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Canua Island: le co-fondateur "écœuré" par l'abandon du projet, la région savoure sa victoire

Pointée du doigt pour son impact environnemental, cette plage artificielle, actuellement amarrée à La Seyne-sur-Mer, ne s'installera finalement pas dans la baie de Mandelieu-la-Napoule.

À date du 22 mai, le projet semblait encore sur de bons rails. Ce jour-là, la plage artificielle Canua Island arrive à La Seyne-sur-Mer, son port d'attache provisoire. Neuf jours plus tard, ses fondateurs reçoivent le feu vert de la commission de sécurité.

Il ne leur manque plus que les permis de navigation et d'armement, avant de jeter l'ancre dans la baie de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes).

Canua Island ne les obtiendra jamais. L'état-major de ce projet controversé pour son impact écologique a annoncé ce mardi qu'il tirait sa révérence. Un clap de fin qui survient sept ans après son lancement.

"On est une PME"

Marc Audineau, co-fondateur de Canua Island, a signifié aux quelque 100 employés de cette structure de 1750 m2 que leur contrat prenait fin.

Maire de Mandelieu-la-Napoule et soutien du projet, Sébastien Leroy a fait part ce mardi de "toute sa solidarité envers les salariés".

"On est une PME. On a besoin de chiffre d'affaires pour payer nos salariés. On est obligés de lancer des licenciements. On doit se séparer de tout le monde, c'est un vrai crève-cœur", souffle Marc Audineau au micro de BFM Nice Côte d'Azur.

Présents dans le staff de l'île flottante, 20 marins se retrouvent "sans emploi", alors que la saison estivale a commencé. "Le plus important, pour moi, c'est ça", résume l'entrepreneur.

Déception et incompréhension

À la déception se mêle l'incompréhension pour Marc Audineau. "On est conformes d'un point de vue réglementaire, jure-t-il. On a depuis sept ans suivi tout ce qui nous était demandé."

Dimanche dernier, l'intéressé a alerté Emmanuel Macron sur la situation par voie postale. Avant de se résoudre à jeter l'éponge.

Marc Audineau fulmine: "On est bloqués pour des raisons politiques qui nous dépassent. Pour des querelles politiques, on est obligés de tuer des emplois en France, tuer des entrepreneurs".

Il cible notamment Renaud Muselier. Le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, est l'un des pourfendeurs principaux de Canua Island.

"C'est lui qui a dit qu'on était une aberration écologique. Pour moi, aujourd'hui, ce n'est pas une aberration écologique. C'est une aberration politique ce projet", s'indigne-t-il.

Et d'assurer: "On a prouvé de A à Z que notre projet était le plus écoresponsable de tous les navires qui sont sur la Méditerranée et ça, ça a été prouvé".

"Arguments écologiques détournés"

Dans son communiqué, le maire de Mandelieu-la-Napoule égratigne lui aussi Renaud Muselier. "Le gouvernement a préféré satisfaire les caprices politiques du président de la région Sud (Provence-Alpes-Côte d'Azur, NDLR), soutien politique affiché de la majorité présidentielle en 'jouant la montre' dans la délivrance de l’autorisation d’armement du navire."

Le Conseil régional, grince Sébastien Leroy, avait pourtant engagé "sa propre garantie financière" dans ce projet, "demandant que son logo soit présent sur tous leurs supports de communication". Avant de changer de braquet "dans le seul but de nuire à la ville de Mandelieu, dont il estime, selon son propre aveu, que la population ne l’a pas 'suffisamment soutenu' lors des dernières élections régionales".

En résumé, l'édile fustige "une décision politicienne inepte qui coûtera 100 emplois, 770.000 euros au budget de la région et 2,5 millions à la BPI (Banque publique d'investissement, NDLR)", prise "sous couvert d’arguments écologiques détournés et erronés".

"Une sage décision"

Se disant "très content" de la mise en sommeil du projet, Renaud Muselier persiste sur la nocivité de l'implantation d'une plage artificielle dans la baie de Mandelieu-la-Napoule.

"Quand on a des problèmes d'eau, on ne fait pas une giga-piscine au large, plaide l'élu. Quand on a des problèmes d'environnement, on ne fait pas un bateau, qui n'est ni bateau, ni île flottante, ni plage -on ne sait pas trop ce que c'est d'ailleurs- alors qu'on a tout à terre."

Georges Botella, maire de Théoule-sur-Mer, localité collée à Mandelieu-la-Napoule, ne dit pas autre chose. Au micro de BFM Nice Côte d'Azur, ce soutien affirmé de Renaud Muselier a salué "une sage décision", "une décision de bon sens".

Aux arguments de la partie adverse, celui qui est également président de la Commission biodiversité marine au Parlement de la mer de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur rétorque: "On est bientôt au quart du 21e siècle. On ne comprend pas comment on peut encore imaginer un restaurant-plateforme sur la mer. C'est fini tout ça. Il faut protéger notre environnement. Il faut respecter la nature. Il faut respecter les gens qui vivent autour du bassin".

De l'avis de Georges Botella, l'infrastructure posait également "un problème sécuritaire qui nous semble évident". "Il y a des coups de mer, il y a des vents d'est, il y a des coups de mistral qui pourraient endommager la barge et la faire atterrir sur nos côtes", argumente ce dernier.

Sans compter "les va-et-vient incessants", qui généreraient "des nuisances sonores", et "la concurrence déloyale" que la plage artificielle représenterait pour les restaurateurs et plagistes de la côte.

Un futur incertain

Mais alors, que va devenir la plateforme amarrée à La Seyne-sur-Mer? Officiellement, "le projet, on ne l'abandonne pas", tient à souligner Marc Audineau. Mais avec quels contours?

"On va voir ce qu'on va faire pour le futur. (...) Je ne sais pas. On va échanger avec nos partenaires", répond l'intéressé.

L'une de ses priorités sera financière. Sur les 16 millions d'euros réunis pour construire ce projet, cinq ont été apportés par des actionnaires. Une somme que la direction de Canua Island devra rembourser.

Florian Bouhot Journaliste BFM Régions