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Essai - Mercedes EQE 350+, le must des routières électriques?

Mercedes peaufine sa gamme 100% électrique en attaquant un segment très attendu, celui des berlines. L’EQE a-t-elle le potentiel pour devenir la nouvelle routière électrique de référence?

Au risque de dévoiler un secret de fabrication journalistique, oui, systématiquement quand sort une nouvelle voiture électrique haut de gamme, on se sent obligé d’y voir le nouveau "Tesla Killer"... Logique, tant la marque américaine est devenue une référence quasi-indéboulonnable en la matière. Elle est aussi le fabricant du best-seller et première routière électrique de masse, la Model 3 (largement plus d’1 million d’exemplaires écoulés désormais). Et de fait, si les grands constructeurs, surtout dans le haut de gamme, se sont largement électrifiés via le segment des SUV, peu sont ceux qui ont attaqué de front le segment des berlines et des routières, jusque-là.

Mercedes, en pleine offensive électrique via sa gamme EQ, se devait de répliquer, tant le constructeur allemand est aussi - et surtout - une référence en termes de berlines routières haut de gamme.

Si l’offensive a commencé par le très haut de gamme avec le porte-drapeau EQS (équivalent électrique de la luxueuse et statutaire Classe S), Mercedes se devait d’occuper le terrain sur le segment intermédiaire. L’EQE (qui correspond logiquement à la Classe E) tiendra ce rôle stratégique et d’emblée difficile, tant Tesla semble intouchable en la matière, et le défi de l’électrification totale compliqué à relever, face aux révolutions de l’usage automobile, notamment face à la crise de l’énergie.

Se classant parmi les grandes routières, l'EQE reprend des lignes bien connues chez Mercedes. Lignes qui ressortent en particulier de profil.
Se classant parmi les grandes routières, l'EQE reprend des lignes bien connues chez Mercedes. Lignes qui ressortent en particulier de profil. © Antoine Larigaudrie

Le point fort: une ligne à couper le souffle

Et force est de constater que cette EQE 350+, d’entrée de jeu, frappe fort, voire très fort, déjà visuellement. Même si techniquement elles diffèrent totalement, l’EQE ressemble peu ou prou à une EQS en taille plus réduite (4.94 mètres de longueur tout de même), avec son habitacle en forme de bulle qui surplombe une ceinture de caisse élancée, impression accentuée par des roues vraiment situées aux extrémités avant et arrières, avec des porte-à-faux naturellement très réduits.

Les roues de l'EQE, impressionnantes, sont situées aux extrémités de la caisse, accentuant encore l'impression d'une "grande" voiture.
Les roues de l'EQE, impressionnantes, sont situées aux extrémités de la caisse, accentuant encore l'impression d'une "grande" voiture. © Antoine Larigaudrie

Tout comme sa grande sœur EQS, les formes de l’EQE sont avant tout dictées par l’aérodynamique, en témoigne aussi sa calandre très fluide, à la forme évoquant celle des premières Honda Civic Hybrid. Un gage de qualité, puisque si l’EQS possède le Cx (coefficient de pénétration dans l’air) le plus faible de la production automobile actuelle à 0,2, l’EQE n’est vraiment pas loin à 0,22, en faisant un des engins les plus aérodynamiques au monde. Il faut s’y faire, tout comme aux formes spécifiques des jantes aérodynamiques, pas aussi élégantes que de belles jantes en alliage, mais diablement efficaces.

La Mercedes EQE fait partie des véhicules au cx (coefficient de pénétration dans l'air) parmi les plus bas du marché, à 0,22.
La Mercedes EQE fait partie des véhicules au cx (coefficient de pénétration dans l'air) parmi les plus bas du marché, à 0,22. © Antoine Larigaudrie

A l’intérieur, l’EQE 350+ compile à peu près tout ce qu’on attend de mieux quand on imagine une Mercedes électrique. Un confort difficilement comparable, une qualité de fabrication et d’assemblage irréprochable, et de la high-tech de tout premier ordre, intégrée au sein d’une ergonomie plutôt traditionnelle. Et là, honnêtement, force est de constater que Tesla est relégué à des années-lumière en termes de confort et de prestations, surtout dans cette finition AMG Line, toute de cuir noir vêtue.

L'une des forces de cette Mercedes EQE, c'est son confort, son design, le caractère premium propre à une Mercedes.
L'une des forces de cette Mercedes EQE, c'est son confort, son design, le caractère premium propre à une Mercedes. © Antoine Larigaudrie

L’espace intérieur et le degré de confort sont dignes des meilleures créations de la marque, avec de vastes surfaces vitrées, et des places arrières royales, dotées d’un espace aux jambes de tout premier ordre. Là aussi l’empattement très long entre les deux paires de roues rend possible cette prouesse, tout en préservant le coffre, pas le plus spacieux de la catégorie, mais doté de 430 litres de capacité tout de même.

Dynamisme et sobriété

Place aux sensations de conduite. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, Mercedes a vraiment conçu une voiture électrique doté de vraies sensations de conduites affirmées. Loin d’être une berline fade, elle arrive à être dynamique juste ce qu’il faut, avec une énergie et une maniabilité étonnantes compte tenue du gabarit et de la masse du véhicule (2,3 tonnes toute de même). Tout ceci étant rendu possible grâce à une gestion optimale des paramètres via les différents modes dynamiques (d’éco à sport), et à 4 roues directrices qui facilitent les manœuvres à très basse vitesse et rendent la direction plus efficace quand le rythme s’accélère. Une vraie prouesse.

