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CARTE. Voitures-radars privées: où circulent-elles en France?

L'intérieur d'une voiture radar banalisée lors de l'expérimentation en Normandie en 2018, et depuis 2020 aussi en Bretagne, Pays de la Loire et Centre Val de Loire.

L'intérieur d'une voiture radar banalisée lors de l'expérimentation en Normandie en 2018, et depuis 2020 aussi en Bretagne, Pays de la Loire et Centre Val de Loire. - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Ces voitures banalisées et gérées par des sociétés privées sont capables de flasher automatiquement les véhicules en excès de vitesse, de quoi rapporter plusieurs dizaines de millions d'euros par an. Objectif: 223 voitures de ce type avant la fin de l'année, contre 83 actuellement.

Les voitures-radars se font discrètes, sur la route comme dans l'actualité. En une du Parisien de ce mercredi, ces véhicules banalisés sont présentés comme la future bête noire des conducteurs, surtout depuis que cette mission a été confiée à des sociétés privés plutôt qu'aux forces de l'ordre. Mais le dispositif tarde à se déployer, avec du retard par rapport au calendrier initial et le ministère de l'Intérieur reste assez discret sur le sujet. L'objectif reste de déployer d'ici à la fin de l'année 223 voitures de ce type sur 8 régions, avant un probable déploiement national d'ici à 2023.

Les voitures-radars, comment ça marche?

Le principe est assez simple: une voiture type Renault Mégane, Peugeot 308, Ford Focus ou encore Dacia Sandero, sans signe distinctif, conduite par un salarié d'une société privée et qui circule sur un itinéraire donné.

"Les trajets réalisés et les plages horaires de contrôle sont fixés par les services de l'État, en fonction uniquement des critères d'accidentalité locale", précise la délégation à la Sécurité routière dans un communiqué diffusé ce mercredi 21 avril.

L'entreprise est en effet rémunérée par l'Etat au nombre de kilomètres parcourus, et non en fonction du nombre de verbalisations. Le conducteur de la voiture-radar et son entreprise ne sont d'ailleurs pas censés pouvoir consulter le nombre de flashs réalisés afin d'éviter certaines dérives. Comme par exemple une voiture-radar qui circulerait trop lentement pour susciter des dépassements et, potentiellement donc, des excès de vitesse.

Un schéma présentant les voitures-radars.
Un schéma présentant les voitures-radars. © Ligue des conducteurs

Sur ce point, ce radar embarqué flashe les automobilistes en excès de vitesse avec une marge de 10 km/h à moins de 100 km/h et de 10% au-delà (contre 5 km/h et 5% pour les autres radars). Concrètement, sur une route limitée à 80 km/h, le contrevenant serait flashé à partir de 88 km/h, contre 85 km/h pour un radar fixe. Le terme de "flash" n'est au passage pas vraiment approprié dans le sens où il s'agit d'un capteur infrarouge avec une prise de cliché invisible à l'œil nu. Comme pour tous les radars, c'est la reconnaissance de la plaque qui permet d'identifier le propriétaire du véhicule, qui recevra donc un PV à son domicile.

"Les données relevées par les voitures-radars sont envoyées de façon cryptée aux officiers de police judiciaire en charge de la verbalisation. Ces officiers de police judiciaire, qui constatent et valident l'infraction, sont les mêmes que pour les radars fixes et les voitures-radar encore conduites par des forces de l'ordre: ce sont les policiers et les gendarmes, officiers de police judiciaire, du Centre automatisé de constatation des infractions routières (CACIR) au sein du Centre national de traitement (CNT) situé à Rennes", souligne la Sécurité routière.

Combien de voitures-radars en circulation?

2013 marque l'année de naissance de ces voitures-radars. Elles étaient alors utilisées uniquement par les forces de l'ordre. Le ministère de l'Intérieur évoquait alors "un radar embarqué à bord d’une voiture banalisée qui se mêle à la circulation", avec pour mission, sous-entendu exclusive "de lutter contre les grands excès de vitesse".

