Pourquoi le gazole coûtait 43 centimes de moins en 2008 quand le baril battait tous ses records

Cet apparent paradoxe s'explique à la fois par la plus faible valeur de l'euro face au dollar, la revalorisation de la taxe au litre sur le gazole opérée entre 2015 et 2018 et au renchérissement global des coûts de raffinage, transport et distribution.

C’est un paradoxe apparent qui suscite bien des commentaires sur les réseaux sociaux. Comment le litre de gazole peut-il coûter en moyenne 1,88 euro à la pompe (prix moyen en fin de semaine dernière, selon l’Ufip) alors que le pétrole utilisé pour le produire s’échangeait quelques semaines plus tôt autour de 100 dollar le baril, soit un cours amplement inférieur aux niveaux historiques lors de la crise de 2008?

Voici donc quatorze ans, à la fin du printemps, quand le baril de pétrole s’échangeait à 129 dollars (sa moyenne entre mai et juillet), le gazole avait culminé à 1,45 euro (prix atteint le 30 mai 2008), soit 43 centimes de moins qu’aujourd’hui.

En euros, le baril coûte plus cher qu'aujourd'hui qu'aux niveaux records de 2008

Pour démêler ce paradoxe apparent, il faut d’abord rappeler que le pétrole se paie en dollars. Or le taux de change est beaucoup moins favorable aujourd’hui qu’en 2008. A l’époque, 1 dollar valait 64 centimes d'euros. Mi-février (au moment où le baril était à 100 dollars, le prix auquel il a été acheté pour être vendu aujourd’hui sous forme de gazole) le dollar s’échangeait 88 centimes d'euros.

Ce qui signifie qu’en euro le baril de pétrole coûte désormais plus cher qu’au moment de la crise de 2008. Pour que ce soit plus parlant, dans un litre de gazole, le pétrole brut représente aujourd’hui 55 centimes, soit 3 centimes de plus qu’à la fin mai 2008.

Sur chaque litre acheté, la TICPE coûte 16 centimes de plus qu'en 2008

Il reste donc à expliquer le pourquoi des 40 centimes de différence qui restent. La réponse tient pour partie à la fiscalité pesant sur le gazole. Entre 2015 et 2018, la TICPE, la taxe fixe –au litre- qui pèse sur ce carburant le plus consommé en France a été davantage rehaussée que celle touchant le super sans plomb. Le but était alors de réduire le différentiel de prix entre ces deux carburants pour réduire l’attractivité des voitures diesel.

En 2008, le prix payé sur chaque litre de gazole était de 43 centimes. Depuis quatre ans, il s’élève à 59 centimes. Montant auquel il faut ajouter la TVA qui pèse sur cette taxe, soit 3 centimes de plus. Au total, cette taxation au litre sur le gazole coûte donc aujourd'hui à un automobiliste qui roule au diesel 19 centimes de plus qu'en 2008.

Une hausse globale de 15 centimes sur le raffinage, le transport et la distribution du gazole

Reste encore une vingtaine de centimes de différence. Pour l'expliquer, il faut se plonger dans les multiples éléments de communication dont on peut disposer, notamment ceux émanant de l'Ufip. Pour faire simple, on retiendra que le coût global du raffinage, du transport et de la distribution du gazole a augmenté de 15 centimes, toujours par rapport au prix record de 2008.

La majeure partie de cette hausse tient à l’inflation (renchérissement des frais généraux, du coût de la main d'oeuvre, des procédés industriels, des additifs etc...) mais une part non négligeable est aussi imputable aux obligations environnementales qui se sont imposés aux groupes pétroliers. Selon l’Ufip, elles représentent près de 5 centimes par litre. Difficile, en revanche, de savoir si les marges nettes ont augmenté ou non.

Reste à ajouter les un peu plus de 5 centimes de TVA sur le prix hors taxes du carburant, et vous avez toute l’explication.

Quand le pétrole est au plus haut, tant aujourd'hui qu'au printemps 2008, la part des taxes redevient inférieure à 50% en raison de l'effet amortisseur de la taxation au litre (TICPE). © Infographie BFMTV

Donc pour résumer: en euros, le pétrole coûte 3 centimes plus cher qu’en 2008, toutes les taxes, c’est quasiment 25 centimes de plus, et les obligations environnementales des pétroliers, le raffinage, le transport et la distribution (tout ça marges comprises), près de 15 centimes de plus. Ce qui nous fait bien 43 centimes.

https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco