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"Un fléau malheureusement tabou": les députés s'attaquent à la zoopornographie

Image d'illustration - un chat et un chien

Image d'illustration - un chat et un chien - Isasza - Flickr CC

D'après une enquête de l'association Animal Cross, le nombre de visites mensuelles sur des sites spécialisés dans la zoopornographie "est d’environ 1,5 million" en France.

L'Assemblée nationale a commencé ce mardi l'étude de la proposition de loi visant "à renforcer la lutte contre la maltraitance animale". Au programme des discussions, des règlementations concernant les animaux de compagnie, la détention d’animaux sauvages par les cirques itinérants et les delphinariums mais aussi la zoophilie et la zoopornographie, deux sujets encore largement tabous dans l'Hexagone.

Militants, vétérinaires, avocats... Ils sont peu en France à aborder la question de la zoophilie, plus souvent tournée à la dérision que prise au sérieux. Mais ils ont réussi à attirer l'attention d'élus, comme Dimitri Houbron, député LaREM du Nord et co-auteur de cette loi, notamment sur ce sujet.

Plusieurs personnes "m’ont sensibilisé sur cette problématique et m’ont, je dois le dire, ouvert les yeux sur un fléau malheureusement tabou et sujet aux moqueries", raconte-t-il à BFMTV.com. "Depuis donc deux ans, avec cette équipe informelle, nous avons travaillé à mettre sur pied des dispositifs législatifs en la matière".

1,5 million de visiteurs par mois

La zoophilie est définie par le dictionnaire Le Robert comme un "amour pour les animaux" ou comme des "rapports sexuels d'un être humain avec un animal". Le Larousse renvoie au terme "bestialité", et parle de "coït avec des animaux domestiques". La zoopornographie est, elle, la mise en scène et la diffusion de pratiques sexuelles entre l'homme et l'animal.

"Le coït entre humains et animaux est donc considéré comme un acte zoophile, mais également d'autres comportements sexuels comme la fellation, le cunnilingus, la masturbation d'animaux, la pénétration anale, l’exhibitionnisme, le frotteurisme et le voyeurisme", écrit la vétérinaire Marjolaine Baron dans sa thèse sur la zoophilie publiée en 2017, une des rares études sur le sujet, devenue un texte de référence en France.

Le code pénal français punit déjà actuellement les "sévices graves ou de nature sexuelle", à l'encontre des animaux. L'animal peut être confisqué, et le coupable risque deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Mais ces pratiques sexuelles entre humains et animaux restent visionnables dans des vidéos en ligne aujourd'hui. Il y a presque un an, l'association de protection des animaux Animal Cross - qui a travaillé avec Dimitri Houbron sur le projet de loi - publiait une enquête sur la zoophilie. Selon ses recherches, elle estime que le nombre de visites mensuelles sur des sites spécialisés dans la zoopornographie "est d’environ 1,5 million" en France, cette évaluation excluant "les sites pornographiques, avec une partie sur la zoophilie, qui ont un trafic très important", explique l'enquête.

Des annonces zoophiles "dans toute la France"

Aujourd'hui "vous tapez quelques mots-clés sur un moteur de recherche et vous pouvez trouver directement des vidéos zoophiles, c'est extrêmement facile", déplore auprès de BFMTV.com Benoît Thomé, président de l'association Animal Cross. "Ces sites ne sont souvent pas français, et ne demandent pas une déclaration d'âge de plus de 18 ans", explique-t-il, ce qui expose les plus jeunes à des images zoopornographiques.

L'article 11 du texte a notamment pour but de faire disparaître ces images. Il punit de quatre ans d’emprisonnement et de 60.000 euros d’amende la zoopornographie et son visionnage, soit "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère zoopornographique".

Cet article "est fondamental, il va vider ces contenus abjects, et très facilement consultables, de la Toile", mais il n’est pas le seul, explique Dimitri Houbron. "J’ai fait passer des amendements en commission qui augmentent les peines pour les auteurs de ces sévices (4 ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende), des peines aggravées si ces faits sont commis en présence de mineurs par exemple (5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros)".

Benoît Thomé explique attendre le passage d'un amendement élargissant la définition de sévice sexuel de la pénétration sexuelle sur un animal à "tout acte à caractère sexuel sans pénétration, de quelque nature qu’il soit", mais aussi l'interdiction de la publication de petites annonces zoophiles.

