Laissez-nous entrevoir ce qui se cache derrière le mystère qui vous entoure." Ces mots, prononcés dès les cinq premières minutes de la série Cristóbal Balenciaga, s'appliquent aussi bien à l'Espagnol qu'à la plupart des créateurs de mode. Ces derniers sont devenus les nouvelles coqueluches des plateformes de streaming, qui multiplient les œuvres retraçant leur vie depuis le début de l'année.

L'arrivée à Paris du célèbre couturier espagnol, en 1937, était donc au cœur d'une série Disney+ début janvier, alors qu'Apple TV+ s'est intéressé aux destins croisés de Coco Chanel et Christian Dior, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, dans The New Look, en février. Mais la liste ne s'arrête pas là.

Une autre icône de la haute couture va faire l'objet d'une série, diffusée à partir du 7 juin sur Disney+ et présentée hors compétition lors du festival Canneséries ce dimanche: Karl Lagerfeld.

Daniel Brühl se glisse dans la peau du célèbre couturier allemand dans Becoming Karl Lagerfeld, adaptée de la biographie de la journaliste Raphaëlle Bacqué.

Des coulisses des magazines à la figure du créateur

L'intérêt des séries pour l'univers de la mode n'est pas nouveau. Ugly Betty racontait dès 2006 les coulisses de Mode, un prestigieux magazine de mode, tout comme l'a fait The Bold Type en 2017, s'inspirant de la vie d'une rédactrice en chef de Cosmopolitan. Sex and City, Gossip Girl, Girlboss... Tous ces programmes parlaient de mode sans pour autant creuser la vie des femmes et des hommes qui l'ont révolutionnée.

Dernièrement, le paradigme a changé. Si les documentaires et le cinéma s'étaient déjà entichés de certains créateurs de génie -Yves Saint-Laurent a eu le droit à deux films en 2014-, les séries semblent vouloir rattraper leur retard.

"Ça découle d’un intérêt grandissant pour la mode, de la légitimation de la mode comme objet culturel, au même titre que des biopics sur des musiciens, qui sont des choses qui existent depuis longtemps. On voit beaucoup plus la mode au musée mais on a encore peu de biopics sur des grands couturiers et d’autant plus sur des couturiers qualifiés de génies", analyse Amélie Zimmermann, créatrice de contenu spécialisée dans la mode, connue sous le nom de Fashion Quiche, auprès de BFMTV.com.

"Là où, il y a 10-15 ans, c'était beaucoup plus sur les coulisses de la mode, quelque chose qui joue des clichés de ces univers-là. Avec ces trois séries (Cristóbal Balenciaga, The New Look, Becoming Karl Lagerfeld, NDLR), on va chercher à anoblir le sujet et à l’entourer de quelque chose de prestigieux et de grandiose", ajoute-t-elle.

"Des grandes questions autour de ces vies illustres"

Offrir du grandiose mais surtout, révéler la face cachée de mythes. La figure du créateur de mode a longtemps été entourée de mystère, très éloignée du grand public. Ces hommes et ces femmes qualifiés de "génies" ont eux-mêmes pu jouer de cette vision.

"Karl Lagerfeld, Dior et Balenciaga sont des créateurs entourés de mystères particulièrement. Lagerfeld, personne ne sait vraiment son année de naissance, c’est presque un mythe. Balenciaga, ça a été quelqu’un de très secret. Je pense que déjà dans les personnages, il y a quelque chose d’intrigant (...) Il y a des grandes questions autour de ces vies illustres", détaille Amélie Zimmermann.

Cristobal Balenciaga n'a réellement accordé qu'une interview lors de sa carrière, à la journaliste britannique du Times Prudence Glynn, en 1971. Leur rencontre, aux obsèques de Coco Chanel, est d'ailleurs le point d'entrée de la série de Disney+, qui retrace à travers leur discussion, l'arrivée de l'Espagnol à Paris en 1937, qui va lui permettre de réellement définir son style.

L'affiche de la série Disney + "Cristobal Balenciaga".
L'affiche de la série Disney + "Cristobal Balenciaga". © Disney +

Balenciaga est montré comme un homme de l'ombre se rendant rarement aux soirées mondaines parisiennes et ne rencontrant quasiment pas ses clientes. Une représentation reprise dans l'affiche de la série qui laisse apercevoir son visage caché entre deux rideaux, comme pour inviter le spectateur à voir ce qui se cache derrière.

L'occasion de retracer une époque historique

L'ascension est aussi au cœur de Becoming Karl Lagerfeld, dont l'intrigue commence en 1972, alors que le styliste allemand n'est pas encore connu du grand public. Sa rencontre avec Jacques de Bascher, son amitié (et sa rivalité) avec Yves Saint-Laurent: la série emmène à Monaco, Rome et dans la capitale, à travers la personnalité complexe de cette icône de la couture parisienne.

"Une fois que le mythe est créé, il y a l’idée de se dire 'd’où vient-il?' et qu’est-ce qui a fait que Karl Lagerfeld est devenu Karl Lagerfeld", résume Théophile Meyniel, le coordinateur de programmation de Canneséries, à BFMTV.com.

"Avec Becoming, il y a cet intérêt de reconstruire un Paris fantasmé, une forme d’insouciance et de liberté qu’on fantasme. Ce qui est très fort dans la série, c’est qu’il y a des enjeux sociétaux et pour les fans de mode, il y a des choses intéressantes pour réexplorer l’histoire", ajoute-t-il.

La série entend "considérer le monde de la mode, qui a à la fois cet aspect impressionnant et glamour, mais de l’appréhender comme une forme économique puissante avec des enjeux politiques. La grande histoire rencontre aussi la petite histoire de ces gens-là".

C'est également le cas dans The New Look, d'Apple TV +. La série commence par une véritable immersion dans le Paris occupé de la Seconde Guerre mondiale, alors que les relations de Coco Chanel (Juliette Binoche) avec les Nazis questionnent et que Catherine Dior (Maisie Williams), la sœur de Christian (Ben Mendelsohn), fait partie de la résistance. La série ne s'intéresse qu'à l'ascension véritable du célèbre couturier après la guerre dans sa deuxième partie.

Bientôt une maison fictive dans une série Apple

Renforcer ou déconstruire un mythe, raconter une époque, les séries ont de nombreuses raisons de s'intéresser à la figure du créateur de mode. Surtout, plus que les documentaires, elles permettent de romantiser l'histoire, voire de prendre quelques libertés avec la réalité. Si les plateformes se sont pour l'instant intéressaient à des figures historiques, la fiction n'est jamais loin.

Apple TV + prépare une série dramatique intitulée La Maison, sur les coulisses d'une légendaire maison de couture fictive. Lambert Wilson campe le rôle du patriarche Vincent LeDu dont la maison est en pleine tourmente. Son ancienne muse (Amira Casar) s'allie alors à une stylise issue de la nouvelle génération (Zita Hanrot) pour sauver la maison LeDu. Carole Bouquet, Antoine Reinartz, Anne Consigny et Ji-Min Park sont également au casting.

La plateforme promet "regard immersif sur les coulisses d’un monde en constante évolution, d’un idéal d’élégance et de luxe à la française mais aussi des vies tumultueuses des familles qui règnent sur ce monde". La belle histoire d'amour entre la mode et les séries semble loin d'être terminée.

Marine Langlois