Mais le véritable point fort, brillant et bluffant, reste le confort et le silence de cette EQE, qui là aussi surpasse très largement les Tesla 3 et S, grâce à une insonorisation impeccable et à des bruits de roulement très maîtrisés, ce qui est loin d’être le cas sur d’autres modèles électriques. Suivant les modes, un bruit d’ambiance électronique plutôt bien vu, tenant du ronronnement de grosse cylindrée revu et corrigé à la sauce spatiale, vous permettra de ne pas être totalement déconnecté si vous continuez de réagir auditivement aux bruits moteurs traditionnels. Un mélange étonnant et pas désagréable du tout.

Mercedes a soigné les sensations de conduite sur ce modèle.
Mercedes a soigné les sensations de conduite sur ce modèle. © Antoine Larigaudrie

Efficacité et sobriété

Un des points marquants de cette EQE est aussi sa sobriété. Dotée de 617 kilomètres d’autonomie avec un "plein" en données WLTP (et même un peu plus de 700 en conduite exclusivement urbaine, d’entrée de jeu une des meilleures du marché), cette EQE 350+ à simple moteur est doté d’une batterie de 90.6 kWh de capacité, et tourne à des régimes vraiment raisonnables, autour des 15/18kWh aux 100 kilomètres, même en conduite dynamique. Les temps de recharge sont très corrects, allant de 8 heures environ sur une borne de recharge à 11kW, à 32 minutes seulement avec un chargeur rapide à puissance maximum (170 kW DC).

Notre version d'essai, l'EQE 350+, dispose d'une autonomie de 617 kilomètres en cycle WLTP.
Notre version d'essai, l'EQE 350+, dispose d'une autonomie de 617 kilomètres en cycle WLTP. © Antoine Larigaudrie

Une expérience de conduite vraiment convaincante, riche de tous ses aspects high-tech également. Là aussi, on commence à égaler le niveau de Tesla, tout en restant sobre. Des écrans numériques en nombre et dimensions raisonnables, un head-up display bien pratique et pas trop invasif, des fonctions vocales sans souci via le système MBUX, et surtout des capacités d’autonomie vraiment bluffantes, qui permettent à haute vitesse comme dans les embouteillages, d’avoir une voiture qui lit la route, tourne, vire, freine, accélère et observe le trafic aussi bien que vous, avec souplesse et équilibre. De quoi profiter, par séquences de 30 secondes (il vous faudra presser légèrement le volant pour réactiver l’autopilote), de la très belle installation hi-fi Burgmeister ou des fonctions de connectivité multiples de l’infotainment.

L'EQE est bardée d'écrans très efficaces à l'usage.
L'EQE est bardée d'écrans très efficaces à l'usage. © Antoine Larigaudrie

Le point noir: pas assez puissante?

Quelques défauts à signaler? Très peu, le plus évident étant une visibilité arrière désastreuse (mais l’omniprésence des caméras périphériques compense tout), et une impression peut-être un peu curieuse lors de la prise en mains initiale, tant l’EQE se révèle dynamique et maniable, et en même temps imposante en taille et lourde. Un coup à prendre, mais qui laisse vite place à un vrai plaisir de conduire… et d’être conduit.

Certains seront aussi déçu par le niveau de puissance, 292 chevaux, loin des cumuls de puissance très élevés qu’on peut avoir pour bien moins cher chez Tesla ou même Volvo, surtout quand ces modèles sont dotés de 2 moteurs électriques. On pourra rétorquer qu’avec 565Nm de couple et 6,4 secondes du 0 à 100km/h, on peut voir venir avec un moteur unique.

Pour les amateurs de puissance pure, 2 versions sportives AMG vont d’ailleurs bientôt arriver, dotées de 2 moteurs et d’une transmission intégrale. Et puis la vérité du marché commence à infuser: certes l’électrique permet d’entrée de jeu des niveaux de puissance colossaux, mais l’automobiliste ne préfèrera-t-il pas à l’avenir les motorisations les plus sobres, déjà très suffisante, pour privilégier l’autonomie, la praticité et l’homogénéité?

Cette Mercedes EQE disposera dans les prochains mois de versions AMG, plus sportives.
Cette Mercedes EQE disposera dans les prochains mois de versions AMG, plus sportives. © Antoine Larigaudrie

Le défi de Mercedes était en réalité un double-défi: signer une berline de référence dans le segment des routières électriques, tout en restant une véritable Mercedes. Double-défi remporté haut la main, au vu des qualités exceptionnelles de cette auto. L’EQE 350+ a largement de quoi venir jouer les trouble-fêtes sur un marché certes trusté légitimement par Tesla, mais où ses S et Model 3 commencent à vieillir un peu, et vont accuser un sérieux coup niveau confort et prestations intérieures.

Certes la concurrence afflue, chez Audi, Porsche, BMW et bien d’autres, mais sur des produits un peu différents, soit plus sportifs, soit plus petits, soit plus… SUV. Là, Mercedes dispose désormais d’une véritable référence indiscutable qui risque de bousculer le marché... et peut-être même faire tourner le vent du futur électrifié en faveur des bonnes vieilles berlines traditionnelles.

Modèle essayé: Mercedes EQE 350+ AMG Line.
Prix: à partir de 83.150 euros, 105.610 euros pour notre modèle d'essai

Antoine Larigaudrie