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"Fenêtres thermiques": cette autre affaire qui pourrait coûter cher aux constructeurs

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) va devoir trancher 2 litiges de taille

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) va devoir trancher 2 litiges de taille - JOHN THYS / AFP

Une décision de la cour européenne de justice pourrait ouvrir la voie à une indemnisation des propriétaires de véhicules concernés par les "fenêtres thermiques", ces plages de températures qui peuvent rendre inopérant les systèmes de dépollution des diesels.

C’est une affaire distincte du dieselgate, mais qui s’en approche à plusieurs titres. En premier lieu car elle concerne des véhicules diesels relativement récents, de normes Euro 5 et 6, et qu’elle met en cause leur système de dépollution, avec un logiciel qui le rendait inopérant dans certaines circonstances. De quoi faire écho à l’affaire des moteurs truqués de Volkswagen et des autres constructeurs qui avaient aussi été rattrapés par la justice à la suite de l’éclatement du scandale en septembre 2015.

Un système antipollution inopérant la plupart du temps

Sur cette nouvelle affaire dite des "fenêtres thermiques", la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient justement de rendre sa décision concernant un litige en cours en Allemagne. Un particulier avait porté plainte contre Mercedes, reprochant que le système de traitement des gaz d’échappement, et notamment des oxydes d'azote (NOx), restait inactif la plupart du temps sur son véhicule, en fonction de la température extérieure, d'où cette expression de "fenêtres thermiques".

"En Allemagne, les recours en justice relatifs aux 'fenêtres thermiques' ont jusqu'à présent été rejetés par la plus haute juridiction, considérant qu'il ne pouvait pas s'agir d'un préjudice intentionnel du constructeur, mais tout au plus d'une négligence", résume l’AFP, pour expliquer pourquoi le dossier avait été transmis au niveau européen.

La décision rendue ce mardi par la CJUE "simplifie énormément la mise en oeuvre des droits à des dommages et intérêts", affirme le cabinet d'avocat allemand Goldenstein spécialisé en droit de la consommation, cité par l’agence de presse et pour qui "plusieurs millions de personnes à travers l'Europe peuvent profiter de l'arrêt de justice d'aujourd'hui".

Dédommagements en perspective pour les clients concernés

Un avis que partage Marc Barennes, avocat et associé-fondateur du bureau Brandeis Paris, qui a récemment lancé la première action collective en France pour que les entreprises concernées par le Dieselgate puissent être indemnisées.

"Cette décision est très importante à deux égards: d’abord, car elle confirme que la décision s’applique à Mercedes, mais aussi aux constructeurs qui ont installé un dispositif similaire, nous excplique l'avocat. Ensuite, car elle laisse la place à un dédommagement pour les clients, qui ont acheté ces véhicules."

Mais pourquoi avoir mis en place un tel système? Les constructeurs se défendent en expliquant que ces plages de fonctionnement ont été définies pour ne pas trop abîmer le moteur. Au-delà de la température, d'autres critères peuvent être intégrés: sur certains modèles de Renault par exemple, la vanne EGR (qui permet la recirculation des gaz d'échappement pour réduire les NOx) ne pouvait fonctionner qu'entre 17 et 35 degrés et à une vitesse supérieure à 50 km/h.

"C'est tout le problème, si vous définissez des critères trop stricts pour l'activation de ces systèmes, ils ne fonctionnent que trop rarement pour être réellement efficaces. Cela revient à acheter un véhicule avec une technologie de réduction de la pollution, mais qui est, au final, inopérante", poursuit Marc Barennes.

Pour les constructeurs, l'intérêt pouvait donc être de respecter la norme, sans trop augmenter le risque de panne moteur. Et, comme dans le cadre du dieselgate, réaliser des économies en termes de recherche et développement, par rapport au coût nécessaire pour proposer un système fonctionnel.

Quelle interprétation de la décision de CJUE par les tribunaux nationaux?

Les modèles du groupe Volkswagen, mais aussi de Renault ou PSA et Fiat seraient concernés. Pour les professionnels, Marc Barennes suggère de s'adresser directement au bureau Brandeis, qui se charge ensuite gratuitement d'établir la liste des modèles concernés dans leur flotte, dans le cadre du dieselgate, et donc désormais de ces fenêtres thermiques. Pour les particuliers, de rejoindre les actions lancées en justice par des associations de consommateurs, comme celle de la CLCV.

Difficile aussi de savoir le montant des dommages et intérêts qui pourront être reversés. Ce sera aux tribunaux nationaux d'en décider, en évaluant l'utilisation qui a été faite du véhicule, le nombre de kilomètres roulés par exemple.

Comme dans l'action collective lancée en France début février, les plaignants pourront justifier de deux préjudices. Moral tout d'abord: ils ont été trompés sur le système antipollution vendu avec le véhicule. Et un préjudice matériel, avec une perte économique à la revente par exemple, suite à ces révélations.

La balle est dorénavant dans le camp des juridictions de chaque pays de l'Union. Mercedes-Benz, le constructeur visé dans l'affaire examinée par la CJUE, a estimé dans un communiqué qu'il "restait à voir" comment les tribunaux nationaux interpréteront l'arrêt de la justice européenne, note l'AFP.

Le groupe allemand ajoute que ses véhicules diesel qui ont fait l'objet d'un rappel et reçu les mises à jour logicielles appropriées "peuvent être utilisés sans restriction".

https://twitter.com/Ju_Bonnet Julien Bonnet Journaliste BFM Auto