"Il existe des annonces dans toute la France", note l'enquête d'Animal Cross, sur des sites spécialisés mais aussi sur des plateformes de petites annonces généralistes.

Il s'agit par exemple d'organiser des rencontres entre zoophiles autour d'un animal, certains n'hésitant pas à rappeler qu'ils ont déjà eu des expériences par le passé. "Chiens (déjà pratiqué avec 7 femmes), chevaux (envie de voir une femme avec)", écrit par exemple un internaute dans une annonce sur un site spécialisé. Selon Benoît Thomé, le phénomène "a augmenté avec internet, car cela met plus facilement et directement en relation les zoophiles entre eux".

Quels risques pour les animaux?

D'après les quelques études existantes, et les images en ligne, il semble que les zoophiles privilégient les chiens, mais aussi les équidés. "Le choix du chien a son importance et les sites zoophiles expliquent comment choisir son chien, le chien ne devant être ni dominant, ni soumis", explique l'enquête d'Animal Cross. Mais les chèvres, les poules ou encore les vaches sont également des animaux choisis. Or, les rapports sexuels entre l'humain et l'animal peuvent sévèrement le blesser, voire le tuer.

"La muqueuse génitale des mammifères - hors primates - n'est pas prévue pour un accouplement régulier. Les lésions sont donc souvent plus sévères qu'elles ne le seraient chez l'humain", explique à BFMTV.com Sylvia Masson vétérinaire, experte en médecine du comportement. "Les lésions peuvent être mineures ou absentes, jusqu'à l'extrême contraire aboutissant à la mort de l'animal", relève dans sa thèse Marjolaine Baron.

De l'autre côté, des maladies pourraient aussi être créées chez l'homme par cet accouplement inter-espèces, bien que trop peu d'études existent sur le sujet pour en avoir la certitude. Une enquête brésilienne suggère par exemple que ces pratiques présentent un risque de développement d'un cancer du pénis chez l'homme.

Peu d'histoires de zoophilie atterrissent devant les tribunaux, Animal Cross en décompte ainsi moins de 20 sur plusieurs années. "Il y a très peu de choses qui sortent, toute la difficulté c'est de repérer des cas", explique Benoît Thomé.

Côté vétérinaire, reconnaître un cas de zoophilie "c'est de l'ordre de l'exceptionnel", déclare Sylvia Masson qui explique avoir eu au cours de sa carrière "une fois un doute". Cela ne signifie pas que la pratique n'existe pas, mais qu'elle est difficile à repérer car elle peut ne laisser aucune lésion. De plus, "les gens viennent chez le vétérinaire avec une demande, si des analyses ne sont pas demandées, elles ne sont pas faites", explique-t-elle.

"L'intime conviction que les animaux sont consentants"

De leur côté, les zoophiles différencient dans leur communauté les personnes entretenant une relation amoureuse avec un ou des animaux, et ceux pratiquant le zoosadisme, qui consiste à faire souffrir l'animal volontairement. Des sites prônant la zoophilie - dans le premier sens - existent et voient cette pratique sous le prisme de la protection animale, de l'antispécisme, en mettant humain et animal sur le même pied d'égalité. Ils revendiquent aussi le fait d'être une minorité sexuelle persécutée.

Cette communauté "a l'intime conviction que ses actes ne sont pas répréhensibles, que les animaux sont consentants, et qu’elle ne fait que défendre une 'pratique sexuelle'", explique Dimitri Houbron. À l'annonce de l'article 11 dans le nouveau projet de loi, certains n'ont d'ailleurs "pas hésité à contacter des députés par messages électroniques", explique l'élu, afin de défendre leur cause. Car c'est la question du consentement qui se pose entre l'animal et l'homme.

"Je ne suis pas persuadée que l'on puisse parler de relation amoureuse dans la plupart des cas, ni consentie d'ailleurs", explique Sylvia Masson. "Parfois, les zoophiles sont persuadés que les animaux sont demandeurs de contacts sexuels avec des humains, bien qu'aucune littérature scientifique/vétérinaire ne l'évoque", écrit Marjolaine Baron. "De nombreux comportementalistes s'accordent à dire qu'il n'existe pas de justifications qui pourraient expliquer des assauts spontanés inter-espèces venant des animaux".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV