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Briançon: un médecin soupçonné d'avoir mobilisé des pompiers pour faire entrer des migrants sur le territoire

Le Centre Hospitalier des Escartons à Briançon.

Le Centre Hospitalier des Escartons à Briançon. - BFM DICI

Saisie par le syndicat Alliance Police Nationale, la préfecture des Hautes-Alpes "n’exclut pas de demander toute explication utile à la direction de l’hôpital".

La polémique enfle dans le Briançonnais. Selon les informations de BFM DICI, le syndicat de police Alliance 05 a décidé de saisir la préfecture des Hautes-Alpes à la suite de la prise en charge de migrants par la PAF (Police Aux Frontières) à Montgenèvre.

L’histoire débute ce jeudi en tout début de matinée, au col de Bousson entre l’Italie et la France, sur la commune de Cervières. Dix étrangers en situation irrégulière sont interpellés et conduits au poste de frontière de la PAF. Il s'agit de cinq Iraniens et cinq Afghans, dont quatre mineurs accompagnés.

Selon un rapport de la PAF, que la rédaction de BFM DICI a pu se procurer, une femme majeure est prise en charge par les pompiers à la suite "d'une crise d’angoisse à son arrivée dans les locaux". Vers 6h40, elle est évacuée par les pompiers en direction de l’hôpital de Briançon.

Toujours selon ce rapport écrit, la PAF contacte le CH de Briançon aux alentours de 9h pour s’assurer du bon état de santé de la victime. "En attente de consultation, le médecin transmet à son collègue la consigne de nous contacter dès lors que la jeune femme serait sortante afin de la ramener auprès de sa famille", écrit un policier de la PAF dans ce rapport.

"Un dialogue de sourds s'installe"

Quarante-cinq minutes plus tard, un échange vif semble se produire par téléphone entre le CH de Briançon et les policiers de Montgenèvre. "Le docteur P. nous signale que la femme se porte bien et que son état ne nécessite pas d’hospitalisation, ni de soin particulier, hormis un petit repos dans les locaux avant de repartir. Elle nous demande immédiatement de faire déposer au centre hospitalier son mari et son fils", indique le rapport.

Les policiers refusent. Et demandent de nouveau le rapatriement de la migrante auprès de ses proches afin qu’ils soient remis aux autorités italiennes. "Docteur P. ne semble rien vouloir entendre, un dialogue de sourds s’installe avec un ton condescendant à notre égard", poursuit la PAF dans son rapport.  

À 12h00, la situation se tend encore plus. "Nous recevons l’appel du Docteur P. qui nous signale nous envoyer le SAMU après avoir appris de sa patiente que son mari et enfant restés dans nos locaux auraient de la fièvre. À 12h25, les pompiers arrivent [...] Résultat, le médecin souhaite une prise en charge immédiate des personnes pour un diagnostic qui ne nous est volontairement pas communiqué. Par ailleurs, le médecin sollicité par les pompiers refuse de nous donner son identité", conclut la PAF dans son rapport. Finalement, l’enfant de 5 ans et le compagnon de la migrante sont pris en charge par les pompiers et évacués vers le CH de Briançon. 

La préfecture dans l’attente

Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres entre l’hôpital et la PAF de Montgenèvre. Pour le syndicat Alliance, c’est clair: "Par idéologie, un médecin du CH de Briançon a fait intervenir un équipage de pompiers pour deux personnes irrégulières à la PAF sans besoin de soins dans le but de les faire rentrer sur le territoire. Seul ce médecin de l’hôpital savait qu’un enfant et son père étaient au poste. L’appel vers les pompiers ne fait donc aucun doute", déclare Vincent Guillermin, secrétaire départemental d’Alliance 05.

Avant de poursuivre: "Selon plusieurs témoins sur place, ni l’enfant, ni le compagnon n’avaient de la fièvre. Même les pompiers avaient l’impression de servir de taxi". Dans la foulée, le syndicat policier a décidé de saisir le Préfet des Hautes-Alpes "afin que ce dernier alerte l’Ordre des Médecins".

"Nous avons demandé un rapport circonstancié à la PAF et, le cas échéant, nous n’excluons pas de demander toute explication utile à la direction de l’hôpital" fait savoir la préfecture à BFM DICI.

Le SDIS se défend

Dans le rapport de la PAF, il est indiqué qu’à 12h25, "le pompier a avisé le médecin des urgences de Briançon". Un coup de fil qui aurait donné lieu au chargement de l’enfant et du compagnon dans le camion avant une évacuation vers l’hôpital. 

Mais pour le SDIS 05, c’est tout simplement faux. Le colonel Patrick Moreau, directeur du Service Départemental d’Incendie et de Secours des Hautes-Alpes, rappelle qu’il y a un protocole strict et sérieux qui s’applique.

"L’hôpital n’a pas autorité sur nous. Lorsque nous intervenons, nous effectuons un Bilan Médico Secouriste (BMS). En fonction de ce bilan, c’est au médecin régulateur du Centre 15 et non à un médecin de l’hôpital de décider ou non le transfert vers l’hôpital. Ce ne sont jamais les pompiers qui prennent cette responsabilité. Parfois, des personnes semblent aller bien mais le médecin-coordinateur décide le transfert vers l’hôpital pour des contrôles plus poussés", précise le colonel Patrick Moreau.

Son président Marcel Cannat est formel: "Nous sommes dans les règles. Tout est tracé et enregistré. Nous sommes intervenus sous ordres du 15 et du médecin régulateur de Gap et les pompiers ont respecté les consignes données".  

Le CHICAS ne communique pas pour l’instant  

Contacté ce vendredi matin, le service des urgences de Briançon était dans l’impossibilité de nous mettre en relation avec le Docteur P. 

De son côté, la direction du CHICAS (Centre Hospitalier des Alpes du Sud) refuse de s’exprimer pour l’instant. "Nous n’avons pas réuni tous les éléments nécessaires, donc pas de communication de la part de l’hôpital pour le moment", fait savoir la direction de l’établissement médical.  

Concernant la famille de migrants, elle a pu quitter l’hôpital dans la journée de jeudi. Elle est actuellement prise en charge par les associations qui viennent en aide aux réfugiés.

Valentin Doyen