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Rétrofit automobile: changer de moteur, plus vertueux que d'acheter une voiture neuve

Une étude de l'Ademe se penche sur le bilan carbone du rétrofit, cette pratique qui consiste à remplacer le moteur thermique d'une voiture par un moteur électrique. Avec une réduction des émissions de CO2 de 50% environ pour une citadine par rapport à l'achat d'un modèle neuf.

Légal depuis un peu plus d'un an, le rétrofit n'a pas encore vraiment décollé. Les premiers véhicules devraient toutefois bientôt être homologués en France pour cette opération qui consiste à convertir la motorisation d'un véhicule du thermique à l'électrique. Mais en attendant de réellement s'ouvrir au grand public, cette démarche confirme son aspect vertueux pour l'environnement.

Un bilan carborne désormais chiffré

L'Ademe, agence publique de la transition écologique, vient en effet de publier une étude revenant sur le bilan carbone du rétrofit "selon la méthode de l’ACV (analyse du cycle de vie), c’est-à-dire en prenant en compte le CO2 émis durant la fabrication du véhicule électrique".

Un schéma revenant sur les différentes étapes du rétrofit
Un schéma revenant sur les différentes étapes du rétrofit © Etude Ademe rétrofit 2021

Trois scénarios sont comparés: le prolongement de l'exploitation d'un véhicule diesel pendant 10 ans, l'achat d'un véhicule électrique neuf et son usage sur la même période et le rétrofit électrique d'un véhicule pour également l'utiliser pendant 10 ans.

Trois scénarios mais aussi trois types de véhicules qui sont comparés, avec des résultats qui placent toujours le rétrofit comme la meilleure solution.

Sur une citadine (type Fiat 500), l'Ademe estime la réduction d'émissions de CO2 à 66% par rapport au Diesel et de 47% par rapport à l'achat d'un véhicule neuf. Ces véhicules particuliers restent la cible principale du rétrofit, avec un potentiel de voitures à convertir estimé entre 320.000 et 1,25 million d'unités à l'horizon 2030.

Deuxième type de véhicules, les utilitaires légers et fourgonettes. L'économie de CO2 émis est estimée à 61% par rapport au Diesel et de 65% par rapport à l'achat d'un électrique neuf. Le tout avec un potentiel de marché compris entre 70.000 et 270.000 unités au cours des 10 prochaines années.

Enfin, pour les véhicules lourds, des poids lourds entre 16 et 19 tonnes et des autobus, la réduction d'émissions de CO2 est de 87% par rapport au Diesel et de 37% par rapport à un modèle électrique neuf. Entre 15.000 et 45.000 véhicules de ce type pourraient être rétrofités d'ici à 2030.

Un modèle économique plus incertain pour les véhicules légers

"En analysant les coûts complets du retrofit sur les différents segments de marché, l’étude montre que la pertinence économique du retrofit est meilleure pour les véhicules lourds, notamment les autobus, que pour les citadines", souligne toutefois l'Ademe.

En effet, si on reprend l'exemple de la citadine, son rétrofit "coûte presque aussi cher, en coût complet au kilomètre, que l’achat d’un véhicule électrique neuf".

L'opération aurait plus d'intérêt dans le cas d'un autobus "rétrofité", avec un coût à peine plus élevé par rapport au fait de continuer à utiliser un modèle roulant au gazole. Cette solution se révèle surtout 50% moins chère que l'achat d'un bus électrique neuf. "Ceci s’explique par le fait que le rétrofit d’un autobus coûte deux fois moins cher que l’achat d’un bus neuf, et que le bus possède une forte valeur résiduelle en fin de vie", note l'agence de la transition écologique.

Des emplois et un relais d'activités pour les garages

Autre vertu confirmée du rétrofit: un potentiel en termes d'emplois générés en France.

L'entreprise REV Retrofuture, dont le fondateur Arnaud Pigounides est aussi le représentant de la filière française du rétrofit à travers l'association AIRe, estime par exemple que 1000 emplois pourraient être créés en France au cours des trois prochaines années, avec un chiffre d'affaires potentiels de 400 millions d'euros pour 20.000 véhicules convertis et plus de 120.000 tonnes de CO2 évitées.

L'intérêt serait aussi de fournir une activité complémentaire aux garages. Dans un contexte où l'électrification se traduit par un entretien bien plus limité, la progression de ces véhicules dans le parc automobile se traduirait par une forte baisse d'activité pour ces acteurs.

"La filière du rétrofit électrique pourrait consolider des emplois sur le territoire (...) et permettre à la filière de se renouveler, de se convertir progressivement à la mobilité électrique et de conserver un maximum d’emplois locaux", note l'Ademe.

Soutenir la filière

Pour accompagner la naissance d'une filière française du rétrofit, l'Ademe formule également quelques recommandations, notamment au niveau réglementaire, afin de "clarifier la prise en compte des véhicules rétrofités dans les objectifs de renouvellement des flottes des collectivités et des entreprises" ou réviser certains aspects de 'l’arrêté rétrofit' afin de réduire les coûts d’homologation".

Des coûts d'homologation qui freinent en effet pour le moment le développement du marché, avec plusieurs centaines de milliers d'euros par exemple déjà investis par Transiton-One, une entreprise française basée à Orléans et qui mise sur le rétrofit de voitures particulières populaires, comme la Fiat 500 et la Twingo.

L'Ademe préconise également de créer une "filière industrielle du rétrofit robuste par la mise en réseau des acteurs et renforcer les engagements des rétrofiteurs sur la maintenance et l’entretien des véhicules rétrofités après leur mise en circulation (SAV)". Le groupe Renault, qui veut industrialiser cette conversion des véhicules sur son site de Flins (Yvelines), aura aussi un rôle à jouer dans cette montée en puissance.

Enfin, il faudrait "sensibiliser les potentiels clients (particuliers et collectivités) sur les bénéfices environnementaux de la solution rétrofit". Une bonne image environnementale qui devrait justement être renforcée par cette étude de l'Ademe, attendue avec impatience par les pionniers français du secteur.

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet Journaliste BFM Auto