L'expérimentation des voitures-radars privées a de son côté été lancée en 2018 en Normandie, avec notamment l'objectif de libérer du temps pour que les forces de l'ordre se concentrent sur d'autres missions, comme les contrôles d'alcoolémie ou de stupéfiants.

Depuis, différents chiffres circulent sur le nombre de voitures en circulation. Dans son article du jour, Le Parisien évoque plus de 200 véhicules d'ici la fin de l'année, répartis sur huit régions, et 450 en 2023 au niveau national.

Sur le site officiel de la Sécurité routière, on trouve plusieurs chiffres assez différents. La page consacrée aux voitures-radars évoque par exemple "383 véhicules déployés au 1er juillet 2017".

Une conséquence possible de la privatisation? En 2017, l'expérimentation des voitures-radars privées n'avait pas débuté et la diminution du nombre de véhicules traduirait donc la fin de cette mission pour les policiers et gendarmes.

Alors qu'on pouvait comprendre qu'elle remplacerait totalement les forces de l'ordre, la privatisation de cette mission serait finalement limitée, comme le précisait une annexe du projet de loi de finances 2021 mise en avant par L'Argus. On retrouve bien le chiffre de 450 voitures radars (mais à fin 2021 et non 2023) et "dont 223 seront externalisées".

La Sécurité routière, après publication de cet article, nous a précisé que 83 voitures sont actuellement gérées par des opérateurs privées et que 302 restent encore à disposition des forces de l'ordre.

"Le parc total devrait atteindre 450 véhicules à la fin de l'année 2021 dont 223 à conduite externalisée", avec des véhicules qui passent du public au privé, et d'autres, environ 65, qui seront acquis d'ici là.

Où roulent ces véhicules?

Même flou autour du déploiement au niveau national, "prévu d'ici à 2020", précise un encart du site officiel pas vraiment à jour, avec un déploiement censé être visible sur la carte officielle des radars, "au fur et à mesure" de la mise en place de ce dispositif. Or, rien n'apparaît sur cette carte consultée ce 21 avril 2021 concernant les voitures-radars.

Les voitures "à la disposition des opérateurs privés de conduite externalisée" (le nom officiel des voitures-radars privées) circulent déjà dans 4 régions: Normandie, Bretagne, Pays-de-la-Loire et Centre-Val de Loire. Une nouvelle extension de l'externalisation de la conduite des voitures-radars est en cours dans 4 nouvelles régions: Grand-Est, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Nouvelle-Aquitaine, avec des "contrôles opérationnels dans le courant du second semestre 2021."

La carte ci-dessous reprend les hypothèses de déploiement les plus probables, avec à fin 2021 une flotte de 450 voitures-radars déployées sur tout le territoire, dont 223 gérées par des sociétés privées.

Même si le projet loi de finances semblait tabler sur un déploiement national à fin 2021, l'hypothèse réaliste serait plutôt à 2023.

Relancer des recettes des radars en chute libre

La volonté affichée par la sécurité routière reste le respect des limitations de vitesse. N'importe quelle voiture qui circule peut ainsi être vue comme un radar potentiel, ce qui inciterait les automobilistes à modérer leur vitesse sur l'ensemble de leur trajet. Et non plus seulement dans "les zones de danger", annoncées, et où on retrouve les fameux radars fixes.

Cependant, l'autre volonté serait aussi de relancer des recettes en chute libre depuis la mise en place des 80 km/h et le mouvement des gilets jaunes, avec les radars détruits. En 2019, les recettes étaient tombées à 760 millions d'euros, en baisse de 12% sur un an, et la baisse du trafic avec la pandémie n'a pas vraiment permis de redresser la barre l'an dernier.

Résultat: les voitures-radars seraient une solution pour relancer ce qui reste une machine à cash importante pour les finances publiques.

En février, l'association de la Ligue de défense des conducteurs estimait à 194.000 euros pas an le bénéfice net dégagé par une voiture-radar. De quoi rapporter chaque année plus de 40 millions par an avec 223 véhicules en service et près du double pour une flotte de 450 voitures-radars.

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet Journaliste BFM Auto