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Des mesures inédites pour transformer la mobilité des Français

Un symbole covoiturage dans la Métropole de Lyon qui a ouver des voies réservées au covoiturage sur les axes M6 et M7

Un symbole covoiturage dans la Métropole de Lyon qui a ouver des voies réservées au covoiturage sur les axes M6 et M7 - BFM Lyon

[AVIS D'EXPERT] La mobilité des Français, assurée aux deux-tiers par la voiture, fait face à des défis environnementaux, de santé publique et de pouvoir d’achat. Sans mesures novatrices, ces derniers seront difficilement relevés.

Tout d’abord, la France s’est fixé l’objectif de décarbonation totale des transports à l’horizon 2050. Un objectif intermédiaire de diminution de 28% des transports est fixé pour 2030, par rapport aux niveaux de 2015. Notre pays n’est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre cet objectif.

L’environnement et la santé des Français impactés par l’automobile

Ensuite, l’automobile a une incidence sur la santé des Français par les polluants atmosphériques et le bruit. D’une part, les oxydes d’azote et les particules fines nuisent à la santé humaine et les autorités sanitaires estiment à 40.000 décès prématurés. D’autre part, le bruit constitue une nuisance très présente dans la vie quotidienne des Français: 86% se déclarent gênés par le bruit à leur domicile. Dans notre pays, le coût social du bruit est ainsi estimé à plus de 147 milliards d’euros par an, sur la base des données et connaissances disponibles. La circulation routière est à l’origine de 50 milliards d’euros de coût social en France!

Alors le basculement vers l’électrique aura un effet positif et massif pour l’environnement, grâce à de l’électricité décarbonée, et sur la santé des Français. Sauf que ce sera lent pour remplacer les 39 millions de véhicules thermiques du parc national. Ainsi, la voiture la plus achetée par les Français est la Dacia Sandero, dont le prix de base est de 11.500 euros. Le prix de la Dacia Spring reste deux fois plus élevé que celui de la Dacia Sandero, elle est également plus petite. En plus, les finances des ménages français sont sous pression avec la hausse des denrées alimentaires et de l’énergie. Les carburants dépassent 2 euros pour se déplacer. Les Français devront mobiliser plusieurs centaines de milliards d’euros en plus pour payer le différentiel de prix entre un véhicule thermique (essence ou diesel) et un véhicule électrique, pour décarboner entièrement le parc automobile.

Des mesures drastiques pour réduire les véhicules polluants

Si collectivement, nous souhaitons réduire les émissions de CO2 et les particules fines, l’enjeu est de sortir du parc automobile les véhicules les plus polluants. Il serait alors nécessaire de cibler les véhicules Crit’Air 5 et 4, soit environ 4 millions de voitures. Donc, je propose une mesure forte : l’interdiction de la circulation des véhicules Crit’Air 4 et 5 d’ici 2030. D’ici là, pour aider les ménages les plus modestes, il faudrait concentrer toutes les aides existantes de conversion, taxes sur le poids des véhicules neufs et autres sur cet objectif. Et je propose une deuxième mesure simple: un financement à 100% d’aides publiques pour les Français les plus modestes, pour un véhicule d’occasion Crit’Air 2 ou 3, dans la limite de 7.500 euros. C’est une mesure à 1 milliard d’euros par an et elle est finançable en redéfinissant les priorités et les aides actuelles.

Il faut rappeler que les véhicules à moteur diesel Crit’Air 5 et 4 ne disposent pas de filtres à particules. Ce sont donc les plus nocifs pour la santé humaine. En plus, la prise en charge totale pour les ménages les plus modestes leur permettrait de retrouver des marges de manœuvre grâce à une baisse des dépenses de carburants. Il est clair qu’un véhicule Crit’Air 3 consomme moins qu’un véhicule Crit’Air 5.

Favoriser le covoiturage sans bourse délier

Aucun réseau de transports publics n’est à l’équilibre sans les concours des collectivités territoriales. IDF mobilités perçoit seulement 30% de ses revenus de la part des utilisateurs. Sans les entreprises, les collectivités territoriales et l’État (qui mettra 800 millions d’euros supplémentaires au pot en 2024), le budget d’IDF Mobilités ne pourrait être à l’équilibre. Donc, augmenter les réseaux de transports publiques revient à accroître les charges pour les collectivités territoriales. Il existe une opportunité de transport partagé: le covoiturage.

Selon l’Observatoire de l’Autosolisme, sur un million de voitures analysées, 85% contenaient une seule personne la semaine! Plutôt que de proposer de nouvelles dépenses pour les transports en commun, nous pourrions tenter de promouvoir le covoiturage. Faisons du covoiturage une cause nationale. Il y a déjà des aides publiques dont l’utilité reste à démontrer.

Alors quelles sont les mesures qui pourraient inciter à covoiturer? La gestion de l’espace public est un levier pour favoriser certains types de mobilité. Par exemple, le développement de pistes cyclables se fait au détriment de voie dédiées à l’automobile. Alors, nous pourrions utiliser l’espace public pour accroître le covoiturage... il serait possible de réserver 2% des places de stationnement en France (comme pour les personnes à mobilité réduite) et même 5% dans les 22 métropoles françaises. C’est une loi simple! Elle donnerait directement de la visibilité au covoiturage au plan national. Elle inciterait aussi l’accès des métropoles, et des villes, grâce au covoiturage, pour pouvoir se garer. Comment contrôler? Il suffit de faire le lien entre les applications de covoiturage et les moyens de paiement du stationnement des villes et métropoles.

En conclusion, sans nouvelles mesures, à la fois inédites et exigeantes, il sera difficile d’atteindre les objectifs de santé publique et de protection de l’environnement. Nous ne pouvons pas seulement compter sur les finances des ménages et des entreprises pour basculer à l’électrique. En 2030, avec l’élimination des véhicules Crit’Air 5 et 4, l’augmentation du parc de véhicules électriques et la diffusion du covoiturage, la France réduirait drastiquement ses émissions de CO2 routières, les oxydes d’azote et les particules fines.

Franck Cazenave, expert en mobilité