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Animaux

Quand les cachalots développent une culture de clan

Le cachalot animal social voire culturel.

Le cachalot animal social voire culturel. - Scott Portelll - flickr - CC

On savait certains groupes d'animaux capables de développer une forme de culture animale propre, comme la transmission d'un savoir au groupe auquel ils appartiennent. Après les orques épaulards, les chimpanzés et certaines espèces d'oiseaux, une nouvelle étude suggère que les cachalots ont également acquis ce savoir.

Qu'ils s'expriment au moyen de cliquetis portant à plusieurs kilomètres n'empêche pas les cachalots de parler un dialecte qui marque leur appartenance à un groupe particulier d'individus, affirme une étude de la revue Nature Communications. Plus encore, ces différences "culturelles" assimilables à des dialectes d'une même langue jouent un rôle-clé dans une répartition des cétacés qui n'a cependant rien à voir avec leur appartenance géographique. "La transmission culturelle semble la clé de la répartition des cachalots en différents clans", disent en substance les chercheurs dont l'article a été publié mardi.

Les cachalots se regrouperaient par affinités culturelles

Jusqu'à maintenant, les scientifiques savaient que les cachalots étaient adeptes d'une société clanique, mais la manière dont ces groupes s'organisaient demeurait un mystère. En réalité, les spécimens partageant les mêmes particularités de langage et de comportements s'assemblent, montre cette étude pour laquelle les chercheurs ont comparé les données recueillies sur plus de 18 ans et élaboré des simulations informatiques.

Mieux, les cétacés enrichissent mutuellement leurs champs lexicaux au contact de leurs pairs. Ni le hasard, ni la seule génétique ne peuvent conduire à des groupes employant différents langages, tranche Mauricio Cantor de l'université Dalhousie au Canada, coauteur de l'étude. "Nos résultats renforcent l'hypothèse que les principales caractéristiques de la culture humaine (comme l'apprentissage social) peuvent se retrouver dans les populations animales", continue le scientifique.

"Les cachalots sont finalement des animaux très conformistes, ils ne retiennent que les types de signaux qu'ils entendent dans leur groupe social. Ce type de signature sociale dans la manière de parler est quelque chose qu'on retrouve dans toutes les sociétés humaines", explique au Figaro Luke Rendell, biologiste à l'université de St Andrews, en Écosse.

Peut-on parler de culture animale?

La notion de culture animale est très controversée. Pour certains scientifiques, la culture, définie grossièrement comme une forme d'apprentissage social qui établit une distinction entre des groupes, n'existe que chez l'homme et c'est même ce qui le différencie de l'animal. Une différence théorisée en son temps par Rousseau (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755) qui avançait l'argument de la "perfectibilité", une historicité des sociétés humaines inconnue des formes d'organisations animales qui n'évoluent pas au cours des siècles.

Mais pour Mauricio Cantor, tout dépend de ce que l'on entend par "culture". "Dans notre étude, nous employons le terme culture au sens large comme définissant un comportement qui est socialement appris et partagé avec un sous-ensemble de la population." Selon lui, "les animaux peuvent, comme nous, découvrir de nouvelles choses, apprendre et copier les compétences de l'autre, passer cette information de génération en génération". "L'idée de l'existence de la culture animale a gagné du terrain au cours des 10-20 dernières années", conclut le chercheur.